Annan reconnait la violence des oppositions, et appelle l’Iran à l’aide

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Il y a donc bien des terroristes en Syrie

Et puis Kofi Annan a fait preuve d’une certaine honnêteté, soulignant que le gouvernement syrien avait relâché nombre de détenus et que des accords étaient intervenus sur l’acheminement des assistances humanitaires. Mais il a aussi reconnu que les groupes armés de l’opposition avaient intensifié leurs attaques, et il a mis en cause – ce n’est pas la première fois – la présence en Syrie de ce qu’il appelle une « tierce partie« , c’est-à-dire un terrorisme islamiste de type al-Qaïda ou salafiste, qu’il distingue des groupes armés « classiques » affiliés en principe à l’ASL. Distinction à notre sens spécieuse au regard de la réalité du terrorisme quotidien qui frappe la Syrie, mais reconnaissance malgré tout du danger terroriste dénoncé depuis des mois par le gouvernement syrien et longtemps nié par les diplomaties et médias occidentaux. On notera qu’intervenant après Annan, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a dit lui aussi que « des terroristes tirent parti du chaos« .

Annan a aussi informé les membres de l’Assemblée générale que Bachar al-Assad, lors de leur rencontre, lui avait dit que le principal obstacle à l’application de son plan de paix était la violence déchaîné par les groupes d’opposition. Et Annan de préciser qu’il reconnaissait la réalité de la violence de ces groupes, mais qu’en raison de la disproportion des moyens militaires, c’était au gouvernement de faire le principal effort.

C’est là un argument déjà utilisé par les pontes de l’ONU, mais toujours spécieux : le fait que l’armée syrienne dispose de canons et de blindés lourds ne change rien au fait qu’elle doit se défendre quand ses convois, ses points de contrôle ou ses bâtiments et installations sont attaqués, ou quand des assassinats sont commis ou tentés ! Quant aux moyens militaires des insurgés, des rapports concordants de spécialistes, ni syriens ni bacharistes, tendent à démontrer qu’ils se sont accrus, grâce aux dollars qataris et peut-être à des livraisons de matériel « occidentales ».

Par ailleurs, Annan fait une allusion claire à la dimension religieuse de ce terrorisme : « Si les choses ne changent pas, il est probable que l’avenir se bâtisse sur le meurtre et la violence confessionnelle, et même qu’il aille vers une guerre civile généralisée » a-t-il martelé devant l’A.G. onusienne, ajoutant qu’il na fallait pas « permettre que le meurtre collectif fasse partie de la vie quotidienne en Syrie« , et invitant rituellement toutes les parties à mettre fin à la violence.

Bien sûr, M. Annan a condamné le nouveau massacre qui avait coûté la vie à des dizaines de victimes, femmes et enfants, à al-Koubeir, à l’ouest de Hama, lequel est survenu deux semaines après celui d’al-Houla, a-t-il tenu à souligner, sans se prononcer sur la responsabilité de ces tueries, ce qui est, de fait, une position en retrait par rapport à la doxa occidentale sur le sujet. Il a évidemment insisté sur la nécessité de demander des comptes aux auteurs de ces crimes.

L’appel historique de l’ONU à l’Iran

Face à cette impasse sanglante, l’émissaire des Nations-Unies pour la Syrie appelle les puissances étrangères à s’unir et à agir rapidement, via un nouveau « groupe de contact » sur la Syrie. Et donc il demande de l’aide. À toutes les puissances impliquées, via notamment le Conseil de sécurité. Mais aussi à d’autres,, comme l’Iran. Et c’est un fait nouveau, et donc significatif, vu que cette nation est désignée, elle aussi, comme une ennemi à abattre ou maîtriser par le bloc occidental et ses alliés (pétro)arabes. Or qu’a dit Annan ? « L’Iran, en raison de ses relations fortes avec la Syrie, peut-être une partie de la solution« . D’ores et déjà les représentants de la troïka interventionniste et néoconservatrice – États-Unis, Grande-Bretagne, France – se sont déclarés opposés à l’inclusion de l’Iran dans le groupe de contact. Reste qu’Annan a transgressé symboliquement ce tabou diplomatique.

