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Discours prononcé à Londres devant la statue du Général de Gaulle à l’occasion des cérémonies commémoratives de l’appel du 18 juin 1940.
Monsieur l’Ambassadeur, Amiral
Mesdames et messieurs,
Certains voudraient que le temps nous libère des tragédies du passé. Mais les Français sont-ils prisonniers de leur mémoire ? Non, ils ne le sont pas, et il faut, au contraire, qu’ils en soient les gardiens.
Souvenons-nous.
Le 14 juin 1940, les armées allemandes occupent Paris.
Le 17 juin, le Maréchal Pétain commande de cesser le combat et engage les tractations de l’armistice.
Renoncement, abdication, collaboration, tout, en apparence, est en place pour anéantir notre pays. Mais le 18 juin 40, sur les ondes de la BBC, une voix ferme ranime l’espoir d’une nation brisée.
C’est la voix de Charles de Gaulle, officier rebelle, pourtant accueilli par Winston Churchill et protégé par le grand et admirable peuple britannique qui était le dernier rempart de la liberté face à la furie nazie.
Rares sont les Français qui entendent le message du 18 juin, mais son souffle se propage d’écho en écho.
Au coin des rues, dans l’intimité des foyers où les rideaux sont tirés, il se dit qu’«un Général Français est à Londres, et il affirme que rien n’est perdu !».
Au fond de l’abîme, les hommes et les femmes se cherchent, et, comme toujours dans de telles circonstances, les caractères se révèlent…
Ceux qui se disaient puissants se découvrent faibles et ceux qui se croyaient humbles se découvrent plus grands que les autres.
Au plus profond de soi-même, résister, c’est avoir tranché une question suprême: faut-il prendre le risque de mourir pour la liberté ou faut-il accepter de vivre soumis ?
Cette question où se disputent la vie et la mort, le courage et la peur, est atrocement douloureuse.
Qu’aurais-je fait en 1940 ? Chacun doit se poser la question car le jour où nous ne nous la poserons plus, alors la mémoire de la guerre et le vrai prix de la Liberté nous échapperont.
Il faut écouter les derniers témoignages des combattants et chacun doit se demander s’il aurait été, lui aussi, à la hauteur de l’évènement malgré la peur de la torture et le poteau d’exécution.
Dans ses premières heures, la Résistance, ne rassemble qu’une poignée de Français.
N’écoutant que leur audace, ils rejoignent Londres et s’engagent dans les Forces Françaises Libres.
Soldats, aviateurs, marins, sur leurs uniformes râpés, tous ces volontaires portent la croix de Lorraine.
Leur fougue répond au serment de Koufra : «nous ne déposerons pas les armes avant que le drapeau français ne flotte sur Paris et sur Strasbourg !». Ils tinrent parole !
En ce sinistre été 1940, d’autres s’engagent dans l’armée des ombres.
Ces résistants anonymes récupèrent et utilisent des armes qui leur sont parachutées, publient des journaux, distribuent des tracts, établissent des faux papiers, récupèrent et transmettent des informations, cachent des juifs, protègent des agents traqués, structurent des maquis.
Le 5 juin 1944, après quatre années de servitude, 200 messages filent vers les groupes de résistants. Le jour J est là ! Et voici que nos alliés débarquent en Normandie.
En quelques heures, ces «gosses» qui venaient de Londres, de Bristol, du Michigan, d’Oklahoma City et d’ailleurs, devinrent des hommes dont l’Histoire parle encore.
«La bataille suprême est engagée… C’est la bataille de France et c’est la bataille de la France !». Ce sera l’un des derniers messages du Général de Gaulle prononcé à Londres.
En ce 18 juin 2014, nous honorons la France combattante sans laquelle notre souveraineté et notre liberté seraient mortes.
Relisons cet Appel qui entraîna des jeunes de vingt ans à braver la mort car leur lutte serait vaine si elle ne continuait pas de nous émouvoir et de nous inspirer.
Bien sûr, l’époque actuelle n’est plus aussi tragique.
Mais les temps que nous vivons font ressurgir ce besoin de dépassement pour relancer la France.
Deux fois, en 1940 et en 1958, le Général de Gaulle a été l’acteur d’un redressement spectaculaire de notre pays.
Deux fois, la méthode fut la même : prendre les décisions qui s’imposent, rassembler les Français et les entraîner à relever les défis du monde.
Contre l’immobilisme et le populisme, sachons faire le pari gaullien de l’unité et de la remise en mouvement.
N’oublions jamais le souffle de la résistance car il nous parle d’une France qui ne capitule pas.
Ce souffle a été et il reste le fil de l’Espoir.