Étiquettes

, , ,

Le président américain Joe Biden quitte la scène lors du débat présidentiel organisé par CNN dans les studios de CNN.
Joe Biden est-il encore l’homme de la situation pour l’élection du 5 novembre ?Photo : Getty Images / Justin Sullivan

Frédéric Arnould

La performance désastreuse de Joe Biden dans ce premier débat a plus que jamais semé le doute dans l’esprit des électeurs et des démocrates eux-mêmes sur les capacités de leur chef. Pourrait-il être remplacé par un autre candidat, à moins de cinq mois de l’élection présidentielle?

Entendre Joe Biden hier soir se perdre dans ses pensées et être parfois incapable d’articuler une réponse intelligible a clairement jeté un froid sur les ardeurs de ses partisans qui ne le fréquentent pas chaque jour.

Depuis des mois, sa garde rapprochée a beau essayer de convaincre les Américains que, loin des caméras, le président démocrate est rempli de vigueur et est pleinement en maîtrise de sa situation, le réveil est probablement brutal pour ceux qui étaient incrédules jusqu’ici.

Les premières minutes du débat ont été difficiles pour Biden, et bien qu’il se soit montré plus incisif à certains moments, il est difficile de voir comment il a pu rassurer bien des électeurs hier soir. Et à l’issue du débat, il est en fait très surprenant de comprendre l’insistance des démocrates pour que ce débat ait lieu. Participera-t-il à un deuxième dans l’espoir de redresser la barre?

La prestation de Donald Trump était, sans grande surprise, remplie de ses exagérations et de ses mensonges habituels, notamment en ce qui concerne la criminalité et l’immigration.

Mais il est clair que ce que beaucoup d’électeurs retiendront, c’est le contraste frappant entre l’énergie et la vitalité de Trump et la difficulté de Biden à présenter ses arguments de manière succincte et compréhensible.

Une prestation digne d’un naufrage

Compte tenu de l’ampleur de la préparation de Joe Biden qui s’était fait discret pendant toute la semaine à cet effet, le président lui-même et ses conseillers ne peuvent qu’être frustrés par le résultat. Le président démocrate se retrouve ce matin face à de nombreux points d’interrogation chez les électeurs qui lui ont fait confiance en 2020, mais qui ne croient peut-être plus depuis hier, qu’il soit encore à la hauteur de la tâche. Il suffit de regarder les débats contre Trump il y a quatre ans pour se rendre compte que la vigueur et la répartie de Biden ne sont plus au rendez-vous.

Depuis le début, la question de l’âge du président (il aura 82 ans en novembre) revient toujours sur la table avec la mise en doute de ses capacités cognitives. Les exemples d’un président démocrate au regard hagard, qui bafouille et qui semble parfois figé sont légion depuis des mois.

À sa décharge, les exemples de déclin cognitif sont tout aussi nombreux lorsque Donald Trump s’exprime lors de ses rassemblements partisans. Il n’en finit pas de multiplier les discours incohérents et de digresser sur les requins et les batteries, ou encore sur Hannibal Lecter (quelques recherches sur Internet vous permettront de retracer ses commentaires).

Tout cela a en quelque sorte immunisé les électeurs contre des gaffes et commentaires étranges qui auraient torpillé d’autres candidatures dans un bon vieux temps pourtant pas si lointain. Mais le naufrage de Biden a pris beaucoup de place dans l’esprit des électeurs, qui ont plus été frappés par la prestation du démocrate que par les mensonges et exagérations de son adversaire.

Panique chez les démocrates

Les doutes sur les capacités de Joe Biden soulignées à gros trait dans ce premier débat relancent la question de la faiblesse de sa candidature pour novembre.

Ironie du sort, cette première joute a eu lieu avant même que les candidats des deux partis n’aient été investis officiellement par leurs instances respectives. Cela doit se faire dans un peu plus de deux semaines pour Donald Trump et un mois plus tard dans le cas de Joe Biden.

