Étiquettes

, , , , , , , , ,

Pouvoir d’achat, salaire, énergie, Gaza… Le « Nouveau Front populaire », qui rassemble les principaux partis de gauche, a dévoilé les mesures-clés de son programme commun de gouvernement en cas d’accession au pouvoir à l’issue des législatives anticipées.Romain David

Par Romain David

Quelques heures seulement après avoir conclu leur accord politique et électoral pour les législatives, les leaders des principaux partis de gauche ont présenté les grandes lignes de leur programme ce vendredi 14 juin. Le « contrat de législation » de ce « Nouveau Front populaire » se décline en 150 mesures, dont certaines seront à mettre en œuvre dès le lendemain des législatives, en cas d’arrivée au pouvoir.

« On ne va pas se contenter de revenir sur toutes les réformes injustes d’Emmanuel Macron, et elles sont nombreuses, on veut changer la vie des gens avec des mesures concrètes », a défendu Marine Tondelier, la secrétaire nationale des écologistes, lors d’une conférence de presse commune aux chefs de partis, accompagnés de membres de la société civile.

En urgence, le pouvoir d’achat et les questions internationales

Deux mesures prioritaires pour la gauche en cas de victoire aux législatives, autour du « pouvoir d’achat » et de la « paix ». À savoir la signature d’un décret de blocage des prix des biens de première nécessité dans l’alimentation, l’énergie et les carburants, – avec une annulation de la hausse programmée du prix du gaz au 1er juillet -, mais aussi un appel à un « cessez-le-feu » immédiat à Gaza.

Plusieurs élus nous confiaient, à quelques heures du bouclage de l’accord, que les questions internationales avaient donné du fil à retordre aux négociateurs, notamment la désignation du Hamas, un dossier sur lequel s’est fracturée la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) à l’automne dernier. « Agir pour la libération des otages détenus depuis les massacres terroristes du Hamas, dont nous rejetons le projet théocratique », est la formule retenue dans le texte de l’accord, alors que de nombreux responsables LFI ont refusé ces derniers mois de qualifier de « terroriste » cette organisation islamiste.

« Est-ce qu’il doit y avoir un vote à l’Assemblée nationale sur la qualification du Hamas ? Il n’y en aura pas. Notre position est claire dans ce texte », a balayé, ce vendredi, Manuel Bompard, le coordinateur de La France insoumise.

Sur l’Ukraine, le programme confirme le soutien à la lutte contre l’agresseur russe, « par la livraison d’armes nécessaires, l’annulation de la dette extérieure de l’Ukraine, la saisie des avoirs des oligarques qui contribuent à l’effort de guerre russe […], et l’envoi de casques bleus pour sécuriser les centrales nucléaires. »

« Il nous tenait à cœur d’asseoir la nécessité d’un envoi d’armes », souligne Aurore Lalucq, la co-présidente de Place publique. Raphaël Glucksmann, le candidat PS-Place publique aux européennes, a largement fait campagne sur le soutien à apporter aux Ukrainiens.

Les trois premiers mois

Les partis de gauche s’engagent, « dans les 15 jours » suivant le second tour des législatives, à abroger la réforme des retraites, qui a porté à 64 ans l’âge légal de départ, pour revenir à 60 ans. Mais aussi celle de l’assurance chômage, prévue pour entrer en vigueur le 1er juillet, et qui doit réduire la durée maximale d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

Un « Pacte pour le pouvoir d’achat » prévoit également de monter le smic à 2 000 euros brut, soit 1 600 euros net, contre 1 766 euros brut actuellement, c’est-à-dire un peu moins de 1 400 euros net. Les salaires seront indexés sur l’inflation et le point d’indice des fonctionnaires augmenté de dix points.

Les gauches entendent également rendre l’école publique « vraiment gratuite », avec la prise en charge des frais de cantine, de transport et des fournitures scolaires. Ce vendredi, Marine Tondelier a promis que les premières mesures en ce sens entreront en vigueur pour la rentrée 2024.

L’alliance s’engage à faire voter dès cet été une loi de programmation énergie-climat, qui devra définir le mix énergétique de la France. « Il y a des positions différentes selon les formations, et l’on considère que c’est à l’Assemblée nationale de trancher », indique Manuel Bompard. « Le programme ne revient pas ni ne supprime les différences que nous pouvons avoir sur un certain nombre de sujets.

Pour rappel, au sein du bloc de gauche, seuls les communistes sont favorables au plein développement de la filière nucléaire. Insoumis et écologistes veulent en sortir complètement. Durant la campagne des européennes, Raphaël Glucksmann, le candidat PS-Place publique aux européennes, s’était dit favorable à la construction de nouveaux EPR, tout en considérant que le 100 % renouvelable devait rester « une ligne tendancielle ».

Sur le volet institutionnel, il est question d’abroger le 49.3 et d’instaurer la proportionnelle aux élections afin d’en finir avec « la monarchie présidentielle dans la pratique des institutions ». Le Nouveau Font populaire veut convoquer une assemblée constituante afin de passer à la VIe République, l’un des grands chevaux de bataille des insoumis.

La question du financement

Ce mercredi, le Nouveau Front populaire n’a pas présenté de chiffrage de son programme, mais Olivier Faure, le Premier secrétaire du Parti socialiste, a fait savoir qu’une partie du financement viendrait des réformes fiscales envisagées. « Nous allons financer ce projet en prenant dans la poche de ceux qui ont les moyens d’y contribuer », a lancé le député de Seine-et-Marne. « Nous appelons celles et ceux qui ont profité de toutes les crises à venir au secours de leur pays. »

Au programme : un renforcement de la progressivité de l’impôt sur le revenu avec la création de 14 tranches d’imposition, la taxation des superprofits, le rétablissement de l’impôt sur la fortune et de l’exit tax. Il est également question de réformer l’impôt sur l’héritage et « d’instaurer un héritage maximum ».

Publié dans la foulée, un communiqué de Bercy épingle un coût global de 286,8 milliards d’euros. De son côté, Manuel Bompard promet « des éléments de chiffrage dans les prochains jours ».

Un stratège communiste nous avoue que les questions fiscales ont occupé une large part des négociations. « Si nous arrivons au pouvoir, il y aura nécessairement des débats sur ça. D’une formation à l’autre, les curseurs sont assez différents sur les questions économiques et sociales », glisse-t-il. Il évoque, à tire d’exemple, la tentation communiste d’une nationalisation des principales banques françaises, une idée qui fait sursauter les plus modérés au sein de l’alliance.

Ce vendredi, en tout cas, l’heure était à l’unité avant une campagne électorale qui s’annonce comme la plus courte de la Cinquième République : « On nous a souvent dit que nous étions irréconciliables, mais quand l’essentiel est en jeu, nous sommes toujours là ! », a salué le socialiste Olivier Faure.

Public Sénat