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Siphonnés par la macronie puis disloqués par l’extrême droite, Les Républicains continuent leur descente aux enfers.

Laurent Dupuis

Leader of Les Republicains (LR) right-wing opposition party Eric Ciotti (C) addresses media as he leaves the LR party headquarters in Paris on June 13, 2024. The Les Republicains (LR) party convened a new political bureau on June 13, 2024 "to validate" the exclusion of its president Eric Ciotti approved the eve by the same body, it said in a statement. (Photo by STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)
Eric Ciotti et son alliance avec le RN a mis a ébranlé ses Républicains. ©AFP

La vie politique française est chaotique, en particulier à droite, depuis la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par le président Emmanuel Macron après la victoire du Rassemblement national (RN) aux élections européennes du 9 juin. Même si seuls quelques seconds couteaux ont suivi Éric Ciotti dans sa proposition d’alliance avec le RN, dont une seule autre députée, Christelle d’Intorni, le spectacle offert par Les Républicains (LR) doit dérouter plus d’un électeur, à deux semaines des législatives anticipées, ces 30 juin et 7 juillet.

Les premiers sondages sont d’ailleurs catastrophiques pour les LR. S’ils avaient obtenu 61 sièges à l’issue des élections législatives de juin 2022, ils pourraient bientôt en perdre la moitié, voire plus. Ils sont crédités de seulement 7 % selon le dernier baromètre Legitrack d’OpinionWay – Vae Solis pour Les Échos et Radio classique, publié samedi.

L’attentisme des Républicains

Pour Emilien Houard-Vial, enseignant à Sciences Po Paris et doctorant au Centre d’études européennes, Les Républicains, pris en tenaille entre la macronie et le RN, sont passés maîtres dans l’art de la procrastination. “Ils sont coincés entre deux camps et ils ont longtemps fait le choix de ne pas choisir ; une décision qui est très dommageable à long terme. Il est possible que les LR aient trop attendu, qu’ils aient laissé trop pourrir la situation. Je pense qu’ils ne savent pas comment faire, mais ils devront trancher, soit stratégiquement, soit idéologiquement. Les postures, c’est bien gentil, mais qu’est-ce qui opposent les LR de la macronie ? La sociologie des électeurs républicains est quand même très similaire à celle du camp présidentiel.”

Bon nombre de personnalités de droite avaient d’ailleurs déjà changé de camp : Gérald Darmanin, Edouard Philippe, Bruno Le Maire, Jean Castex, Christophe Béchu… Quant à celles qui ont rejoint le RN, elles étaient moins nombreuses et moins connues : Thierry Mariani et Jean-Paul Garraud.

”Ce qu’a fait Éric Ciotti est d’ailleurs assez logique”,analyse Emilien Houard-Vial. “Il a constaté que Les Républicains étaient dans l’impasse, et le fait d’être dans l’opposition le privait de la carrière politique qu’il estime devoir avoir.”

Le psychodrame créé par Éric Ciotti devrait toutefois inciter la droite à réfléchir à son avenir. C’était d’ailleurs le propos d’un de ses cadres, Jean Jeanbrun. “Au fond, il nous rend service, il permet une clarification immédiate des choses. Nous sommes plus de 25.000 élus aux Républicains. Pour l’instant, Monsieur Ciotti part avec quatre copains, maximum, et il a permis de rappeler les règles fondamentales : nous ne sommes les alliés du Rassemblement national. Nous les combattons, nous les combattrons toujours.”

Des barons LR comme le président du Sénat Gérard Larcher ont également souligné qu’il était hors de question d’accepter la main tendue d’Emmanuel Macron. “Nous irons sous nos couleurs, autonomes, indépendants”, a-t-il déclaré jeudi soir sur TF1.

Un orchestre mais différentes partitions

Mais très vite, les LR sont retombés dans leurs travers, générant une grande confusion.

Dans Hauts-de-Seine, la majorité présidentielle et LR ont signé vendredi un pacte local de non-agression. Les deux camps ne se feront pas concurrence dans les treize circonscriptions de ce département, où le Premier ministre Gabriel Attal, le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné et la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot sont candidats.

”Les masques tombent”, a aussitôt réagi Guilhem Carayon, le président des Jeunes LR pro-Ciotti menacé d’exclusion, “écœuré” par cet accord, qui a été rapidement dénoncé par l’échelon national des Républicains. “Nous resterons dans une opposition extrêmement claire à Emmanuel Macron. Nous aurons donc des candidats, et des bons, y compris contre Attal et Séjourné”, a assuré au Figaro François-Xavier Bellamy, désormais en charge de la gouvernance des LR.

La tête de liste aux élections européennes a pu tenir, elle aussi, des propos troublants pour les électeurs de droite. Alors même qu’il avait condamné la proposition d’alliance entre LR et le RN, il a indiqué, jeudi sur Europe 1, qu’il “ferait barrage à la France insoumise en votant bien sûr” pour le RN, en cas de second tour entre un candidat RN et un candidat Nouveau front populaire. Cette déclaration a provoqué un tollé, même à droite, et François-Xavier Bellamy a ensuite tenté un rétropédalage. La veille, Gérard Larcher avait d’ailleurs dit qu’il ne choisirait ni l’un ni l’autre, en cas de duel entre un candidat RN et un candidat LFI.

”Les Républicains ne sont plus très nombreux, ils le seront probablement bientôt encore moins, mais ce que l’on voit dans l’immédiat depuis la décision d’Éric Ciotti, c’est qu’ils continuent de faire comme si de rien n’était”, glisse Emilien Houard-Vial. “L’issue des élections législatives la plus simple pour eux serait finalement une majorité absolue du RN parce que comme ça, ils n’auraient pas à choisir, à refuser des postes proposés par le RN pour faire l’appoint s’il avait une majorité relative.”

Concernant le plus long terme, Emilien Houard-Vial ne pense pas que Les Républicains disparaîtront complètement. “Mais ils risquent de mourir à petit feu et de devenir un de ces partis avec des baronnies locales et peut-être de quoi faire un petit groupe parlementaire. Après tout ce qui s’est passé, je ne vois pas par quel miracle, par quelle magie, ni avec quel homme ou quelle femme politique charismatique, ils pourraient inverser la tendance et revenir sur le devant de la scène.”

La Libre