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Ces chiffres d’août n’en restent pas moins un véritable cadeau empoisonné pour le gouvernement. Alors qu’il pouvait raisonnablement espérer que le nombre de demandeurs d’emploi se stabilise, la baisse anormale d’août a contrarié ses plans et fait planer un doute sur les chiffres du chômage en général.
CARENCES DANS LES MESURES
Mais, plus grave, ce dysfonctionnement estival vient de nouveau démontrer les carences de la mesure du chômage en France, pourtant surveillé de près ou de loin par au moins quatre institutions : Pôle emploi, la direction des statistiques du ministère du travail (la Dares), l’Insee et l’Unedic. Alors que leurs chiffres sont aussi observés que sensibles, ils accumulent les variations inexpliquées, sans que, jusqu’ici, les services statistiques ne semblent trop s’en préoccuper.
En septembre, l’Insee, qui publie tous les trois mois le taux de chômage selon une méthode normalement plus précise que celle de Pôle emploi, a annoncé qu’un changement de questionnaire avait malencontreusement fait reculer le chômage de 0,3 point.
Comme l’institut n’avait prévenu personne en amont de ces changements, y compris Eurostat, l’organisme européen chargé de veiller à la qualité des statistiques nationales, il s’est retrouvé dans une position bien inconfortable au moment de publier ses données. Sur un chiffre aussi sensible, le soupçon n’est jamais très loin. Et la seule manière de le désamorcer est d’être transparent.
De son côté, le chiffre des inscrits à Pôle emploi, publié chaque mois conjointement avec la Dares, ne cesse de connaître des anomalies. Le plus souvent, celles-ci sont de moindre ampleur que celle relevée au mois d’août. Mais elles restent, la plupart du temps, inexpliquées. Il a fallu l’énorme dysfonctionnement d’août et la pression politique qui en a découlé pour que Pôle emploi cherche enfin les raisons de la hausse exceptionnelle des désinscriptions de chômeurs n’ayant pas actualisé leur situation.
SOUPÇONS INUTILES
D’habitude, Pôle emploi et la Dares répondent que les anomalies sont inévitables, leurs sources statistiques étant basées sur des données administratives. Ce qui semble un peu court et alimente là aussi, inévitablement, les soupçons inutiles.
Les choses pourraient peut-être enfin changer avec l’enquête en cours de trois inspections générales sur les chiffres Pôle emploi-Dares. Cette enquête doit permettre de savoir s’ils réunissent les conditions pour obtenir le label « statistique publique », un gage de qualité qu’ils ne possèdent pas encore. « Mais ça ne va pas transformer cette statistique, ça restera une statistique d’inscrits à Pôle emploi, forcément imprécise », tempère toutefois Paul Champsaur, le président de l’autorité de la statistique publique, chargée d’attribuer le label.
La seule véritable piste d’amélioration passe par les méthodes plus fiables de l’Insee. Dans la moitié des pays européens, ses homologues publient une enquête mensuelle du taux de chômage, selon des critères surveillés par Eurostat. Jusqu’ici, l’Insee a refusé de s’engager dans cette voie, en continuant de publier son taux de chômage à un rythme trimestriel, avec en plus un délai de plusieurs mois. Une habitude qui donne de fait la primauté médiatique et politique aux chiffres de Pôle emploi, si volatils et imprécis, mais très réactifs. Il serait peut-être temps de s’aligner sur les pratiques de nos voisins.
Source : LE MONDE | 01.10.2013