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Discours de François Fillon prononcé le 25/01/2014 devant le Conseil national de l’UMP réuni à Paris.
Mes chers amis,
En ce début d’année qui sera décisive sur le plan électoral, je veux saluer votre engagement et celui de tous ceux qui agissent pour notre parti et pour notre pays.
Je pense à ces jeunes populaires de Paris qui depuis des semaines sont à l’œuvre pour faire tomber la citadelle socialiste qui n’est pas imprenable.
Je pense à ces retraités de l’Ain, où j’étais il y a quelques jours, qui du RPR à l’UMP sont toujours là quand on les sollicite.
Je pense à nos jeunes actifs et aux adhérents de nos fédérations professionnelles qui partagent leurs convictions sur leurs lieux de travail.
Tous ont subi de plein fouet les défaites de 2012, mais ils n’ont pas quitté le navire.
Je forme le vœu que le dévouement de ces femmes et de ces hommes qui ne demandent rien pour eux mais espèrent tout pour la France, soient récompensés par des victoires.
Chaque semaine, je suis sur le terrain pour aller soutenir nos candidats.
Partout, je vois l’abnégation et le cran des Français, mais j’entends aussi les mots de l’exaspération et de la résignation. La crise économique s’est doublée d’une crise identitaire, et je vois renaitre ces reflexes sombres qui caractérisent les nations bloquées : le repli sur soi, le communautarisme, la peur de l’autre et du lendemain.
Dans une récente enquête, le niveau de défiance à l’égard du monde extérieur atteint un niveau inégalé, et 77% des personnes interrogées disent leur méfiance à l’égard de la politique.
La France doute, la France craque en silence, la France sent son déclin, et au cœur de cette dépression collective, nos institutions mêmes sont touchées.
La gauche a une lourde responsabilité dans ce climat délétère, mais nous avons, nous, le devoir de donner à nos concitoyens des raisons de transcender leur colère et leur défaitisme.
Pour cela, il faut relever le défi de la crédibilité, et la crédibilité est d’abord la récompense d’une attitude.
Dire la vérité, écouter sans juger, accepter les critiques et y répondre, repousser les promesses impossibles, s’efforcer de rassembler, être près du peuple sans être populiste: c’est ainsi que l’UMP doit restaurer l’honneur de la Politique.
La crédibilité, c’est aussi le résultat de l’exigence intellectuelle.
Nos critiques à l’égard du gouvernement n’ont de force que si elles s’appuient sur des propositions alternatives.
Ce matin, vous avez validé les grandes lignes du projet de l’UMP.
Ca n’est évidemment pas un programme clé en main… C’est une base qui devra être enrichie en fonction des circonstances; c’est un socle qui permet de dire à nos concitoyens qu’une autre politique est possible !
A ceux qui prétendent que la droite ne ferait pas mieux que la gauche, j’oppose le démenti le plus ferme.
Face la crise, nous n’aurions ni l’aveuglement de nos adversaires, ni ses contorsions idéologiques, ni ses hésitations politiques.
Nous, nous ne tournons pas sept fois notre langue dans la bouche pour dire que la France doit être plus compétitive.
Nous n’avons pas besoin de multiplier les rapports et les comités pour savoir qu’il faut une politique de l’offre pour aller chercher la croissance.
Nous n’éprouvons pas la nécessité de nous renier pour défendre l’évidence : c’est-à-dire que ce sont les entreprises qui créent de la richesse et des emplois.
Nous ne zigzaguons pas dans nos discours : un jour pour le patronat, le lendemain pour les syndicats, le matin pour rassurer les agences de notation, le soir pour ne pas désespérer les verts et l’aile gauche du PS.
Avec franchise, nous disons aux Français qu’il faut travailler plus, dépenser moins et nous réformer davantage si nous voulons redresser notre pays.
Enfin, mes amis, la crédibilité passe par la responsabilité de l’unité.
Rien ne serait pire que d’aller vers les élections en ordre dispersé, en charriant nos amertumes et en protégeant nos arrières garde.
Qu’à l’occasion de notre élection interne de 2012 nous ayons eu des conflits dans nos rangs est un fait. Avec Jean-François Copé nous avons cherché à les surmonter.
La rénovation de nos statuts doit nous permettre de ne jamais revivre ce fiasco et d’assumer sereinement et démocratiquement les échéances à venir. Les règles de notre fonctionnement interne sont désormais installées et elles sont notre bien commun.
Maintenant, allons droit devant !
La situation de la France n’autorise aucun calcul, aucun état d’âme, aucune désertion.
L’intérêt national nous commande d’être solidaires et combatifs car notre pays a impérativement besoin d’une opposition forte et digne de confiance.
Je parle de l’intérêt national car quel est le risque ?
