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Juan Cole

Un nouveau rapport conjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM) avertit que même si le nord de la bande de Gaza est actuellement confronté à la famine, « il est très probable que le reste de la bande de Gaza soit confronté à un risque de famine jusqu’en juillet 2024, dans le pire des cas ».

L’International Medical Corps, une ONG travaillant à Gaza aux côtés de l’UNICEF et d’autres organisations, rapporte cette semaine que « selon une récente évaluation des besoins par le Global Nutrition Cluster, la situation à Gaza est alarmante : le conflit en cours a considérablement aggravé la malnutrition infantile, qui est passée d’un taux de malnutrition aiguë globale de 0,8 % à 16 % dans le nord de la bande de Gaza et à 7 % dans le reste de la bande de Gaza. »

Ce chiffre de « 7 % dans le reste de la bande de Gaza » montera en flèche d’ici juillet pour atteindre des niveaux similaires à ceux qui existent actuellement dans le nord de la bande de Gaza.

Le rapport indique que 1,7 million de personnes sont déplacées à l’intérieur de la bande de Gaza, ce qui signifie qu’elles sont sans abri et sans source de revenus. Les quatre premiers mois de la guerre totale d’Israël contre Gaza ont détruit une année entière du PIB de l’ensemble de la Palestine : « À la fin du mois de janvier 2024, le coût des dommages directs infligés aux infrastructures de la bande de Gaza équivalait à 97 % du PIB total de la Cisjordanie et de la bande de Gaza en 2022. » Cela équivaut à endommager des bâtiments, des routes, des canalisations d’eau et des centres de traitement des eaux usées aux États-Unis pour une valeur de 27 000 milliards de dollars. L’inflation trimestrielle dans la bande de Gaza était de 120 % au premier trimestre de cette année, alors que le PIB a chuté de 80 %.

Amartya Sen a affirmé que les famines ne surviennent pas parce qu’il n’y a pas de nourriture. Elles surviennent parce que la nourriture devient trop chère et n’est pas distribuée aux personnes qui en ont besoin, alors même que celles-ci perdent les revenus nécessaires pour l’acheter.

Ce point est une réponse importante à l’affirmation du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu selon laquelle Israël laisse entrer suffisamment de nourriture à Gaza pour la population en termes de calories. Selon les organisations humanitaires des Nations unies et des ONG présentes sur le terrain, cette affirmation est un mensonge éhonté. Mais même si c’était vrai, le fait d’avoir de la nourriture dans des camions à la frontière ne préviendrait pas nécessairement la famine si elle ne peut pas être distribuée efficacement, si les gens ne peuvent pas se rendre dans les centres de distribution, etc.

Le rapport fait état d’une situation inquiétante :

Entre la mi-mars et la mi-juillet, la moitié de la population de la bande de Gaza (1,1 million de personnes) devrait être confrontée à des conditions catastrophiques (phase 5 de l’IPC), et la totalité de la population de la bande de Gaza devrait être confrontée à des niveaux de crise ou pire (phase 3 de l’IPC ou plus) d’insécurité alimentaire aiguë.

La malnutrition de phase 3 est définie comme suit : « Phase 3 – CRISE : Au moins 20 % des ménages d’une zone sont en phase 3 ou pire, et les taux de malnutrition aiguë devraient se situer entre 10 et 15 % ».

La phase 5 de la malnutrition est définie comme suit : »FAMINE : au moins 20 % des ménages d’une région sont en phase 5, les taux de malnutrition aiguë dépassent 30 % et plus de 2 personnes sur 10 000 meurent chaque jour.

La situation est grave pour le nord de la bande de Gaza, mais les choses sont bien pires et s’étendent à l’ensemble de la bande :

Selon le Comité d’examen de la famine du CIP, à partir de mars 2024, tous les éléments indiquent une accélération majeure des décès et de la malnutrition liés à la famine.

L’insécurité alimentaire à Gaza ne progresse pas à un rythme régulier. Elle s’accélère de manière alarmante. Et elle s’accélère depuis un certain temps :

Les taux de malnutrition ont doublé depuis janvier 2024 dans les gouvernorats du nord, un enfant de moins de deux ans sur trois étant touché. En mars 2024, la famine était prévue et imminente dans le nord de Gaza et les gouvernorats de Gaza, en l’absence d’une cessation immédiate des hostilités, d’un accès humanitaire sans restriction et d’un rétablissement de la santé, de l’eau, de l’assainissement et de l’électricité.

Ainsi, au printemps dernier, un tiers des enfants en bas âge et des nourrissons du nord de Gaza souffraient visiblement de malnutrition. Il faut savoir que les enfants ne se remettent pas de la malnutrition. Celle-ci a des conséquences cognitives et affectives permanentes. Ils n’atteindront jamais leur plein potentiel en matière d’intelligence et de régulation émotionnelle.

Et c’est là que le bât blesse :

En outre, pour les gouvernorats du sud et du centre, le comité d’examen de la famine du CIP a conclu qu’il existait un risque de famine au cours de la période de projection allant de la mi-mars à la mi-juillet, dans un scénario raisonnable du pire.

La famine s’étend inexorablement du nord de Gaza vers le sud et, à la mi-juillet, elle aura très probablement englobé la totalité de la bande de Gaza, soit 2,2 millions d’habitants.

Pour une population de 2,2 millions d’habitants, une personne sur 10 000 équivaudrait à 220 personnes. Si plus de 2 personnes sur 10 000 meurent chaque jour, cela signifie qu’il y en a au moins trois. Ce chiffre correspondrait à un nombre de 660 morts par jour dus à la famine. Ce chiffre équivaudrait à 19 800 morts par mois.

Si la famine imposée par Israël restait en place pendant deux mois, elle ferait plus de victimes que toutes les bombes israéliennes en neuf mois de guerre totale contre Gaza.

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