L’honneur de la politique

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Publié le 4 oct 2011  Par Dominique de Villepin

Comment rester silencieux quand nous assistons à cette course à l’abîme de notre vie politique ? Nous sommes pris dans le vertige du mépris. Tout le monde fait comme si la campagne devait se résumer à un ball-trap de candidats, qu’on découragerait, qu’on achèterait, qu’on réduirait au silence. On laisse courir des bruits infamants pour tout le monde sur les décisions de tel ou tel.
L’avenir n’appartient pas à un vainqueur. Ce n’est pas vrai et ce n’est dans l’intérêt de personne de le croire. Il faut dire les choses crûment. Ceux qui croiraient qu’en engrangeant les ralliements la majorité peut se sauver sans autre forme de procès vont lecœur joyeux à l’abattoir. Ceux qui croient qu’on pourra se satisfaire en 2012 d’une alternance sans alternative mènent le pays à la désespérance. Ceux qui imaginent pouvoir faire fructifier paisiblement un magot électoral se trompent lourdement. Aujourd’hui, si rien ne change, la droite et le centre ont perdu. Pire, la gauche n’a pas gagné.Nous n’avons pas besoin d’alternatives à untel ou à untel, à ceci ou à cela, nous avons besoin d’une alternative globale pour sortir la France du fossé. Mais aujourd’hui tout dévie les uns et les autres de cet objectif. La primaire de la gauche ou la dé-primaire du centre, c’est la même logique des Horace et des Curiace un à un abattus. Qu’il n’en reste qu’un, de combat en combat, jusqu’à ce qu’un vainqueur épuisé puisse régner sur un champ de ruines. Voilà où mènent les calculs électoraux et partisans. Tout ce qui contribue à faire de la politique l’addition des solitudes est un drame pour notre avenir. Car voilà bien aujourd’hui l’ennemi du pouvoir, la solitude qui va toujours avec la tentation du repli sur soi et de la peur des autres. C’est ce qui se passe à l’Elysée aujourd’hui, au vu et au su de tous les Français. C’est ce qui passera dès demain autour du candidat socialiste. Toute logique de conquête du pouvoir, toute logique majoritaire ne peut conduite qu’à la solitude et à l’impuissance lorsqu’il s’agit d’exercer le pouvoir.

L’alternative se construit dès aujourd’hui en faisant travailler ensemble des gens qui ne sont pas faits pour s’entendre. C’est ainsi. Notre vie politique est faite d’egos difficilement compatibles. On peut le regretter mais on peut rappeler aussi que c’est souvent aussi la condition de leur énergie, de leur volonté de faire bouger les lignes, de leur audace. Plutôt que d’imaginer un monde utopique où l’on se ferait des politesses devant la porte ouverte, faisons travailler les gens ensemble partout où c’est possible, autour de projets, d’idées, de priorités communes. Tirons les leçons de quatre ans, de dix ans et même de quarante ans d’échecs et d’impasses de la logique majoritaire. Celle-ci donne le meilleur d’elle-même en temps de croissance. Elle est dangereuse en temps de crise. Elle mène, de conquête en conquête, avec la même armée désespérée, de plus en plus réduite et aux abois. Au fond la démocratie majoritaire, c’est le risque de l’antidémocratie. C’est pourquoi nous devons défendre une logique du dépassement et de l’esprit de service, une logique gaulliste du sursaut.

Je plaide et ne cesserai de plaider pour une politique de large rassemblement national qui permette aux idées de s’exprimer et aux consensus de se réaliser. Il n’y aura pas d’homme providentiel en 2012. Il peut encore y avoir une équipe présidentielle. Je n’ai jamais cessé depuis quatre ans de plaider pour le sursaut et l’électrochoc capable de nous remettre sur la bonne voie. La vérité c’est qu’aujourd’hui, il nous faut à tous une nouvelle donne, la volonté de réaliser l’impensable. Chacun devra faire sa part du chemin. Chacun devra ouvrir les yeux sur ses propres limites. Chacun devra s’efforcer de sortir des affrontements stériles, des postures confortables, des combats insidieux.

Je veux m’engager pleinement dans cette logique, je l’ai dit et redit. Nous devons relever nos manches. C’est dans cette démarche que je veux rencontrer les Françaises et les Français pour essayer de tracer ce chemin exigeant. C’est dans cette démarche que je veux prendre en compte toutes les sensibilités de notre pays pour définir tout au long des prochaines semaines ce que doit être une politique de rassemblement national.

Cette nécessité s’impose à chacun d’entre nous, candidats, responsables, citoyens. Il en va d’une exigence morale. Il en va du respect des Français. Il en va de l’honneur de la politique.

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