D’un côté, celui de voir le pouvoir actuel continuer de s’entêter dans l’erreur, entraînant dans son sillage les derniers restes de l’énergie française; de l’autre côté, celui de voir notre société basculer dans le vote protestataire qui est l’antichambre du chaos.
Dans deux mois, le peuple français va s’exprimer pour la première fois depuis 2012.
L’enjeu est tout à la fois local, projet contre projet, personnalité contre personnalité, mais il est aussi national.
Pour ceux qui en douteraient, il suffit d’écouter nos ministres lors de leurs déplacements en province : ¾ de leurs discours sont consacrés à l’action gouvernementale, ¼ à la ville qu’ils visitent.
Si le score des municipales leur est favorable, ils s’empresseront de dire que c’est la victoire de leur politique, et tout continuera comme avant.
Si ce score leur est défavorable, le Président de la République sera contraint de s’interroger sur le message des Français, bien obligé aussi de se regarder dans la glace…
Il ambitionnait de « ré-enchanter le rêve français».
Il promettait une République exemplaire ; assurait que la crise était passagère ; affirmait que nos déficits seraient ramenés à 3% en 2013 et que seuls les ménages fortunés seraient mis à contribution…
A elles seules, ces promesses non tenues mériteraient sanction, ne serait-ce que pour rappeler à tous qu’il ne faut pas biaiser avec la vérité.
Mais plus que les promesses rompues, ce sont les résultats qu’il convient de juger.
D’abord les résultats concernant notre République, dont le respect par tous est au cœur de l’unité nationale.
Eh bien la République est affaiblie par la culture du chacun pour soi.
Mariage pour tous, interruption volontaire de grossesse, fin de vie, le gouvernement multiplie les droits sans jamais s’interroger sur le mot «devoir» qui est pourtant le ciment de nos différences.
La République est défiée dans sa laïcité, taraudée par des relents xénophobes, bousculée par une immigration insuffisamment maîtrisée et intégrée… alors qu’attend le Président de la République, après sa désolante gestion de l’affaire Léonarda, pour dire haut et fort que vivre en France est un privilège qui se mérite ?
Car qu’importe les origines, la couleur de peau, la religion, une seule chose compte : l’amour de notre pays et le respect de ses lois.
Mais la fraternité ne tient que si l’ordre public est assuré.
Les chiffres de la délinquance pour 2013 sont mauvais, et les Français sont en droit de réclamer du ministre de l’Intérieur moins de communication et plus de résultats.
Depuis des mois Manuel Valls donne des coups de menton, bondit sur chaque fait divers, exploite à son profit chaque polémique, critique ses prédécésseurs, mais voilà l’heure de vérité arrive toujours : Monsieur Valls aurait du faire preuve de plus de modestie, de plus de discrétion et de plus d’éfficacité !
Tout doit être fait pour restaurer l’autorité de la République, dissuader ceux qui bafouent ses règles, mobiliser les élus locaux, responsabiliser les familles, épauler les forces de l’ordre qui doivent pouvoir compter sur une Justice rapide et ferme et non désarmée par la multiplication des peines de substitution et la fin des peines planchers.
C’est un combat global qu’il faudrait livrer.
Un combat qui ne relève pas exclusivement du ministère de l’Intérieur mais du Chef de l’Etat lui-même, qui depuis 18 mois, est aux abonnés absents face cette priorité nationale.
En matière de sécurité, les collectivités locales peuvent agir sur le terrain, et il reviendra à tous nos élus de se dresser en gardien de l’ordre républicain !
Quant aux résultats économiques, ce qui devait arriver est malheureusement arrivé !
La France de 2012 était en situation de reprise fragile…
Dès les premières semaines, le gouvernement supprime la TVA sociale qui aurait permis une baisse immédiate du coût du travail ; abroge les heures supplémentaires défiscalisées qui motivaient les salariés ; surtaxe le capital qui irrigue les investissements ; écrase les entreprises et les ménages sous les impôts plutôt que de baisser résolument les dépenses de l’Etat… Ce faisant, toute la machine s’est enrayée.
L’activité tourne au ralenti, le chômage s’étend, le pouvoir d’achat est en baisse, notre dette s’accroit, le ras le bol fiscal est à son comble, et notre croissance ne tient qu’à un fil.
Notre pays table péniblement sur moins de 1% de croissance tandis qu’aux Etats-Unis, l’objectif est de 2,9% de croissance, de 1,7% en Allemagne, de 2,4% au Royaume Uni.
Bref, tous ces Etats sont en train de redémarrer fortement, sauf le nôtre.
Aujourd’hui, la réalité saute à la gorge du Chef de l’Etat, et le voici contraint de proposer un «pacte de responsabilité» aux entreprises, dont l’intitulé même tend à indiquer qu’on était, jusqu’à présent, dans l’irresponsabilité.
