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Michelle Bentley, Chargée de cours en relations internationales, Royal Holloway University of London

Israël a annoncé qu’il se préparait à une guerre totale avec le groupe militant libanais Hezbollah. Ayal Margolin/JINI via Xinhua/Alamy

Israël a annoncé qu’il était prêt à entrer en guerre contre le Hezbollah, une décision qui risque de compromettre encore davantage les chances du président américain Joe Biden aux élections de 2024.

Israël affirme que le Hezbollah, parti politique et groupe militant libanais, l’a poussé vers une guerre totale après que l’organisation a mis en ligne une vidéo de neuf minutes contenant des images de drones, montrant des zones militaires et civiles dans plusieurs endroits, y compris le port israélien de Haïfa. Israël a maintenant déclaré publiquement qu’il avait approuvé des plans militaires pour passer à une situation de guerre contre le Hezbollah. Le Liban est situé à la frontière d’Israël et les deux pays ont une longue histoire de conflits et de tensions, qui se sont intensifiés ces derniers mois.

L’escalade israélienne serait un coup dur pour M. Biden à l’approche de l’élection présidentielle américaine. Le conflit israélo-palestinien érode déjà le soutien des démocrates et M. Biden a été accusé à maintes reprises, de toutes parts, de mal gérer la situation. Si la violence s’intensifie dans la région, la pression exercée sur M. Biden sera encore plus forte, ce dont il n’a pas besoin, juste avant que les Américains ne se rendent aux urnes.

Tout affaiblissement supplémentaire du soutien à M. Biden est préoccupant pour les autres dirigeants nationaux qui veulent éviter une présidence Trump et, potentiellement, ses retombées sur la guerre en Ukraine. M. Biden a déjà dû faire face à une situation complexe : vouloir apporter la paix au Moyen-Orient, tout en respectant une attente de longue date selon laquelle les États-Unis seront toujours aux côtés d’Israël. M. Biden a dû faire face à des pressions politiques pour armer Israël et à la condamnation publique de la manière dont il a géré les protestations sur les campus universitaires. Des pressions supplémentaires ont été exercées sur lui après que des allégations de génocide par Israël ont été déposées auprès de la Cour internationale de justice. Bref, c’est le genre de situation qu’aucun président ne souhaite.

La tension entre Israël et le Hezbollah ne sera pas considérée comme un incident isolé, mais jouera sur des préoccupations plus profondes concernant la politique étrangère d’Israël et la position des États-Unis. La situation sera inévitablement considérée comme faisant partie d’un débat américain plus large sur le conflit israélo-palestinien, avec toutes les émotions et les difficultés politiques qui en découlent, et sera probablement une source de discorde lors du prochain débat présidentiel du 27 juin.

Les États-Unis s’efforcent déjà de maintenir la paix entre Israël et le Hezbollah et d’apporter une solution diplomatique sous la forme d’une proposition de cessez-le-feu. Les détracteurs d’Israël, qui souhaitent un soutien accru des États-Unis à ce pays, s’opposeront à des négociations de paix qui, selon eux, favorisent le Hezbollah et, avec lui, l’Iran. Mais si M. Biden ne se contente pas d’essayer d’obtenir un accord de paix – par exemple, en fournissant une aide militaire accrue à Israël – il peut oublier les votes de ceux qui préféreraient une position américaine plus dure à l’égard du gouvernement Netanyahou. Même si M. Biden obtient un accord de paix ou si Israël n’entre pas en guerre totale, la situation compromettra les chances électorales de M. Biden, car elle ne peut être dissociée des différends plus larges autour d’Israël, qui lui font déjà perdre le soutien de certains milieux.

Des relations endommagées

La réponse de M. Biden sera également extrêmement difficile pour ses relations avec le parti démocrate. Le parti est déjà profondément divisé sur Israël et cette nouvelle menace ne fera qu’exacerber cette division. La dernière chose dont les candidats ont besoin avant une élection, c’est de ne pas avoir le soutien total de leur parti. Le conflit entre Israël et le Hezbollah risque d’enflammer encore davantage les différends politiques internes entre les démocrates et M. Biden abordera les élections avec une main attachée dans le dos.

Toutefois, il ne s’agit pas seulement d’une question nationale, mais d’une question internationale. Israël est l’une des questions les plus importantes de l’agenda politique international à l’heure actuelle. Les critiques à l’encontre de M. Biden ne proviennent pas seulement des électeurs américains, mais aussi d’autres États. Si M. Biden ne parvient pas à rallier ces États à ses prochaines actions concernant Israël et le Hezbollah, il passera pour incompétent et peu fiable. Et s’il ne parvient pas à convaincre les autres dirigeants nationaux qu’il est à la hauteur de la tâche, il ne convaincra pas non plus les électeurs américains.

Les problèmes que M. Biden doit maintenant résoudre au sujet du Hezbollah seront également problématiques pour la compétition électorale qui l’oppose à Donald Trump. Le parti républicain est également divisé sur Israël. Mais cette situation nuirait moins à Trump lors des élections. En fait, elle pourrait même être une victoire pour Trump.

Trump a été un fervent défenseur d’Israël, ce qui a souvent séduit ses partisans et les électeurs pro-israéliens. Pourtant, il s’agira moins d’une question d’enjeux que d’une question d’image. La position véhémente (et parfois critique) de Trump peut lui donner l’image d’un dirigeant efficace. Sa position sur Israël peut être condamnée par certains, mais on ne peut pas nier qu’il a au moins l’air de savoir ce qu’il veut. Pour beaucoup, il paraîtra plus présidentiel que Joe Biden, qui se trouve dans une position difficile sur Israël et qui a été fréquemment accusé de ne pas avoir ce qu’il faut pour être président.

La tension entre Israël et le Hezbollah est une autre occasion pour Trump de se montrer dynamique et d’attaquer son adversaire. Si les aspects politiques de la situation suffiront à faire basculer certains électeurs, il n’en reste pas moins que les partisans de Trump ont là une nouvelle occasion de qualifier M. Biden de faible. Si Joe Biden pense que les critiques dont il fait l’objet aujourd’hui sont mauvaises, elles sont sur le point d’empirer.

The Conversation