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Lille, le 9 octobre 2014. Ce dimanche, le Premier ministre Manuel Valls a répondu aux attaques de la maire de Lille, Martine Aubry, sur sa politique.

 

 Après avoir fait entendre à plusieurs reprises sa «petite musique» depuis la rentrée,MartineAubry a donné de la voix ce dimanche. La maire de Lille se positionne comme recours pour le Parti socialiste, en lançant de vives critiques contre la politique économique menée par François Hollande et ManuelValls dans un entretien auJournal duDimanche.

NOTRE QUESTION DU JOUR : Aubry a-t-elle raison de demander une autre politique à Hollande et Valls ?

Face à l’offensive de l’ancienne patronne du parti, le Premier ministre assure qu’il a «les nerfs solides» et appelle à l’«apaisement». Mais une fois de plus, les propos de Martine Aubry semblent cristalliser les divisions au sein du parti. Emmanuel Macron a fini par répondre dans la soirée en expliquant «respecter» l’ancienne ministre mais être «en désaccord avec son analyse». Même François Hollande y est allé de son commentaire…

A droite, on compte les points et on ironise sur «les recettes du passé». Entre Aubry et le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, le président UMP du Sénat, Gérard Larcher, a choisi.

Valls : «Comptez sur moi pour avoir les nerfs solides.» Même pas mal. Le Premier ministre a répondu indirectement aux attaques de Martine Aubry, sans la citer. Selon lui, «le débat fait partie de notre ADN, nous sommes capables de le pousser dans des extrémités incroyables : quelle est notre identité ? Quel doit être notre rapport au pouvoir, aux institutions ? Comment faire vivre notre différence ? Comment construire et faire fonctionner nos alliances ?», a commenté Manuel Valls, à Paris, lors d’un discours devant le Forum républicain du Parti radical de gauche (PRG). Et d’insister : «Certains n’y voient que divisions, clivages, manoeuvres. Mais je crois que c’est une force quand ces questionnements nous permettent de tirer des enseignements qui nous renforcent. (…) A gauche, nous avons toujours considéré la diversité comme une richesse. Nous la faisons vivre chaque jour, même chaque dimanche. Parfois un peu trop, mais il faut avoir les nerfs solides. Comptez sur moi pour avoir les nerfs solides», a-t-il asséné. Toutefois, a-t-il prévenu, «nous avons besoin d’apaisement (…) de rassemblement». Et d’ajouter plus tard : «La gauche est forte quand elle parle à tous les Français.»

Macron «respecte» Aubry mais est « en désaccord avec son analyse». Dans la soirée, l’un des principaux visés par les propos de la maire de Lille prend le temps de recadrer : «Le constat de Martine Aubry, je le respecte. C’est sans doute une bonne chose qu’elle prenne la parole. C’est un débat qui doit avoir lieu», concède d’abord le ministre de l’Economie dans le Grand Jury RTL – Le_Figaro – LCI. Toutefois, précise-t-il, «j’ai beau respecter la personne, qui a été une grande ministre, je suis en désaccord avec son analyse», tranche-t-il fermement. Et d’argumenter : «la crise que la France traverse n’est pas comme les autres, il y a un manque de compétitivité, perte du muscle économique français (…) Ce n’est pas avec des solutions classiques qu’on fera les réparations. (…) Il faut restaurer la marge des entreprises pour se battre dans la compétition internationale et embaucher. Et retrouver de l’emploi.» Emmanuel Macron insiste ensuite : «Soyons sérieux… Compte tenu la situation, des débats peuvent se tenir au sein du Parti socialiste mais on a besoin de stabilité. Il y a un manque de confiance des ménages et des entreprises. Pour le restaurer, il faut la stabilité!» Par ailleurs, le ministre a regretté qu’il n’y ait, dans les propositions de Martine Aubry, «rien de nouveau» par rapport à «ce qu’il y avait dans la primaire de 2011».

François Hollande assure que les «réformes se poursuivront à un rythme accéléré». Devant un parterre de patrons de grandes entreprises étrangères réunis à l’Elysée, François Hollande a indirectement répondu aux critiques de Martine Aubry. «Les réformes, elles sont continues, elles ont été engagées dès les premiers mois de mon quinquennat et elles se poursuivront à un rythme encore accéléré jusqu’à la fin, parce que la France a besoin de réformes», a assuré le président de la République.

