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Le bilan économique de l’Union européenne est mitigé.

Les États membres portent une large part de responsabilité.

Les élctions européennes vont se tenir du 22 au 25 Mai. - © Delmi Alvarez/ZUMA/REA

Les élctions européennes vont se tenir du 22 au 25 Mai. – © Delmi Alvarez/ZUMA/REA

« Plus l’Union européenne gagne de pouvoirs moins les citoyens s’y intéressent ». Cette remarque ironique d’un diplomate britannique illustre bien le paradoxe du projet européen à quelques jours des élections au Parlement de Strasbourg. L’Europe était lointaine, illisible, inaudible. Elle s’est complexifiée, de surcroît, avec la crise et les Européens ont bien du mal à se faire un jugement sur cette Union au bilan contrasté . Que penser de la monnaie unique à laquelle les dirigeants politiques avaient prédit un avenir radieux ? Elle a certes protégé les économies au moment où les attaques des marchés sanctionnaient des politiques budgétaires irresponsables et les excès de la finance. Mais elle a aussi révélé des failles gigantesques dans la gestion de l’euro. A qui la faute ? A Bruxelles ou aux gouvernements ? Le doute sur l’euro s’est, en tout cas, installé. L’élargissement constitue aux yeux de beaucoup une réussite. Divisé pendant un demi-siècle, le continent européen est enfin réunifié et vit en paix à l’abri de régimes démocratiques. Mais ses conséquences économiques et sociales ont aussi de quoi inquiéter. Les citoyens ont l’impression que loin de les protéger de la mondialisation, l’Europe est devenue un terrain d’expérience de la concurrence sociale. Le « dumping social » est sur toutes les lèvres et le détournement de la directive sur les travailleurs détachés a fait des ravages dans l’opinion alors que cela faisait des années que le problème était connu. Les gouvernements ont tardé à y répondre, laissant se diffuser l’idée que l’élargissement était synonyme d’appauvrissement. Alors qu’au contraire , l’ouverture à l’est a été profitable à l’ouest, non seulement en termes économique et commercial mais aussi en création nette d’emplois : les pays européens « historiques» ont gagné à l’élargissement.

Prise en otage

Il faut encore expliquer que si la politique monétaire est aux mains de la Banque centrale européenne (BCE), les politiques économique et sociale sont restées aux mains des États. Pas assez coordonnées, ces dernières se sont révélées désastreuses. Au moment où la France mettait en musique les 35 heures, l’Allemagne se lançait dans un vaste programme de reconquête de sa compétitivité. A l’arrivée, des modèles qui divergent et une monnaie unique prise en otage. Le bilan de l’Europe est donc mitigé, mais la responsabilité décidément bien partagée par les États.

1  L’euro est-il trop fort ?

L\'euro est-il trop fort ?

Même pour les plus europhiles des européistes, 1 euro qui s’approche de la barre de 1,40 dollar, c’est trop ! Après le ministre français des Finances, les économistes du Fonds monétaire international et de l’OCDE, le président de la Banque centrale européenne en personne a sonné l’alerte à la mi- avril. Même le gouverneur de la vertueuse Bundesbank s’est récemment rallié à l’idée qu’un euro fort, parce qu’il alimente la déflation, constitue une réelle menace pour la croissance. La banque centrale est donc sur le point d’intervenir pour tenter de décourager les investisseurs d’acheter de la monnaie européenne. L’euro victime de son succès ? La question peut faire sourire quelques mois seulement après la déflagration qui s’est abattue sur la zone euro. En réalité, si les États ont été pris à partie à partir de 2009 par les marchés financiers inquiets de leur capacité à rembourser leurs dettes colossales, la monnaie elle-même n’a jamais été réellement en danger au cours de ses dernières années. Elle s’est même remarquablement bien tenue par rapport au dollar et au yen.

Aujourd’hui que la plupart des gouvernements ont rétabli leurs comptes extérieurs, la zone euro dégage un excédent commercial de 150 milliards d’euros, raison supplémentaire d’un euro fort. Le problème est que, en son sein, certains Etats, l’Allemagne en tête, se montrent très performants sur les marchés extérieurs alors que d’autres, comme la France, sont toujours dans le rouge et souffrent de l’euro fort. Une baisse de la monnaie unique au cours des prochains mois ne pourrait que faciliter la reprise économique très laborieuse de la zone euro.

2 L’Europe s’est-elle élargie trop vite?

L’Europe s’est élargie trop vite et surtout à des pays au niveau de vie très inférieur à ceux du noyau de l’Union. C’est particulièrement vrai pour les tout derniers rentrés : la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie. Il en a résulté des écarts de salaires qui favorisent le dumping social. Cette critique très fréquemment répandue dans l’opinion n’est pas complètement fausse. C’est le syndrome du plombier polonais. Au cours des dix dernières années, l’Union européenne a accueilli 13 nouveaux États membres, tous ou presque issus de l’ancien bloc soviétique. Une origine synonyme d’un double handicap : pauvreté et manque de compétitivité. Sur le plan politique, c’était l’évidence : l’Union a vocation à réunir les États européens, c’est inscrit dans les traités et c’est la logique même de l’Europe. Comment refuser à des peuples avides de démocratie et de liberté l’entrée au club des pays libres et prospères ? Les acteurs de cet épisode historique témoignent qu’il était pour eux hors de question de retarder leur adhésion ou d’accepter un statut de seconde zone. De leur côté, les États déjà membres de l’Union ont eu la possibilité de retarder de quelques années l’ouverture de leurs marchés du travail. Une option que la France et l’Allemagne ont actionnée, mais pas le Royaume-Uni dont l’économie a constitué un formidable appel d’air pour les travailleurs polonais. C’est sans doute là que les gouvernements et l’Union ont été trop négligents. Il aurait sans doute fallu prévoir indemnités et formations pour les salariés européens victimes, par exemple, de délocalisations d’entreprises en Europe de l’Est. Mais c’est justement à cette période que les États ont commencé à resserrer les cordons du budget européen.

