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Note des analystes politiques azerbaïdjanais : pour la première fois, la conversation stratégique sur l’axe Nord-Sud ne sera pas gâchée par la question du Haut-Karabakh.

Mikhail Zubov

Le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev et le président russe Vladimir Poutine lors d’une réunion au Kremlin. (Photo : Pavel Lebedyakov/POOL/TASS)

Le 22 avril, le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev est arrivé à Moscou pour une visite de travail. Sa rencontre avec Vladimir Poutine a débuté vers 15h30, heure de Moscou. Les résultats des entretiens devraient être annoncés le 23 avril, pendant ou après le petit-déjeuner d’affaires. Le 22 avril, outre les entretiens en tête-à-tête, les dirigeants rencontreront des anciens combattants de la BAM.

Peu avant la visite, le président français Macron a invité l’ ambassadrice d’Azerbaïdjan à Paris, Leyla Abdullayeva, et a en même temps rappelé l’ambassadeur de France de Bakou « pour consultations ».

Le ministère des Affaires étrangères de la cinquième république a déclaré que « la France regrette les actions de l’Azerbaïdjan et souhaite que la partie azerbaïdjanaise clarifie ses intentions ». Le Premier ministre français Gabriel Attal a reconnu que l’Azerbaïdjan avait occupé les territoires de l’Arménie « avec la bénédiction de la Russie ».

Les deux dirigeants ont convenu de se rencontrer à Moscou en octobre 2023, lorsqu’ils se sont entretenus à Bichkek lors du sommet de la CEI. Mais à l’approche de cette rencontre, l’Occident, et en premier lieu la France, a de plus en plus tenté d’empêcher Poutine et Aliyev de se parler.

Quelle en est la raison et que prévoient d’annoncer les deux présidents lors du petit-déjeuner d’affaires du 23 avril ? Andrei Areshev, expert du Caucase du Sud à la Fondation pour la culture stratégique, en a parlé à Svobodnaya Pressa.

« SP » : Andrei Grigorievich, le Kremlin annonce que les deux présidents discuteront des relations économiques, notamment de la construction de routes, et rencontreront les anciens combattants de la BAM. Pourquoi Macron est-il si enthousiaste à cet égard ?

– Pour le comprendre, il suffit de lire les journaux azerbaïdjanais. Ils notent que pour la première fois dans l’histoire post-soviétique, la réunion des dirigeants des deux pays ne sera pas éclipsée par l’ordre du jour dicté par la situation au Nagorny-Karabakh.

En d’autres termes, plus rien n’empêche le développement de la coopération entre nos pays. Naturellement, l’Occident n’est pas satisfait de cette situation. Cependant, tout le monde comprend que le principal allié de l’Azerbaïdjan est la Turquie. Et un certain nombre de pays, dont le Royaume-Uni et les États-Unis, ne veulent pas aggraver les relations avec la Turquie. Et la France a déjà de mauvaises relations avec la Turquie, donc rien ne l’empêche de faire pression sur l’Azerbaïdjan.

« SP : Quels sont les projets de coopération économique entre la Russie et l’Azerbaïdjan qui peuvent inquiéter l’Occident ?

– Je pense qu’il s’agit du corridor de transport international Nord-Sud, qui passera par l’Azerbaïdjan. Il reliera le port indien de Mumbai et Saint-Pétersbourg, avec un accès supplémentaire à l’Europe après la fin de l’ère des sanctions. Je pense que le retrait de l’ambassadeur français d’Azerbaïdjan est lié à cela, et non à l’amour ardent de Paris pour l’Arménie et Pashinyan. Et l’ambassadeur azerbaïdjanais à Paris a bien sûr subi des pressions pour annuler la réunion des dirigeants de nos pays à Moscou.

L’Occident fait maintenant pression pour un autre projet de transport – la « Route du développement » – qui part du port irakien de Bassorah et remonte le Tigre et l’Euphrate jusqu’en Turquie et plus loin vers l’Europe. Cette route reliera finalement l’Inde à l’Europe, en contournant la Russie. Il me semble que la visite d’Erdogan aux États-Unis en mai sera consacrée à ce projet, dans la mesure où la « voie de développement » ne sera possible que si Erdogan résout le problème des Kurdes sur son territoire. Et pour cela, Washington doit cesser de les soutenir.

Dans ce contexte, la voie passant par l’Azerbaïdjan semble plus réaliste, et Bakou subit des pressions pour abandonner cette idée favorable.

En outre, l’Azerbaïdjan, comme tous les autres pays post-soviétiques, subit des pressions pour empêcher l’exportation de marchandises vers la Russie, en particulier les exportations parallèles, et pour empêcher le transit d’hydrocarbures en provenance de Russie.

« SP : Les analystes politiques azerbaïdjanais ont-ils raison de dire que Poutine et Aliyev ne discuteront pas du Haut-Karabakh ?

– Je suis d’accord avec eux. Tout a déjà été décidé depuis que l’Arménie a reconnu que le Karabakh appartenait à l’Azerbaïdjan. Les questions relatives aux casques bleus russes sont discutées entre Moscou et Bakou en ordre de marche, et notre contingent est progressivement retiré avec l’accord des parties. Peut-être qu’un document symbolique sera signé, mais ce n’est pas un sujet de conversation sérieux.

Si nous parlons de corridors de transport, il est logique de discuter du corridor de Zangezur (ou Syunik).

Il ne semble pas important aujourd’hui, car nos produits pétroliers sont acheminés vers la Turquie par ferry, mais si Zelensky parvient à transformer la mer Noire en mer Rouge, son importance augmentera.

Mais pour discuter de ce corridor, il faudra aussi que Erevan soit capable de négocier.

Svpressa