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Zohra Bitan est cadre de la fonction publique territoriale depuis 1989, ancienne conseillère municipale PS de l’opposition àThiais (94), et était porte-parole de Manuel Valls pendant la primaire socialiste de 2011. Elle a tout au long de son parcours eu pour fil conducteur la lutte contre la misère intellectuelle. Elle est fait maintenant partie du contre gouvernement de l’UDI, chargée de l’intégration sociale et la laïcité. Les thématiques des cités, des classes populaires, des jeunes, de la citoyenneté, du civisme sont celles qui l’intéressent particulièrement. “Dire c’est agir” sont les moteurs de son engagement par la plume.

Publié le 17 Mai 2014

Atlantico Vous dénoncez dans votre dernier ouvrage une gauche de plus en plus phagocytée par « les jeunes loups arrogants de Terra Nova. Un fait qui vous a notamment amené a quitter le Parti Socialiste en 2011. Quel a été le déclencheur ?
C’est un long chemin que j’ai effectué à l’intérieur du PS. Ma connaissance des banlieues et des cités m’a permis de voir que leurs politiques publiques mises en œuvre par les socialistes ne produisaient finalement que très peu d’intégration sociale.
Cette dernière est le fait d’associations ou d’individus, mais très rarement du Parti socialiste. J’ai toujours trouvé violents l’assistanat, la compassion et le paternalisme du PS, qui rendent inexistante la méritocratie. Je ne pouvais décemment pas garder cela pour moi, voilà pourquoi j’ai écrit ce livre.
J’ai pour coutume de dire que des émeutes de 2005 à aujourd’hui, il y a seulement le Jihad. On peut faire le bilan qu’on veut, mais aujourd’hui la minorité agissante pourrit la vie d’une majorité silencieuse. Les banlieues sont donc punies de partout : par un PS qui n’a jamais eu vocation à les intégrer, par les Français qui pensent qu’elles ne sont composées que de racailles, par un apartheid social où la mixité n’a jamais eu lieu, par la crise, le chômage, la discrimination et le racisme. Tant qu’on ne dira pas la vérité sur ce qui ne va pas, la majorité ne pourra pas être protégée.
Le livre aborde aussi une dimension « sociologique » en commentant l’arrivée des « indignés de salon » portant des « pulls en cachemire » au sein du Parti. Peut-on parler « d’embourgeoisement » au PS aujourd’hui ?
Non seulement ils se sont embourgeoisés, mais en plus ils le nient. Les classes sociales ne sont pas un problème en soi, on peut tout à fait être bourgeois et humaniste. Sauf que ces personnes n’assument pas ce qu’ils sont et ce qu’ils font. La colonne vertébrale du Parti socialiste s’appelle hypocrisie. Ni Putes ni soumises n’est pourtant plus à la mode dans les banlieues, aujourd’hui elle est aux jupes pour les garçons ! Et quand on se prononce contre ce genre d’initiative, on est taxe de « facho ». Il faut arrêter de donner des leçons aux personnes militantes qui vivent en banlieue, qui elles, savent de quoi elles parlent, et qui ont réellement envie que les gens vivent ensemble. L’argument consistant à dire que si l’on est contre la journée de la jupe, cela veut dire qu’on est contre l’égalité hommes-femmes, n’est pas recevable. Que ces personnes fassent alors preuve de courage et aillent passer la journée de la jupe en banlieue ! Cette initiative n’a rien d’utile dans un établissement sans histoires.

Peut-on dire qu’une bonne partie des Français issus de l’immigration ont intégré ce changement à gauche ?

Si vous saviez le nombre de Français de ma génération issus de l’immigration et qui m’envoient des mails pour me dire qu’ils sont contents de ce livre, qu’ils le cautionnent ! Sans même l’avoir lu, « Cette gauche qui nous désintègre » est pour eux une bénédiction en soi !
Le décalage s’est clairement traduit aux municipales. Le président est allée à Villiers-le-Bel, certes, mais pour parler aux jeunes, et non aux parents : quand leur parlera-t-on, à eux ? Ces derniers sont exonérés de tout, ils n’existent pas, alors qu’en réalité c’est leur responsabilité qui vient en premier, ce n’est tout de même pas l’Etat qui, tout seul, va prendre à sa charge l’éducation des enfants. C’est pourquoi je dis que c’est fini : les socialistes ont perdu les banlieues.

