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Interview au Figaro:
LE FIGARO. – Qui est le vainqueur du premier tour?
François FILLON. – Ce n’est pas une compétition sportive. Il n’y a ni vainqueur ni vaincu, mais un cri de détresse et de colère des Français face à la gravité de la situation du pays. Avec 16 millions d’abstentionnistes, une poussée incontestable de l’extrême droite et un effondrement du Parti socialiste, le premier tour confirme une crise nationale que je diagnostique depuis des mois et qui exige un changement de politique. Ce gouvernement discrédité a tout raté, de la lutte contre le chômage au redémarrage de l’économie en passant par le désendettement. La paupérisation s’étend, la délinquance augmente, le communautarisme progresse et la société se radicalise.
La tribune de Nicolas Sarkozy a-t-elle favorisé la mobilisation à droite?
Le soupçon d’instrumentalisation de la justice n’a fait que renforcer la colère des Français et le vote contre l’exécutif.
Je pense que le second tour va amplifier les bons résultats de la droite et du centre et je me bats pour cela. Seul un choix massif et sans ambiguïté pour les listes de la droite et du centre peut conduire le président de la République à un changement profond de politique. Mais rien n’est joué et j’invite chacun à faire preuve d’humilité. Il ne faudra pas tirer d’un bon résultat la conclusion que les Français plébiscitent dès à présent le projet de l’UMP. On ne choisit pas dans une élection intermédiaire un projet alternatif, on vote contre l’exécutif. Les Français ont exprimé avec force leur rejet de la politique conduite depuis deux ans par François Hollande. Le deuxième tour doit confirmer ce rejet et surtout conduire le président à sortir enfin de l’ambiguïté. Il y a urgence: François Hollande doit se remanier lui-même.
Une baisse d’impôts est annoncée. Est-ce un bon début?
Non! Ce n’est pas à la hauteur de la crise nationale. François Hollande doit s’engager à geler toutes les hausses d’impôts pour trois ans. Il doit s’engager à baisser les charges des entreprises réellement et durablement, sans contreparties. Il doit maintenant dire avec quelles économies et quand il réduira la dépense publique. Il doit engager avec l’Allemagne une négociation sur une politique monétaire qui ne pénalise pas nos exportations, en échange de réformes de structures en France. Il doit choisir entre la politique laxiste du garde des Sceaux et une lutte résolue contre la délinquance. Il doit surtout cesser de diviser les Français et d’affaiblir deux piliers de notre société: l’entreprise et la famille.
Doit-il changer de premier ministre?
Ce gouvernement est-il capable de conduire une politique vraiment différente? À l’évidence, non. Le changement ne peut donc être porté que par une nouvelle équipe. Le président doit en profiter pour «licencier» les ministres qui interviennent à tort et à travers dans la vie des entreprises, sur leurs choix stratégiques, en multipliant les pressions et les menaces sur des investisseurs décrétés indésirables. Qui investirait dans ces conditions? Oui, le changement d’équipe parait légitime mais nul n’est dupe: le responsable de la crise nationale que nous traversons est d’abord à l’Élysée. Avec 31 000 Cômeurs en plus le mois dernier, il est temps que le chef de l’État assume et ose une autre politique.
La percée du FN est-elle un danger pour la République, comme le dit la gauche?
Je me passerais volontiers de ces victoires locales du FN dont je récuse le programme et l’idéologie, mais la République n’est pas en danger à cause de l’élection de deux ou trois maires du Front national. Elle est en danger à cause de la politique actuelle qui a plongé notre pays dans la dépression économique et civique. François Hollande devrait en prendre la mesure au lieu de jouer les apprentis sorciers avec le vote FN, comme si la crise était juste un problème de tactique politique.
Le ni-ni vous convient-il finalement?
Il n’y pas de ni-ni dans cette élection, nulle part les électeurs n’ont le choix entre un candidat du PS et un candidat du FN. Nous sommes en mesure de défendre nos positions et nos candidats partout. Et je ne vois aucune raison d’abandonner le terrain et de laisser pendant six ans les sièges vides dans la gestion des collectivités. Cela ne veut pas dire que dans une élection législative ou à l’élection présidentielle, la question du front républicain ne peut pas se poser. Mais elle n’est pas d’actualité aujourd’hui.
Le score du FN aux municipales ne va-t-il pas conduire l’UMP à caresser l’électeur antieuropéen dans le sens du poil?
Ce serait une faute grave contre l’intérêt national, au moment où l’on constate à la fois la montée de l’incroyable puissance asiatique et l’instabilité aux portes de l’Europe. Jeter aux orties les fondations du projet européen, expliquer qu’il faut fermer les frontières est irresponsable. L’UMP doit débattre. Certains de mes amis plaident pour davantage de protectionnisme. D’autres veulent changer radicalement l’organisation européenne. D’autres encore considèrent que la France est garante des institutions européennes telles qu’elles sont. Il y a du travail pour parvenir à une position cohérente! Moi, je suis pour une France forte, leader d’une Europe politique.