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Ben Soodavar, Researcher, Department of War Studies, King’s College London

Rhiannon Emm PhD Candidate in the Department of War Studies, King’s College London

De la fumée s’élève après des frappes aériennes israéliennes à Rafah le 7 mai 2024. Xinhua / Alamy Stock Photo

La perspective d’un accord de cessez-le-feu, que le Hamas affirmait s’être vu proposer au début du mois, était une source d’optimisme pour les habitants de Gaza qui cherchaient un répit dans la guerre. Ce sentiment de jubilation a été de courte durée. Selon les médiateurs du Qatar, les pourparlers se sont essoufflés.

Et comme Israël poursuit sa nouvelle offensive militaire dans la ville frontalière de Rafah, au sud, et dans certaines parties du nord de la bande de Gaza où le Hamas s’est regroupé, rien n’indique que ce conflit ait une date d’expiration.

L’offensive israélienne à Rafah, où plus d’un million de Palestiniens déplacés cherchent refuge, s’intensifie. Les chars israéliens ont progressé dans la partie orientale de la ville, atteignant certains quartiers résidentiels. On estime à 500 000 le nombre de civils ayant fui cette zone de combat et à 35 000 le nombre de morts palestiniens, civils et combattants confondus, selon l’autorité sanitaire de Gaza.

Le 14 mai, alors qu’Israël célébrait son indépendance, le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est adressé au pays et a averti que la guerre ne s’arrêterait pas « tant que les monstres du Hamas ne seraient pas éradiqués ». Ses remarques sont accueillies avec frustration, même par les alliés les plus fidèles d’Israël. Les États-Unis, par exemple, ont prévenu que la nouvelle offensive pourrait les amener à suspendre le transfert de certaines armes à Israël.

La pression diplomatique accrue, l’augmentation des pertes militaires et le problème persistant des otages israéliens à Gaza n’ont pas suffi à dissuader M. Netanyahou d’ordonner la nouvelle offensive. Mais il y a beaucoup à perdre à poursuivre cette stratégie.

Non seulement elle risque de perpétuer le conflit, mais elle pourrait aussi rendre plus difficile une victoire israélienne sur le Hamas. Les pressions extérieures exercées par les États-Unis et l’Union européenne se poursuivront et pourraient finir par limiter la portée de la poursuite des objectifs militaires d’Israël.

Cela nous amène à nous interroger sur les conditions psychologiques qui régissent la politique de guerre de Netanyahou. Nous soutenons qu’Israël est enfermé dans un « dilemme de la perte ». Ce concept décrit un processus dans lequel les mesures prises pour surmonter l’anxiété de l’État en choisissant d’éviter un type de perte (échec militaire dans l’éradication du Hamas) créent une nouvelle anxiété à l’idée d’en subir un autre (perte de la position politique intérieure).

Le résultat de ce processus a probablement influencé le cabinet de guerre de Netanyahou dans la poursuite de sa politique actuelle, et explique peut-être le mépris pour les victimes civiles et la baisse de la réputation internationale d’Israël.

Pressions internes

Le traumatisme lié à la perte potentielle des Israéliens toujours retenus en captivité par le Hamas est une raison de s’engager dans un cessez-le-feu, surtout lorsque Netanyahou a été pressé par le public israélien de les ramener à la maison. Israël affirme que 128 otages sont toujours portés disparus à Gaza, dont au moins 34 sont présumés morts. Mais la politique interne de la coalition de guerre israélienne l’en a empêché.

M. Netanyahou s’est positionné comme un leader qui « assurera la sécurité et le châtiment d’Israël ». En revendiquant une victoire militaire à Gaza, il risque d’affaiblir sa position politique. Toute impression de volte-face sur sa promesse de sécuriser les frontières d’Israël rendra difficile son maintien au pouvoir.

Ce dilemme est encore aggravé par les pressions exercées sur lui par le contingent ultranationaliste de sa coalition politique, dont il dépend actuellement pour son pouvoir politique. Au cours de la guerre, la position dure du ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a attiré le soutien de certains membres de la droite du Likoud de Netanyahou.

Lors d’un récent rassemblement, M. Ben-Gvir a affirmé qu’Israël devait « encourager le départ volontaire des habitants de Gaza » afin que les Israéliens puissent se réinstaller sur la « terre sainte » de Gaza.

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Le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir. Abir Sultan / EPA

L’une des dynamiques fondamentales en jeu ici est la question de savoir qui peut être chez soi dans la « patrie ». Les habitants de Gaza, en étant chez eux dans la bande de Gaza, sont considérés par Israël comme une menace fondamentale pour la sécurité. Cette logique suggère que les Palestiniens vivant à Gaza produiront toujours des combattants du Hamas et que, par conséquent, tout habitant de Gaza représente une menace potentielle pour l’existence même d’Israël.

Il est clair qu’il s’agit d’une perte, notamment la perte historique des colonies israéliennes à Gaza en 2005. Cependant, alors que les tensions continuent de monter en Israël à propos de la conduite de la guerre, il devient de plus en plus difficile pour Israël de maintenir une image singulière de ceux qui peuvent être chez eux dans cet État. La pluralité devenant un poison politique, des identités plus primitives sont utilisées comme fondement pour déterminer qui est légitimement autorisé à considérer Israël et la terre qu’il occupe comme son foyer.

Ce dilemme de la perte, qui souligne la dynamique interne de la politique israélienne actuelle, a incité M. Netanyahou à engager son armée non seulement pour débarrasser Gaza des combattants du Hamas, mais aussi pour poursuivre une politique d’expansion des frontières d’Israël.

L’avenir nous dira si M. Netanyahou finit par acquiescer aux appels des membres ultranationalistes de sa coalition. Mais ce qui est certain, c’est que la stratégie actuelle ne conduira pas à une victoire totale d’Israël et qu’elle garantira au contraire la poursuite du conflit pour les années à venir.

Les Palestiniens tiendront fermement à conserver le contrôle de la bande de Gaza et voudront éviter que leur patrie ne soit envahie par les colons israéliens.

The Conversation