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L’humoriste était reçu ce jeudi 16 mai par la direction des ressources humaines de Radio France, après avoir réitéré sa blague polémique sur Benjamin Netanyahu, que le tribunal de Nanterre n’a pourtant pas jugée antisémite.

Caroline Constant

Depuis sa convocation, plusieurs pétitions de soutien sont en ligne.© Nasser Berzane/ABACAPRESS.COM

Le verdict n’est pas tombé, mais c’est tout comme : Guillaume Meurice ne sera pas à l’antenne dans le Grand Dimanche Soir de Charline Vanhoenacker cette semaine, ni sans doute dans les semaines à venir. À l’issue de son entretien par les ressources humaines de Radio France, l’humoriste a posté sur les réseaux une publication pour informer que « la procédure (en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à la rupture anticipée de mon contrat de travail pour faute grave) suivant son cours, je suis toujours interdit d’antenne jusqu’à nouvel ordre ».

Guillaume Meurice a reçu le 2 mai dernier une convocation pour sanction disciplinaire, assorti d’une interdiction de coprésenter le « Grand Dimanche Soir » de Charline Vanhoenacker et de se présenter à la Maison de la Radio. Cette convocation intervient après que l’humoriste ait répété à l’antenne le 28 avril sa blague sur Netanyahu : « Il y a des choses qu’on peut dire, par exemple si je dis que “Netanyahou est une sorte de nazi mais sans prépuce” c’est bon le procureur il a dit c’est bon, il l’a dit cette semaine. Vous pouvez en faire des mugs, des t-shirts, c’est ma première blague autorisée par la loi française. »

Des plaintes classées sans suite

La justice avait en effet classé sans suite le 18 avril les deux plaintes déposées le 6 novembre 2023 par l’Organisation juive européenne pour « provocation à la haine antisémite » et « injures publiques à caractère antisémites ». Le parquet de Nanterre a estimé que « les deux infractions visées par la plainte n’apparaissent pas comme caractérisées ».

La plainte avait été transmise à la Brigade de Répression de la Délinquance contre la Personne (BRDP), après que Guillaume Meurice, dans une chronique sur Halloween, avait prononcé une phrase controversée : « Alors, en ce moment, il y a le déguisement Netanyahou, qui marche pas mal pour faire peur. Vous voyez qui c’est ? Une sorte de nazi, sans prépuce. »

La phrase a provoqué un gros remous

Dans son livre « l’oreille du cyclone », sorti en avril (dont le fruit des ventes est reversé à Médecins sans frontières), Guillaume Meurice raconte comment il a été convoqué par la police, mais aussi comment il a été harcelé, menacé de mort, son numéro de téléphone et son adresse dévoilés sur internet. Le tout sans soutien de la direction, qui a pourtant une obligation de protection de ses salariés, et qui lui a à l’inverse demandé de présenter des excuses aux auditeurs, ce qu’il a refusé. Depuis sa convocation, plusieurs pétitions de soutien sont en ligne, dont la principale recense près de 240 000 signatures.

Des humoristes l’ont aussi soutenu, à commencer par ses camarades du Grand Dimanche Soir, qui lui ont consacré une émission le 5 mai dernier. À l’occasion, son collègue Djamil le Schlag a démissionné en direct. En notant au passage que « la justice a classé sans suite la blague de Guillaume. Mais la direction l’a quand même puni. C’est le contraire d’Éric Zemmour : lui, il est multirécidiviste, mais sa chaîne (CNews) le soutenait. »

D’autres voix évincées de l’antenne

Dimanche 12 mai, l’antenne de Radio France a été en grève toute la journée, à l’appel de l’intersyndicale, pour protester contre les atteintes à la liberté d’expression. D’autant que plusieurs voix de l’antenne, la même semaine, ont été évincées : l’émission écologique « la Terre au carré », de Mathieu Vidard et Camille Crosnier, a été jugée trop militante pour continuer, les quatre journalistes issus de l’émission phare « Là-bas si j’y suis » de Daniel Mermet, Giv Anquetil, Antoine Chao, Charlotte Perry et Anaëlle Verzaux, ont été remerciés, la librairie francophone s’arrête, tout comme la chronique de Dominique Meda sur France Culture. Les journalistes font aussi état de pressions sur le traitement de la situation en Israël et à Gaza.

La direction de Radio France, Sybile Veil en tête, s’appuie pour sanctionner Guillaume Meurice sur la mise en garde de l’Arcom à France Inter, le 23 novembre dernier. L’instance de régulation estimait alors que la chronique de Meurice avait « porté atteinte au bon exercice par Radio France de ses missions et à la relation de confiance qu’elle se doit d’entretenir avec l’ensemble de ses auditeurs », tout en réaffirmant, de façon assez contradictoire, « l’importance de protéger la liberté d’expression des humoristes ».

La ministre de la Culture, Rachida Dati, a affirmé de son côté le 7 mai dernier que la direction de Radio France « ne pouvait pas ne rien faire », tout en soulignant que cela peut « interroger sur la liberté d’expression ».

Cette mise à pied et cette sanction entrent aussi dans un contexte plus large : Rachida Dati a relancé l’idée de la fusion de l’audiovisuel public, projet qui doit être présentée à l’Assemblée Nationale jeudi et vendredi prochain. La radio publique pourrait être la grande perdante de cette fameuse holding, et les reculs sur le nombre de reportages et le coût de l’antenne sont déjà un indice de ce qui l’attend. Les salariés seront donc d’ailleurs en grève, à l’appel de l’intersyndicale, durant ces deux jours.

L’Humanité