Le délégué d’Iran auprès des NU, Mohamed Khozaï, n’est d’ailleurs pas resté muet jeudi, affirmant que le non respect par les gangs terroristes en Syrie de l’appel à stopper la violence, ainsi que les positions « provocatrices » des responsables de certains pays, constituent l’entrave principale au succès du plan Annan,  et conduiront sûrement à empêcher l’application de tout règlement politique.  M. Khozaï a précisé que les gangs terroristes ont intensifié leurs actes terroristes qui visent directement les citoyens innocents sans distinction et détruisent les bâtiments et les biens publics, sans oublier les enlèvements par exemple, les massacres survenus à Houleh et puis à Hama, qu’il impute clairement à ces gangs.

Pour Khozaï, il y a actuellement une urgence pour que s’arrêtent les aides en fonds et l’appui logistique aux gangs terroristes, car « la fumée qui monte en Syrie polluera sans doute toute la région« . « Faire perdurer  la crise va sûrement influer sur la stabilité de la région et va aussi laisser des effets négatifs sur l’économie et la prospérité des peuples de la région », a-t-il souligné. Pour le représentant iranien, « le gouvernement syrien a pris des démarches concrètes dans le domaine des réformes comme la constitution, les élections législatives, et il continue de le faire pour répondre aux aspirations du peuple ». On comprend que les Euro-américains frémissent à l’idée qu’un te point de vue renforce celui de la Russie et de la Chine au sein de l’éventuel futur « groupe de contact » !

Les Russes mettent ouvertement en cause le CNS

Si l’émissaire des Nations-Unies – et, pour mémoire, de la Ligue arabe – juge que l’Iran est devenu un partenaire incontournable, c’est dire si le centre de gravité  diplomatique s’est déplacé, en dépit des dernières gesticulations de Hillary Clinton et de Laurent Fabius à Istambul, de l’Occident vers l’Orient.  Ce « glissement de terrain » diplomatique est bien sûr l’oeuvre de la Russie et la Chine qui viennent à Shangaï de sceller avec d’autres nations asiatiques, en même temps que la constitution d’un nouvel espace d’échanges économiques, un véritable « front du refus » de l’impérialisme – c’est quand même le mot qui convient occidental, ou plutôt occidentaliste. En escale à Astana, capitale du Kazakhstan, Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe, a fait une nouvelle mise au point sur la crise syrienne qui démontre une fois de plus que Moscou a une lecture très différente des événements que Washington, Paris et Londres. On le savait, mais Lavrov appelle désormais un chat un chat : « Il y a des parties au conflit, en particulier à l’étranger le dénommé CNS, qui ne veulent pas de négociations avec le régime, mais juste la poursuite des combats jusqu’à ce que le Conseil de sécurité accorde un mandat pour une intervention étrangère ». Et là, le n°1 de la diplomatie russe a pour la centième fois averti que son pays ne tolérerait rien qui ressemble à cela.

Que Lavrov ait tout compris, on le savait, mais il l’exprime de plus en plus nettement. Le ministre russe des Affaires étrangères appuie d’ailleurs, on ne s’en étonnera pas, la participation de l’Iran à toute conférence internationale ou groupe de contact sur la Syrie.

Pour résumer : Kofi Annan et Ban Ki-moon reconnaissent, à des degrés divers, la réalité du terrorisme en Syrie, et demandent l’entrée dans le jeu diplomatique. Et les Russes, les Chinois – et l’Inde et d’autres nations asiatiques – se constituent en contrepouvoir international à l’hégémonisme euro-américain. Décidément, la roue a tourné, continue de tourner, rendant les gesticulations des « Amis de la Syrie » à Istambul, en attendant celles de Paris. La Syrie, sans l’avoir évidemment cherché, est devenu l’enjeu et le symbole de ce conflit d’échelle mondiale, elle en paie d’ailleurs durement le prix. Mais l’Ennemi, malgré ses manipulations et ses pressions, a perdu l’initiative et est de plus en plus sur la défensive.

 

Source: Infosyrie.fr publié le 08/06/2012

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