Vous évoquez aussi les jeunes de banlieue prêt à voter Marine le Pen aux prochaines échéances présidentielles après la déception de l’après 2012. Peut-on parler d’une vraie tendance aujourd’hui?
Les jeunes qui disent qu’ils vont voter Marine Le Pen sont extrêmement nombreux. C’est un vote kamikaze, ils veulent que cela produise du ménage. On peut parler de vote de colère, mais il y a tout de même une question de valeurs, derrière : le thème de l’égalité des sexes, qui est tellement mal expliqué par le PS, donne naissance à tous les fantasmes possibles. Je n’ai rien contre le fait que la théorie du genre soit véhiculée par une certaine gauche, mais de là à l’implanter en banlieue sans que cette dernière sache ce que c’est, d’autant plus que des problèmes de soumission des femmes y perdurent…
la chose est très risquée. Les banlieues constatent qu’on leur impose un « progrès » au travers de l’égalité des sexes, de la situation de la femme et de l’homosexualité : mais pour elles, c’est pire que le chômage ! Elles peuvent endurer le sous-emploi pendant 40 ans, mais ce que leur vend le PS, elles ne l’accepteront jamais.

Quel serait le moyen d’apaiser les tensions après la division qu’a pu crée le « banlieue business » d’associations comme SOS racisme ?
On peut réparer les dégâts d’hier en donnant la parole à des gens comme moi. Mon discours dans les banlieues fait du bien, car c’est celui de l’honnêteté. Il est permis d’expliquer à ces populations que l’extraction sociale viendra d’abord par leur effort. Quand Ségolène Royal a proposé l’armée, les jeunes n’y ont pas été insensibles. La rigueur et l’exigence font l’éducation, et pour avoir fréquenté les jeunes des banlieues pendant des années, je peux vous dire que plus on est dur avec eux, plus ils sont contents. Donc il faut punir. Mais on ne le fait pas, car on trouve toujours des justifications sociales qui sèment ce qu’on récolte aujourd’hui.
Il faut régler l’intégration sociale, tout faire pour que la religion ne devienne pas un étendard identitaire. Les enfants qui sont totalement perdus se raccrochent à cela, ils se fabriquent des ennemis imaginaires. A l’inverse, on est incapable de dire si les personnes qui ont une vie professionnelle et familiale stable pratiquent la religion, puisque cela ne se voit pas. Ils sont intégrés, et ne ressentent donc pas le besoin de montrer quoi que ce soit de leur pratique religieuse.
Il est selon moi important de nommer la minorité, de la débusquer, et de lui « tomber dessus » pour protéger les autres. Car à cause de cette minorité, c’est tout le monde qui est stigmatisé. Avec cet islam inquisiteur qui génère du racisme anti-blanc, on se demande où on va. L’ambiguïté à ce sujet vient de l’hypocrisie d’un PS qui se pose comme une police de la pensée. Peut-être veulent-ils Marine Le Pen au deuxième tour en 2017… plus sérieusement je ne sais pas ce qu’ils veulent, mais c’est extrêmement dangereux pour le vivre ensemble.
Je suis profondément française : quand on me parle de « karaoké d’estrade » pour désigner la Marseillaise, je suis scandalisée. Dans une telle logique, le drapeau tricolore est une serpillère, n’ayons pas peur des mots ! Ecoutons-les et tuons tous les symboles de la nation au nom du progrès et de la « in attitude ». Aujourd’hui, on est considéré comme ringard et conservateur lorsqu’on n’accepte pas de transformer la société dans le mauvais sens. Sauf que l’égalité hommes-femmes se construit d’abord dans la famille. Quand on acceptera de regarder la réalité en face, on pourra peut-être trouver les remèdes. C’est ce qui nous différencie du FN : nous pouvons faire les mêmes diagnostics, sans proposer les mêmes solutions. Il faut dire la vérité pour protéger la majorité silencieuse et construire la France pour tous.
Source : http://www.atlantico.fr/  publié le 17/05/2014