Au nom de l’intérêt du pays, il faut souhaiter que cette initiative tardive puisse réparer les dégâts de 18 mois d’erreurs.
Pour l’instant, nous sommes dans le flou. Or, comme dit le proverbe, «on ne chasse pas le brouillard avec un éventail» !
On est dans le flou – et pire que cela dans l’erreur ! – concernant les contreparties réclamées aux entreprises dont beaucoup jouent leur survie.
Baisser leurs charges, ca n’est pas leur faire un «cadeau», c’est permettre aux entreprises et à leurs salariés de se battre à armes égales avec leurs concurrents européens, de restaurer leurs marges, d’élargir leurs marchés, d’innover et, à fortiori, de créer des emplois.
Concernant le financement de ce pacte, le flou est abyssal.
Pour trouver les recettes correspondantes pour financer les 10 milliards de la branche famille, personne n’a encore compris où et comment le gouvernement procédera.
Du côté des impôts, la France est au bord de l’asphyxie; du côté des dépenses et de la réforme de l’Etat, le gouvernement agit de façon cosmétique.
Il dit vouloir financer ce pacte par des économies budgétaires alors que les déficits dérapent et que l’objectif des 3,6% du PIB en 2014 est compromis, et alors même qu’il est incapable de dire comment il trouvera les 50 milliards minimum qui sont attendus d’ici 2017 pour équilibrer nos finances publiques.
Bref, à cette heure, ce pacte est un projet en suspens, dont nous jugerons le moment venu s’il s’agit d’un slogan comme la grande réforme fiscale annoncée par le Premier Ministre il y a moins de deux mois et déjà quasi abandonnée.
Certains ont décelé dans les propos du président de la République une inflexion politique, mais que valent les mots quand seuls les faits devraient nous intéresser.
Il importe peu de savoir qu’au sommet de l’Etat on disserte entre soi sur le socialisme et la sociale démocratie. Le respect de la démocratie aurait d’ailleurs commandé que ce débat soit tranché avant les élections afin que les Français se prononcent en connaissance de cause.
Mais de toute façon, l’essentiel n’est pas de savoir si François Hollande est socialiste ou social-démocrate, mais s’il est efficace !
Les Français attendent des actes et un peu moins d’esbroufe.
Lorsque certains ministres et conseillers de l’Elysée font miroiter la possibilité d’une baisse des impôts en 2015, ils ne font qu’alimenter ce poker menteur que nos concitoyens ne supportent plus.
Chacun a sa part de responsabilité, mais le pouvoir actuel incarne à la perfection ce mal français où les discours tiennent lieux de décisions, où les arrangements avec la réalité sont érigés en art de gouverner, où il suffit d’espérer une chose pour la réaliser.
Voilà, mes amis, la situation difficile que traverse notre pays, et c’est dans ce contexte que les Français se rendront aux urnes.
Trois choix s’offriront à eux, qu’ils trancheront en conscience.
Voter à gauche, c’est la garantie, qu’au-delà de nos villes, aucune inflexion ne sera décidée au sommet de l’Etat.
Voter pour les extrêmes, c’est l’assurance de faire le jeu de la gauche, mais ce serait aussi entraîner nos communes et notre pays dans une voie sans issue.
Le programme du Front National est un programme de gauche, voire d’extrême gauche avec les habituelles dénonciations du grand capital et des puissances de l’argent, avec la diabolisation de la mondialisation, avec le retour à la retraite à 60 ans de Mitterrand, avec l’augmentation de la dépense publique et le refus de réduire les emplois publics.
C’est le suicide collectif avec la sortie de l’euro et la dévaluation sévère qu’elle provoquerait, entrainant la ruine des petits épargnants.
Le programme du FN c’est le retour aux années trente, à l’abaissement de la France et au cortège de souffrance qui s’en suivit.
Je ne jette pas la pierre à mes concitoyens qui sont tentés par un vote radical, mais ils doivent savoir qu’on ne redressera pas la France avec de tels mensonges.
Reste la droite républicaine et le centre qui, seules, ont la capacité d’incarner une alternative sérieuse et le pouvoir de peser sur l’action du gouvernement.
J’invite tous les électeurs qui se reconnaissent dans nos valeurs à se mobiliser dès le premier tour autour de nos candidats.
Pour eux, le moment est venu d’adresser au gouvernement l’avertissement qu’il mérite, et nous faisons de la fiscalité le cœur de cet avertissement car elle est le nerf du combat pour la croissance.
Plus le message sur le ras le bol fiscal sera fort, plus le Président sera contraint d’écouter les Français, plus le gouvernement sera obligé d’arrêter de financer son immobilisme par l’impôt, plus il sera alors astreint de baisser les dépenses et de réformer notre pays dans le bon sens.