Parmi les plus ardents défenseurs du président hier soir, sa vice-présidente, Kamala Harris qui, presque aveuglément, a maintenu que la performance de son chef a connu un départ plutôt lent, mais s’est raffermie au cours du débat et a présenté un contraste évident efficace avec la menace que représente, selon le camp démocrate, Donald Trump pour la démocratie s’il reprend la Maison-Blanche.

Le gouverneur Gavin Newsom s'adresse aux journalistes dans la salle de presse après le débat présidentiel de CNN entre le président américain Joe Biden et le candidat républicain à la présidence, l'ancien président américain Donald Trump.
Gavin Newsom, gouverneur démocrate de la Californie a tenu à réitérer son plein soutien au président Biden Photo : Getty Images / Andrew Harnik

Celui que beaucoup ont vu comme une solution de rechange à Joe Biden pour novembre, Gavin Newsom, gouverneur démocrate de la Californie, a livré une vibrante défense de son leader.

On ne tourne pas le dos à notre président à cause d’une seule performance. Quel genre de parti fait cela? a-t-il lancé.

La seule chose que les trois derniers présidents républicains ont en commun, ce sont les récessions. Les démocrates tiennent leurs promesses et nous devons le faire pour lui en ce moment, avec tout le respect que je lui dois.

Des couteaux qui commencent à sortir?

Mais pour ces témoignages de solidarité, combien de commentaires aiguisés contre la candidature de Joe Biden.

Face aux caméras, le consensus des commentateurs était évident sur l’échec retentissant de la performance du président. Tout cela fait écho aux coulisses opérationnelles démocrates qui sont en mode panique.

Alors qu’il a été un des premiers démocrates à mettre en doute la vigueur de la candidature de Joe Biden, David Axelrod, ancien conseiller proche de l’ex-président Barack Obama a défendu sur CNN les assauts des commentateurs républicains contre le président démocrate en essayant de dénombrer les nombreux mensonges et faussetés proférés par Donald Trump pendant la joute.

Mais il a surtout mis en garde les républicains que si Joe Biden se retirait pour laisser la place à un autre candidat, Donald Trump risque bien d’être battu à plates coutures, à cause des nombreuses casseroles qui collent aux semelles du candidat républicain. On peut mettre en doute cet avertissement, mais cela a le mérite de mettre sur la table la question que certains démocrates se posent : est-il trop tard pour changer de candidat pour le 5 novembre?

Est-il possible de changer de candidat?

Les règles du parti rendent presque impossible le remplacement d’un candidat sans son consentement. Cela signifierait que les instances du parti devraient annuler les résultats des primaires au cours desquelles les électeurs démocrates ont désigné Biden à une écrasante majorité. Près de 99 % des délégués ont voté pour lui. Et puis, pour l’instant, il n’y a aucune campagne mise de l’avant pour écarter Biden comme candidat à sa propre réélection.

Toutefois, la charte du Comité national démocrate prévoit des dispositions pour le cas où le candidat du parti serait frappé d’incapacité ou choisirait de se retirer.

Il faudrait idéalement que cela se fasse avant la convention afin de confier le choix d’un successeur lors de cette grand-messe démocrate qui se tiendra à Chicago. Ce coup de théâtre créerait évidemment une certaine cohue puisque la situation serait plutôt unique en son genre.

Quant à ceux qui rêveraient de tasser Joe Biden sans son consentement, ils devront déchanter, car il n’existe en fait aucun mécanisme permettant au parti démocrate de remplacer un candidat avant la convention dans ce cas-là et encore moins de nommer le successeur choisi.

Et puis comment justifier le remplacement d’un président en fonction qui en plus a obtenu 3900 des 4000 délégués du parti lors des primaires et caucus?

En attendant…

Non loin de ses scénarios échafaudés en coulisses, Joe Biden et ses démocrates vont scruter avec beaucoup d’impatience et une attention soutenue les prochains sondages. Si jamais, les intentions de vote qui donnaient déjà une avance de Donald Trump dans les États-clés à remporter pour gagner la Maison-Blanche, ne font que se raffermir en sa faveur depuis la piètre performance de Joe Biden, les appels à son retrait de la course pourraient se faire plus nombreux. Ce qui annoncerait une période tumultueuse en cette année d’élection cruciale pour les Américains.

Radio Canada