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Ni Matignon ni l’Elysée n’avaient été prévenus et certains, en haut lieu, confient qu’il « a perdu une bonne occasion de se taire ». Hier matin, François Rebsamen, ministre du Travail, a provoqué un tollé en affirmant sur iTélé sa volonté de « renforcer les contrôles des chômeurs pour vérifier qu’ils cherchent bien un emploi » et les « sanctionner » si ce n’est pas le cas. Le ministre, encouragé en ce sens par le patronat, y voit notamment un moyen de mieux pourvoir les quelque 350.000 emplois vacants, selon lui, en dépit d’un chômage record.
Après les polémiques sur les oeillades de Manuel Valls au Medef, les 35 heures puis le travail du dimanche, cette nouvelle sortie à caractère libéral a été fustigée par les syndicats et la gauche, la virulence des réactions s’expliquant aussi par l’effet accumulation. Stéphane Lardy (FO) s’est dit « abasourdi » par une annonce « pathétique » et Eric Aubin (CGT) a déploré que « la seule solution qu’il trouve pour faire baisser la courbe du chômage soit de sanctionner » les chômeurs. Signal fort, même le très réformiste leader de la CFDT, Laurent Berger, est sorti de son habituelle mesure en se disant « atterré » par des propos « scandaleux » et « stigmatisant » les chômeurs.
Des soutiens aux allures de baiser de la mort
Tandis que les Verts et l’extrême gauche tiraient à boulets rouges sur le ministre, les dents ont aussi grincé au PS. Son premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, déjà monté au créneau ce week-end pour critiquer le futur recours aux ordonnances sur le travail dominical, a affirmé que ces annonces « ne sont pas pertinentes » . « Il faut se concentrer sur les réponses pour développer l’emploi », a abondé Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat. Au final, les seuls soutiens reçus par le ministre ont des allures de baiser de la mort : ils sont venus de l’ex-ministre UMP Eric Woerth et du numéro deux du FN, Florian Philippot.
L’embarras était palpable, hier, au sommet de l’Etat. Interrogé en marge de son déplacement dans un collège pour la rentrée des classes, François Hollande a soigneusement éludé le sujet. En 2012, il avait dénoncé la volonté affichée par Nicolas Sarkozy de renforcer le contrôle des chômeurs. L’Elysée n’a aussi guère apprécié que les déclarations du ministre du Travail aient occulté l’annonce par le chef de l’Etat d’un grand plan numérique pour l’école (lire page 5). Matignon n’a pas réagi sur le fond du dossier, mais Manuel Valls n’avait aucune intention de le voir resurgir de suite.
Resurgir, car la question est bien sur la table : depuis un an, Pôle emploi expérimente des équipes dédiées au contrôle des chômeurs (lire ci-dessous). Avec une volonté, jamais affirmée publiquement mais claire, de généraliser rapidement le dispositif, une décision qui doit être arbitrée en interne cet automne. Récemment, François Rebsamen a pris connaissance du bilan encourageant de l’expérimentation, que Pôle emploi devrait rendre prochainement public.
L’ironie de l’affaire est que, en donnant par ses déclarations son aval à la généralisation de ce dispositif, François Rebsamen prend le risque de tout faire capoter. « Avec les réactions qu’il a provoquées, cela ne va pas être facile… », confient plusieurs sources à Pôle emploi. Ce que semble confirmer une déclaration du ministère en fin d’après-midi : tentant d’éteindre l’incendie, l’entourage de François Rebsamen a souligné que ses propos ne visaient « en aucun cas à stigmatiser les chômeurs » mais à « rappeler la loi » alors que des contrôles et des sanctions existent déjà. Surtout, il a précisé qu’ « aucun nouveau dispositif n’est prévu ». Lors du remaniement, la semaine dernière, Matignon et l’Elysée promettaient un gouvernement de « clarté et de cohérence »… Fin mai, François Rebsamen avait déjà failli faire capoter un dossier sensible en proposant à l’impromptu de geler les seuils sociaux.