3 Le couple franco-allemand dirige-t-il toujours l’Union ?

De Merkozy à Merkhollande, le couple franco-allemand a sans doute traversé l’une des périodes les plus difficiles de son histoire. La crise a révélé – entre mille autres choses – des différences de vision sur le fonctionnement de la zone euro et sur son avenir. D’un côté, une Allemagne droite dans ses bottes, accrochée au traité de Maastricht et performante sur le plan économique, a voulu imposer son modèle et lutté pour le retour à la discipline budgétaire et le rattrapage de compétitivité. De l’autre, la France en perte de vitesse sur le plan économique a voulu jouer la carte de la solidarité et de la mutualisation. L’attelage aurait pu exploser. Il a finalement résisté, trouvant péniblement le chemin de la sortie de crise en alliant programmes d’austérité et soutien aux économies en péril. L’Allemagne a démontré son attachement à l’euro, la France a conservé sa force de proposition. Mais à nouveau, il faut remettre l’ouvrage sur le métier car les conditions du retour de la croissance ne sont pas réunies. Les promesses de nouvelles initiatives franco-allemandes pour les élections européennes n’ont pas été tenues. La zone euro est à un nouveau commencement. Si les deux pays sont ralliés au principe d’une nouvelle phase d’intégration, il reste à la concrétiser. Ils en sont loin.

4 L’Europe a-t-elle les moyens de lutter contre le chômage ?

 

 L\'Europe a-t-elle les moyens de lutter contre le chômage ?

Avec José Manuel Barroso, toutes les politiques européennes sont « au service de la croissance et de l’emploi ». Ce tic de langage, rabâché jusqu’à plus soif, est un aveu de faiblesse : à la vérité, non seulement la lutte contre le chômage n’entre pas dans les compétences directes de l’Union, mais aussi le budget de la Commission, d’à peine 1 % du PIB des Vingt-Huit, ne lui permet pas de financer des politiques de relance. Elle s’est d’ailleurs battue comme un chien lors des dernières négociations budgétaires pour retirer quelques euros à la politique agricole afin des les basculer sur des projets d’avenir dans le numérique ou l’énergie. Ou pour arracher une enveloppe exceptionnelle de 6 milliards pour lutter contre le chômage des jeunes. Quant au débat sur les conséquences de la consolidation budgétaire sur la croissance, il continue à battre son plein. Le chômage persistant à 25 % en Grèce et en Espagne oblige à s’interroger sur la pertinence pour la zone euro d’avoir une politique monétaire, budgétaire sans politique sociale. Nombre d’économistes plaident pour doter la zone euro d’un budget propre, à vocation contra-cyclique. Il permettrait de financer partiellement la lutte contre le chômage et amortirait ainsi les principaux chocs financiers dans l’Union.

5 Quelle politique étrangère ?

 C’est le paradoxe de l’Union européenne. Premier bailleur de fonds mondial avec plus de la moitié de l’aide publique au développement distribuée, elle reste un nain politique face à Obama ou Poutine. La création, il y a cinq ans, d’un service diplomatique européen et la nomination d’un haut représentant pour l’action extérieure de l’Union laissent un goût d’inachevé. D’abord parce que la première nommée à ce poste, la Britannique Catherine Ashton, a eu du mal à mettre sur pied son nouveau service. Puis il lui a fallu elle-même deux à trois ans avant de réellement enfiler son costume et de se voir reconnus quelques qualités et succès, comme en Iran ou dans la réconciliation entre le Kosovo et la Serbie. Ensuite, parce que les règles de l’unanimité, par exemple pour voter des sanctions contre un Etat, ralentissent la décision. Il faut ajouter que les Etats gardent jalousement leurs prés carrés, au premier rang desquels la France et la Grande-Bretagne qui disposent d’un droit de veto à l’ONU, et refusent à l’Union toute représentation directe dans des institutions internationales, même financière comme le FMI. Enfin, l’Europe n’a qu’une carte à jouer, son « pouvoir économique » ou son « modèle », ce que les spécialistes nomment le « soft power ». Elle n’a pas d’armée, ni même une réelle défense commune. Néanmoins, il y a des progrès.
6  La souveraineté menacée ?

C’est un des thèmes favoris des Eurosceptiques : les États seraient pied et main liés par l’Union européenne.« 80 % de nos lois sont dictées par Bruxelles »,martèle Nigel Farage,le leader europhobe de l’UKIP, pour expliquer que la Grande-Bretagne doit
quitter au plus vite l’Union.

Ce thème des 80 % est aussi repris en cœur par l’ancien président du Front national, Jean-Marie Le Pen et de tous côtés, les affirmations farfelues fusent. Par exemple, lorsque le leader du Mouvement populiste italien 5 étoiles, Beppe Grillo, déclare que le PIB de son pays a chuté de 20 % avec l’euro. Peu importe l’impact réel du droit européen sur l’activité législative nationale, plutôt de l’ordre de 20 %selon diverses recherches : l’idée que l’Europe en fait trop a fini par irriguer
tous les mouvements politiques, à droite comme à gauche.
« L’Union européenne doits’occuper des grandes choses et pas des petites », affirme Jean-Claude Juncker pour les conservateurs, tandis que Martin Schulz promet aussi un tri.
Seul le leader du centre Guy Verhofstadt appelle à un bond en avant, en rappelant que les gisements de croissance sont dans
l’Union et pas dans la désunion,

Source : lesechos.fr publie le 21/05/2014