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Donald Trump a imposé des sanctions contre la Cour pénale internationale, Joe Biden les a levées. Aujourd’hui, le président américain est lui-même confronté à la CPI dans le conflit du Proche-Orient. Mais sa marge de manœuvre politique est limitée.

Christian Weisflog, Washington

Le conflit au Proche-Orient pourrait coûter à Biden sa réélection à l’automne.Elizabeth Frantz / Reuters

Le numéro d’équilibriste de Joe Biden dans la guerre de Gaza relève déjà de l’acrobatie. Désormais, le procureur en chef de la Cour pénale internationale (CPI) tente également de le déstabiliser : Lundi, Karim Khan a demandé cinq mandats d’arrêt. Un contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, un contre son ministre de la Défense Yoav Gallant et trois contre des dirigeants du Hamas. Khan accuse tous les accusés de crimes de guerre, y compris d’extermination.

Le président américain a réagi à cette annonce comme il l’a pratiquement toujours fait ces derniers mois face à des nouvelles désagréables concernant le conflit au Proche-Orient : avec une grande indignation, mais sans envisager de véritables conséquences. Biden a qualifié l’action du procureur en chef de La Haye de « monstrueuse ». Quoi que Khan ait voulu insinuer par là, « il n’y a pas d’équivalence – aucune – entre Israël et le Hamas », a déclaré le président dans une brève déclaration lundi.

Plus tard dans la journée de lundi, Biden a doublé la mise dans un discours. Ce qui se passe dans la bande de Gaza n’est pas un génocide, a-t-il souligné. « Nous soutenons Israël pour éliminer (le chef du Hamas) Sinwar et les autres bouchers du Hamas ». Il a ajouté que les États-Unis collaboraient avec Israël pour vaincre le Hamas.

Les républicains demandent une loi sur les sanctions

Contrairement à Biden et à son parti démocrate, les républicains exigent entre-temps des « sanctions sévères » contre la CPI. Dans une lettre adressée à Khan en avril déjà, douze sénateurs républicains ont menacé de mesures de rétorsion s’il demandait des mandats d’arrêt contre des hommes politiques israéliens. Une telle action constituerait également une menace pour la souveraineté des Etats-Unis : « Si vous visez Israël, nous vous viserons ».

Pendant ce temps, la représentante républicaine au Congrès Elise Stefanik a déjà présenté à la Chambre des représentants une loi de sanctions contre la CPI. Elle porte le nom évocateur de « Illegitimate Court Counteraction Act ». Si elle était adoptée, le président devrait prendre des mesures contre les collaborateurs de la Cour pénale de La Haye et les membres de leur famille immédiate en bloquant leur entrée et leur compte bancaire, si la CPI devait enquêter sur des citoyens américains ou des alliés des Etats-Unis.

Le Congrès doit adopter cette loi, a exigé Stefanik lundi. Selon lui, la CPI est un « tribunal illégitime » qui place une nation pacifique sur un pied d’égalité avec un groupe terroriste radical.

Par hasard, Stefanik était justement en visite en Israël lundi, où elle a également rencontré le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Celui-ci mène actuellement son pays à travers l’une des périodes les plus sombres de son histoire, et les Etats-Unis doivent se positionner clairement en faveur d’Israël, a écrit la députée de premier plan sur le service de messages courts X après la rencontre. Dimanche, Stefanik avait déjà lancé une pique à Biden aux parlementaires israéliens. « Il n’y a pas d’excuse pour un président américain de bloquer l’aide à Israël qui a déjà été approuvée par le Congrès », a-t-elle déclaré, ajoutant que l’aide militaire à Israël devait être inconditionnelle.

Stefanik faisait allusion à la récente décision de Biden de geler une livraison de bombes de 500 et 2000 livres à Israël. Il s’agissait jusqu’à présent de la première véritable tentative de pression du président pour empêcher Israël de lancer une grande offensive terrestre dans la ville de Rafah, dans la bande de Gaza. Mais les républicains ont reproché en bloc à Biden d’avoir décrété un « embargo sur les armes » contre Israël. Dans le même temps, le président a également subi des pressions de la part des donateurs pro-israéliens de la campagne électorale, tandis que l’aile gauche de son parti exigeait un arrêt général des livraisons d’armes offensives à Israël.

Divisé entre idéalisme et politique de puissance

Comme pour les livraisons d’armes, Biden s’occupe désormais aussi de la CPI. Alors que les républicains sont unis sur cette question, une profonde division traverse le parti démocrate. Alors que leur président a vivement critiqué la décision du procureur en chef, certains sénateurs démocrates n’ont pas souhaité la commenter lundi. Même ceux qui ne sont pas en bons termes avec Netanyahu.

Biden doit déjà craindre que son soutien obstiné à Israël lui coûte sa réélection à l’automne. Si un cessez-le-feu n’intervient pas rapidement au Proche-Orient, il sera de plus en plus difficile pour le président de regagner le cœur des jeunes et des électeurs de gauche qui, aux Etats-Unis, sympathisent avec le mouvement de protestation pro-palestinien.

Théoriquement, Biden n’a pas besoin d’une nouvelle loi pour imposer des sanctions à Khan et à la CPI. En 2020, son prédécesseur Donald Trump avait imposé par décret des mesures pénales à deux procureurs de la Cour pénale. Ils faisaient avancer les enquêtes sur les crimes de guerre américains en Afghanistan et les délits israéliens dans les territoires palestiniens. Biden a toutefois levé ces sanctions en 2021.

La motivation de l’administration Biden reflétait toutefois déjà à l’époque sa relation divisée avec la CPI. D’une part, il a réaffirmé les critiques de Trump à l’égard de la Cour pénale. Les procureurs de La Haye ne devraient pas demander des comptes à des Etats comme les Etats-Unis ou Israël, qui n’ont pas ratifié le statut fondateur de la CPI, a écrit le ministre des Affaires étrangères Antony Blinken dans une déclaration. Dans le même temps, la poursuite d’atrocités commises en masse est un intérêt important pour la sécurité nationale des Etats-Unis. C’est pourquoi on préférerait résoudre les défauts de la CPI par le dialogue plutôt que d’imposer des sanctions unilatérales.

C’est ce que l’on peut lire entre les lignes : Washington, en tant que modèle démocratique, aimerait bien être du côté du droit international, mais ne veut pas s’y engager dans le concert des grandes puissances, pas plus que la Russie ou la Chine.

NZZ