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Andrew Korybko

Il a toujours été irréaliste d’imaginer qu’Orban puisse arrêter les plans de l’OTAN en Ukraine.

Lors de la réunion de mercredi entre le Premier ministre hongrois Viktor Orban et le chef de l’OTAN Jens Stoltenberg, les deux dirigeants sont parvenus à un accord sur l’aide militaire de l’Union européenne à l’Ukraine. La Hongrie ne s’opposera pas aux décisions de l’OTAN à cet égard, comme elle l’avait fait brièvement pour l’UE, en échange de quoi l’OTAN ne l’obligera pas à participer à une intervention conventionnelle dans ce pays, à autoriser l’utilisation de son territoire pour faciliter cette intervention et à financer les forces armées ukrainiennes. En d’autres termes, les deux parties ont accepté d’être en désaccord et de ne pas s’immiscer dans les affaires de l’autre.

Si certains observateurs étrangers favorables à Orban peuvent être déçus par cette décision, ils feraient bien de réfléchir au fait qu’il était irréaliste pour eux d’imaginer qu’il pourrait à lui seul arrêter les plans de l’OTAN. Le dirigeant hongrois est devenu un héros culte parmi les dissidents occidentaux qui s’opposent à la guerre par procuration de l’Union européenne contre la Russie via l’Ukraine, après avoir courageusement mis en garde ces deux dernières années contre l’irresponsabilité et le danger de cette politique. Ses déclarations énergiques ont parfaitement canalisé leur point de vue sur la question.

Néanmoins, il n’est en fin de compte qu’un homme à la tête d’un pays relativement petit dont le rôle dans cette guerre par procuration est éclipsé par celui de la Pologne et de la Roumanie voisines. Il lui était donc impossible de faire échouer les plans de l’OTAN et tout ce qu’il pouvait espérer, c’était d’obtenir des garanties publiques que la Hongrie ne serait pas entraînée dans cet imbroglio. C’est précisément ce qu’il a reçu mercredi, que Stoltenberg lui a donné dans le but d’améliorer la réputation de l’Union.

Du point de vue de l’OTAN et compte tenu de l’incapacité de la Hongrie à empêcher une intervention conventionnelle en Ukraine ainsi qu’à empêcher d’autres pays de financer les forces armées ukrainiennes, il était plus logique de laisser tranquille ce membre retardataire afin de détourner l’attention des allégations d’intimidation. Faire publiquement pression sur la Hongrie pour qu’elle envoie ses troupes en Ukraine et en laisse d’autres transiter sur son territoire, malgré l’impopularité de ces politiques dans le pays, pourrait susciter des comparaisons négatives entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie.

En conséquence, les Hongrois pourraient se rebeller violemment contre leurs occupants littéraux de l’OTAN dans ce cas et pourraient également obstruer les routes logistiques dont dépendrait cette intervention conventionnelle, créant ainsi beaucoup plus de problèmes de sécurité, de logistique et d’image qu’il n’en vaudrait la peine. C’est pourquoi le choix a été fait de respecter la décision de la Hongrie de rester en dehors du cadre de ces activités, ce qui est pragmatique et donne également un faux crédit aux affirmations selon lesquelles l’OTAN est un ensemble de démocraties, et non de dictatures libérales.

Orban savait qu’il ne serait jamais en mesure d’empêcher ce qui pourrait arriver, c’est pourquoi il voulait seulement obtenir des garanties publiques que les intérêts nationaux objectifs de son pays seraient assurés dans ce scénario. Sa précédente querelle avec l’UE au sujet de l’Ukraine visait principalement à garantir publiquement que les fonds bloqués par la Hongrie ne seraient pas redirigés vers ce pays, tandis que la dernière querelle avec l’OTAN visait principalement à garantir publiquement que ses troupes et son territoire ne seraient pas utilisés pour intervenir dans ce pays.

Non seulement il a obtenu ce qu’il voulait des deux organisations, mais il a également obtenu de l’UE qu’elle accepte un mécanisme de vérification pour l’aide non létale à l’Ukraine et de l’OTAN qu’elle accepte que la Hongrie ne finance pas les forces armées ukrainiennes. Il s’agit toutefois de concessions superficielles puisque le mécanisme de l’UE ne prévoit pas de droit de veto pour interrompre la distribution de cette aide si la corruption échappe à tout contrôle, tandis que l’OTAN ne dispose d’aucun mécanisme pour obliger la Hongrie à financer les forces armées ukrainiennes de toute façon.

Ces deux aspects ont été ajoutés à leurs accords respectifs pour sauver les apparences, afin que ces blocs interconnectés paraissent plus démocratiques qu’ils ne le sont en réalité. L’UE dispose de moyens légaux pour passer outre la Hongrie, tout comme l’OTAN dispose de moyens coercitifs, mais ni l’une ni l’autre n’a voulu y recourir, car il était plus facile de donner à la Hongrie ce qu’elle voulait. De même, il était plus facile pour la Hongrie d’accepter ces accords que d’opposer une résistance quichottinienne à ces deux organisations, ce qui aurait pu se solder par un désastre si elle avait osé le faire.

Contrairement à ce que certains partisans d’Orban à l’étranger ont pu supposer, à savoir qu’il avait été effrayé par la tentative d’assassinat du premier ministre voisin Robert Fico pour conclure ce dernier accord, le dirigeant hongrois n’a rien abandonné, à l’exception de ses protestations symboliques, et a obtenu tout ce qu’il voulait. L’OTAN perdrait sa crédibilité si elle revenait sur ses garanties publiques à l’égard de la Hongrie, ce qu’elle n’a aucune raison de faire puisque la Hongrie ne fait de toute façon pas partie intégrante de ses plans pour l’Ukraine, de sorte que cet accord devrait durer.

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