Un revenu citoyen pour remédier à la précarisation du travail

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L’UMP s’est réunie pour une convention sur la justice sociale, destinée à entériner ses coups de boutoir contre l’assistanat. Je veux apporter ma contribution à ce débat public. Parce qu’une question se pose bel et bien : sommes-nous en train de renouer avec la machine à perdre pour la France, à coups de débats stériles, de clichés, de chiffres faux et de sondages partiels ?
La France a-t-elle un problème avec le travail ? Oui, c’est le chômage de masse. Sur dix Français, un n’a aucun travail et aucune perspective d’en décrocher un. Un deuxième, au chômage, cherche trop longtemps du travail. Un troisième voudrait vivre de son travail, mais doit se contenter d’un temps partiel, le plus souvent subi et d’un salaire inférieur à 750 euros. Un quatrième voudrait un travail stable, mais doit se contenter de contrats précaires, en CDD, en stage, en intérim. Un travail normal est le lot de moins en moins de gens en France : voilà le scandale.La France a-t-elle un problème avec la valeur du travail ? Oui, bien sûr, dans un pays où un salarié sur sept est rémunéré au smic, où le pouvoir d’achat stagne, où les inégalités de salaire se sont creusées d’année en année. La France a-t-elle un problème avec le sens du travail ? Oui, bien sûr, lorsque les gens sont poussés à la performance et à une culture du résultat ; lorsque beaucoup ont le sentiment qu’à force de tâches supplémentaires ils n’ont plus la possibilité d’exercer le cœur du métier qu’ils ont appris.

A toutes ces questions, le quinquennat n’aura pourtant pas apporté la moindre réponse. Il est plus facile dès lors d’accuser je ne sais quel esprit permissif ou d’agiter l’épouvantail des  » profiteurs  » : les pauvres, les fonctionnaires, les travailleurs aux 35 heures. Qu’on propose une activité à chacun et on pourra juger sur pièces si les Français refusent le travail. C’est cela le contrat social d’une société digne.

Il faut aller vers une société de pleine activité, à défaut de plein-emploi. Il y a une condition à cela : la garantie de la dignité et la reconnaissance de l’utilité de chacun. C’est cela que j’ai à cœur de proposer avec le revenu citoyen, un changement de rapport au travail. Parce qu’il s’agit de montrer que l’utilité du travail dépasse sa valeur en euros.

Que veulent à la fois ceux qui aident et ceux qui sont aidés ? Une main tendue qui permette de sortir de l’engrenage de la misère. Jadis, pendant les  » trente glorieuses « , cette main tendue, c’était l’emploi, disponible pour tous. Aujourd’hui, dans une société avec un chômage à 9,6 %, c’est impossible pour les plus fragiles. Les chances de retour direct à l’emploi sont pour eux quasi nulles. Il faut donc proposer une activité choisie comme marchepied vers la pleine insertion. Un projet personnel, une activité bénévole, un rôle de lien social qui serve le bien commun et puisse être reconnu dans le cadre d’un service citoyen, obligatoire pour les jeunes mais ouvert à tous.

Que veulent à la fois ceux qui aident et ceux qui sont aidés ? Avoir des perspectives. La multiplication des allocations ponctuelles : prime de Noël, allocation de rentrée scolaire, différents minima sociaux, c’est la vie au compte-gouttes et c’est la source d’une suspicion permanente et de tous les fantasmes.

C’est pourquoi le revenu citoyen réunira en une seule l’ensemble des allocations existantes en dehors des allocations familiales. Il sera versé 850 euros à tous ceux qui s’engagent dans un projet d’utilité publique et à tous ceux qui, en raison de leur âge, méritent la reconnaissance. Une agricultrice à la retraite, obligée de vivre avec le minimum vieillesse, recevrait ainsi plus de 100 euros supplémentaires. Ceux parmi les actifs qui refuseraient l’engagement concret toucheraient une allocation unique, un minimum solidarité, au niveau actuel des minima sociaux.

Que veulent à la fois ceux qui aident et ceux qui sont aidés ? Que l’esprit de justice soit à la trame même de leurs relations réciproques. Ce n’est pas aux Français modestes de payer pour les plus pauvres, mais aux plus riches. C’est pourquoi le revenu citoyen sera versé, de manière dégressive, à tous les salariés modestes qui gagnent moins de 1 500 euros. Ainsi, un ouvrier au smic par exemple touchera 130 euros net supplémentaires dans ce dispositif et une grande part du financement reposera sur les 3 % les plus riches de la population.

La tâche que nous avons devant nous, à l’heure de la défiance et de la peur de l’avenir, c’est de restaurer la volonté de vivre ensemble. Pauvres, modestes, aisés, nous sommes unis par la citoyenneté. Vivons-la, plutôt que de la rêver.

Dominique de Villepin

Président de République solidaire,

(Le Monde, 10/06/2011)

 

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