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Samar Al-Gamal

Depuis les premières semaines de la guerre, les Etats-Unis pointent du doigt le Hamas, l’accusant de refuser les plans de trêve. En réalité, c’est Israël qui a rejeté tous les accords. Explications.

Les vraies fausses promesses de cessez-le-feu

Des enfants au milieu des ruines suite à l’attaque israélienne contre le camp de réfugiés de Nuseirat où des centaines de civils ont été tués. (Photo : AFP)

 « Si vous voulez un cessez-le-feu, faites pression sur le Hamas pour qu’il accepte » la proposition de cessez-le-feu présentée il y a une dizaine de jours par le président américain, déclarait le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, alors qu’il quittait Le Caire lundi en direction d’Israël.

Quelques heures plus tard, à New York, le Conseil de sécurité votait une résolution proposée par les Etats-Unis, « accueillant favorablement la nouvelle proposition de cessez-le-feu annoncée le 31 mai », affirmant à tort « qu’Israël l’a acceptée » et « appelant le Hamas à l’accepter également », pour mettre fin à la guerre de huit mois à Gaza, où Israël a tué plus de 37 000 Palestiniens, en grande majorité des enfants et des femmes.

Au-delà du fait que la nouvelle résolution n’appelle pas directement à un cessez-le-feu, mais accueille juste la proposition pour y parvenir, le texte parle d’un cessez-le-feu « total et complet » et non pas « permanent », ce qui signifie qu’Israël pourrait reprendre ses attaques à tout moment. Pour autant, d’ailleurs, le Hamas a immédiatement réagi positivement, déclarant que le mouvement de résistance était « prêt à coopérer avec les médiateurs sur la mise en oeuvre des principes du plan ». Le groupe a apparemment compris que complet était effectivement « permanent », ignorant le jeu de mots américains.

Biden avait annoncé ce qu’il avait décrit comme « une proposition israélienne », la qualifiant de « feuille de route » pour un cessez-le-feu durable et la libération de tous les Israéliens en captivité à Gaza.

L’intransigeance israélienne ignorée

Cependant, à la suite de cette annonce, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a déclaré que les conditions d’Israël pour mettre fin à la guerre n’avaient pas changé ; dans une déclaration publiée par son bureau, il a dit que « les affirmations selon lesquelles nous avons accepté un cessez-le-feu sans que nos conditions soient remplies sont incorrectes ».

Des rapports dans les médias israéliens, citant des sources officielles israéliennes, insistaient qu’il y avait eu des « écarts » entre la version présentée par Biden et ce qu’Israël a réellement proposé. Le Conseil de guerre israélien a même décidé de demander aux Etats-Unis des garanties que la guerre contre Gaza se poursuivrait même après qu’un accord aurait été conclu.

Israël a ainsi rejeté sa propre proposition ; cependant, Washington continuait de porter la faute de l’impasse sur le Hamas.

Certains membres du Conseil de sécurité se sont demandé si Israël avait effectivement accepté la proposition, comme indiqué dans le texte — un point que la Russie, qui s’est abstenue de voter, a soulevé. Le représentant permanent de la Russie a déclaré au Conseil après le vote qu’il y avait « un manque de clarté sur ce qu’Israël avait signé exactement dans la résolution, laissant trop de questions sans réponses pour que Moscou offre son soutien ».

L’obstruction israélienne a été sans cesse ignorée, en plus de huit mois de guerre. Juste début mai, la veille de l’entrée des troupes israéliennes à Rafah, le Hamas a informé les médiateurs égyptiens et qataris qu’il avait accepté leur proposition et que la balle était maintenant du côté israélien.

Mais Tel-Aviv s’est immédiatement emparé du terminal de Rafah, puis du corridor de Philadelphie à la frontière égyptienne, poussant l’Egypte à geler les communications.

Une semaine encore avant l’annonce de Biden, le groupe a informé les médiateurs qu’il est prêt à parvenir à un « accord global » si Israël arrête la guerre.

En effet, le Hamas aurait offert à Israël au moins une dizaine d’accords depuis le 9 octobre, lorsque le groupe a proposé la libération d’un nombre de femmes et d’enfants captifs à Gaza, en échange de la libération de 36 femmes et enfants palestiniens pris en otages par Israël. Le 16 octobre, le groupe a proposé de libérer tous les otages en échange de la libération de 6 000 Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Le 17, il propose aussi leur libération si Israël accepte d’arrêter de bombarder Gaza. Une dizaine de jours plus tard, c’est la proposition de « tout contre tout », tous les Palestiniens libérés contre tous les Israéliens. Et puis encore le 17 novembre, le 2 et le 22 janvier, le 7 février, le 15 mars ; tous ces accords ont été rejetés par Israël.

Cependant, l’Administration américaine continue de parler comme si le Hamas était le seul obstacle à un accord. Le porte-parole du département d’état, Matt Miller, a ainsi répété le refrain manifestement faux selon lequel « la seule chose qui empêche un cessez-le-feu immédiat aujourd’hui, c’est le Hamas », avant de se contredire, affirmant que la proposition annoncée par Biden « est presque identique à ce que le Hamas avait dit qu’il accepterait il y a quelques semaines » —, ce qu’Israël a rejeté.

Différentes versions d’un accord sont sur la table depuis des mois, mais le point le plus important à retenir est les propos de Biden, dans une interview au magazine Times la semaine dernière. Il a déclaré qu’il y a « toutes les raisons » de croire que Netanyahu prolonge la guerre à Gaza pour sa propre préservation politique.

Al AHRAM