Il s’agit «non pas de réformer pour réformer mais de réformer pour créer davantage de richesse, davantage d’activités, davantage d’emplois et aussi pour attirer davantage d’investisseurs et davantage d’entreprises», a-t-il ajouté lors de cette rencontre à l’Elysée sur le thème de «l’attractivité de la France», en présence notamment du chef du gouvernement Manuel Valls et du ministre de l’Economie Emmanuel Macron. Enumérant les réformes engagées depuis six mois par le gouvernement Valls, François Hollande a présenté comme «une nouvelle étape» le projet de loi de relance de l’activité lancé par le gouvernement qui prévoit notamment un assouplissement du travail du dimanche, l’ouverture des professions réglementées et des mesures en faveur de l’actionnariat salarié.

Ségolène Royal a «toujours été pour la liberté de parole» mais pourquoi «s’appesantir sur les erreurs du passé ?» «Je n’ai pas eu trop le temps de regarder l’interview », tente d’abord d’éluder la ministre de l’Ecologie sur BFM. Mais «la tradition est que l’on s’exprime dans la préparation des congrès, je n’ai pas de raison de polémiquer (…) J’ai toujours été pour la liberté de parole», concède-t-elle à Martine Aubry. «Cela dit, lorsqu’on est dans une famille politique, ce qui peut être utile est de venir proposer ses idées. Il est toujours temps de le faire (…) Tout le problème vient du fait que, pour l’instant, il n’y a pas de résultats. Quand les Français voient ça, ils s’interrogent sur le bien-fondé des décisions prises. Rien ne serait pire que de renoncer aux réformes et aux idées neuves (…) Il y a des mesures immédiates à prendre pour faire des économies et les mettre dans une stratégie de redressement du pays (…) Bien sûr qu’il y a eu du temps perdu, je l’ai moi même dit plusieurs fois. Mais à quoi cela sert-il de s’appesantir sur les erreurs du passé ?» interroge finalement Ségolène Royal.

Aubry voterait-elle le budget si elle était députée? Sur iTélé, la députée PS des Hautes-Alpes, Karine Berger, se livre à une analyse semblable à celle de Martine Aubry, estimant qu’il s’agit là de l’élaboration d’une «ligne politique au sein des états généraux du Parti socialiste» et qu’il y a dans l’interview de la maire de Lille «une part de débat politique à l’intérieur du Parti socialiste». Elle relativise néanmoins la portée des déclarations de la maire de Lille contre François Hollande et Manuel Valls. «Je doute que Martine Aubry voterait contre le budget si elle était à l’Assemblée», assure Karine Berger.

Un débat inutile ?

Les Radicaux à la rescousse de Valls ? La semaine dernière, ils hésitaient à quitter le gouvernement. Mais ce dimanche,  le président du PRG, Jean-Michel Baylet, a de nouveau assuré que les Radicaux, malgré les critiques émises, ne remettaient pas en cause «la ligne politique» suivie depuis 2012 car «il n’y a pas d’autre solution». «Le travail qui est fait est bien fait, nous soutenons la politique de Manuel Valls et nous ne sommes pas d’accord avec Martine Aubry», a-t-il insisté.

Le Roux (PS) : de «vieux débats» qui ont déjà été «tranchés». Bruno Le Roux est agacé par l’initiative de Martine Aubry: «Le débat politique ne peut toujours consister à vouloir revenir en arrière», estime sur radio J le président du groupe PS à l’Assemblée. Selon Bruno Le Roux, Martine Aubry «participe avec un texte à une réflexion collective, très bien. J’ai vu beaucoup d’éléments dans ce texte qui sont connus, qui ont été débattus ces deux dernières années, qui ont été tranchés (…) et rejetés. (…) Les états généraux, c’est pas simplement la machine à revenir sur tout ce qui est tranché».

Le Foll temporise : un débat oui, mais besoin d’unité. Depuis le gouvernement, le porte-parole Stéphane Le Foll souhaite préciser les choses sur la politique économique critiquée par Martine Aubry : «Derrière le fait qu’on soutient une économie et des entreprises, c’est aussi la manière qu’on a de protéger et de pérenniser le modèle social.» Par ailleurs, «les débats sont nécessaires et Martine Aubry apporte dans son interview un certain nombre d’éléments» mais ce débat «est d’autant plus utile si, après, on est capable de porter une message d’unité», insiste le ministre.