Du score des municipales dépend le sort du Sénat.
Si le gouvernement avait face à lui un Sénat dans l’opposition, alors la voix du pragmatisme en serait renforcée.
Avec ces élections locales, mon mot d’ordre est donc simple : ni désunion, ni hésitation, ni dispersion !
Suivront les élections européennes.
Elles seront compliquées car l’idéal européen est au plus bas et parce que les populistes ont la partie facile. Crise, chômage, délocalisations, immigration : le bouc émissaire est tout trouvé, c’est Bruxelles !
Il faudra mettre de la raison dans ce chaudron.
Nous devrons aller au combat en rappelant que le redressement national est la condition d’une Europe utile à la France et en défendant les principes d’une Europe politique.
Au nom de notre souveraineté nationale, j’ai autrefois voté contre le traité de Maastricht.
Au nom de cette même souveraineté, j’affirme que l’Europe doit être entrainée par le couple franco-allemand sans lequel rien n’est possible, et, pour ce faire, nos deux nations doivent avoir l’ambition de créer une espace économique et fiscal aussi homogène que possible.
L’Europe doit être pilotée par un gouvernement économique de la zone euro capable de conjuguer deux objectifs vitaux : celui de la croissance et du désendettement.
L’Europe doit être en mesure de consolider ses acquis ce qui interdit les élargissements sans fin, dont celui de la Turquie.
Enfin, l’Europe doit être notre frontière et notre tremplin face à la puissance de la mondialisation : cela exige moins de naïveté commerciale, plus de stratégies industrielles et scientifiques communes, plus de fermeté face aux flux migratoires, plus d’audace en matière de défense et de diplomatie.
Voilà, mes chers amis, les convictions que je voulais partager avec vous.
Les années 2012 et 2013 n’ont pas été bonnes pour notre pays et notre parti… Mais maintenant, le temps des regrets doit faire place au temps de l’action.
Notre devoir est de battre la majorité actuelle, mais plus que cela, il est d’éclairer les Français sur l’ampleur d’une mutation historique qui bouleverse la hiérarchie des puissances d’autrefois et qui menace de nous déclasser définitivement si nous ne réagissons pas.
Rien de fort ne se construira sur le seul rejet du pouvoir actuel ou sur les débris d’une crise politique que nul ne peut souhaiter à la France.
Il faut, avec ces élections locales et européennes, enclencher une prise de conscience collective et positive pour transformer le système français qui est à bout de souffle.
Rien n’est perdu pour la France !
Malgré ses blocages réglementaires, ses 35 heures, ses impôts, ses dettes, notre pays arrive encore à se distinguer…
Alors imaginons un instant ce que pourrait être notre nation si nous avions le cran de la réformer vraiment et de libérer son potentiel productif et créatif.
Imaginons ce qu’elle pourrait être si nous valorisions le travail, le mérite, la réussite.
Imaginons ce qu’elle serait si nous retrouvions la maîtrise de nos finances publiques et si nous remettions la République en ordre.
Imaginons-là, réconciliée avec le culte de l’audace et du succès, convaincue par la nécessité d’entreprendre, motivée par l’innovation plutôt que paralysée par le risque zéro.
Mes amis, rien ne résisterait à une France modernisée, responsabilisée et rassemblée !
Le déclin n’est pas une fatalité.
Nous avons l’atout de la jeunesse et de la démographie, et jamais les Français n’ont autant cru à la valeur de la famille qui est la nôtre.
Nous sommes l’une des nations dont les travailleurs sont jugés les plus performants, et jamais la valeur du travail, qui est aussi la nôtre, n’a été aussi pressante dans les esprits.
Nous avons l’atout de l’éducation et de la recherche, et là encore, malgré nos lacunes, nos scientifiques excellent dans les mathématiques, la médecine, la physique.
Nous avons des leaders économiques mondiaux qui font jeu égal avec les Etats-Unis, à l’image d’Airbus.
Nous avons l’agriculture et l’agro-alimentaire qui assurent notre indépendance alimentaire. L’énergie nucléaire qui garantit notre indépendance énergétique. Nos forces armées qui sont parmi les plus performantes du monde. Notre culture et la beauté de la France qui font d’elle le foyer de toutes les admirations.
Oui, nous avons des atouts et c’est en réformant tout ce qui bride notre génie national que nous retrouverons le chemin du progrès.
Il revient à l’UMP d’aider notre pays à se forger un avenir plutôt que de chercher à retenir un passé qui lui file comme du sable entre les doigts.
La tâche est immense. Elle est esquivée par la gauche, envenimée par le populisme, contaminée par la peur de nous élancer dans le XXIème siècle…
Mais c’est notre tâche, c’est notre ambition, et c’est surtout le devoir de ceux qui, comme nous, aiment la France et servent la République.