«Merci Martine !»

Des propos «bienvenus» au contraire, selon les frondeurs. «Nous sommes de plus en plus nombreux à demander une réorientation de la politique du gouvernement. (…) Les propos de Martine Aubry sont bienvenus», assure le député européen Emmanuel Maurel, un des animateurs du courant «Maintenant la gauche», sur Twitter. Et le député d’Indre-et-Loire, Laurent Baumel, d’insister sur le réseau social : «Merci à Martine Aubry de sortir de son silence pour dire quelques vérités essentielles.» Le député des Français de l’étranger, Pouria Amirshahi, explique lui qu’il est «heureux que Martine Aubry le dise à son tour avec force: cette politique ne marche pas, il faut la changer pour le progrès et la solidarité».

Lepaon (CGT) se réjouit : «On n’est plus tout seuls!». «Cela fait du bien dans le paysage politique à gauche aujourd’hui, d’avoir des gens qui ont une vision de la société qui dépasse les questions budgétaires», se félicite le numéro un de la CGT sur France 5. Et d’insister : «Cela fait du bien de voir que, sur le temps de travail par exemple, ou le travail du dimanche, nous ne sommes pas les seuls, les syndicats de salariés, qu’il y a des gens à gauche qui ont tiré les enseignements et expériences de ce qui s’est fait précédemment: tout le monde sait aujourd’hui que l’ouverture des commerces le dimanche n’a pas créé d’emplois».

Boutih (PS) : Hollande «a fait un péché de gourmandise en se passant de Martine Aubry». Le député PS de l’Essonne distribue, lui, plutôt ses mauvais points à… François Hollande. A ses yeux, l’interview de Martine Aubry est intéressante car elle «reflète les difficultés qu’a la gauche en ce moment au pouvoir». Il n’en dira pas plus. En revanche, Malek Boutih estime sur sur RCJ que «le président de la République a fait une erreur en écartant (Aubry) du dispositif au début du mandat (…) En la marginalisant, on s’est coupé d’une partie des gens qui lui faisaient confiance». «Elle aurait été utile au plus haut niveau et quelque part Fançois Hollande a fait un péché de gourmandise en se passant de Martine Aubry au début de son mandat», ajoute-t-il.

A droite, on compte les points…

A droite, on regarde quasi-silencieusement en se délectant de la mise à jour de nouvelles divisions. Parmi les quelques rares qui, dans la matinée, commentent publiquement l’interview de Martine Aubry, François Bayrou est persuadé que ces bisbilles au PS ne pourront que «déboucher sur une rupture qui ne sera pas rattrapable». Pour le nouveau président du Sénat Gérard Larcher, la maire de Lille vit dans le passé et ses «recettes» sentent «un peu de naphtaline».

Bayrou (MoDem) : une «guerre entre deux fractions irréconciliables». Sur France 3, le responsable centriste estime que ce débat entre socialistes va inévitablement «déboucher sur une rupture qui ne sera pas rattrapable» au sein du PS. François Bayrou se dit d’accord avec le «diagnostic» de Martine Aubry sur l’absence de cap de François Hollande depuis deux ans, mais il conteste les solutions proposées par la maire du Lille. «L’idée qu’on pourrait se relancer par des dépenses publiques multipliées est un leurre», affirme le président du MoDem, qui pense «qu’on peut faire beaucoup mieux» en dépensant moins.

Bertrand (UMP) : «Aubry est devenue la première opposante à Hollande». Dans l’émission «Tous Politiques» de France Inter – «Le Parisien» – «Aujourd’hui en France», Xavier Bertrand ne boude pas son plaisir face aux divisions affichées ce dimanche à gauche. Et le candidat à la primaire UMP de lancer : «Martine Aubry est devenue la première opposante à François Hollande».

Morano (UMP) jubile! «François Hollande est remis à sa place par Martine Aubry qui semble avoir envie de rejouer la primaire PS», se réjouit sur iTélé l’ancienne ministre.

Larcher (UMP) : «Dans les propos de Martine Aubry, je sens un peu de naphtaline.» Le président UMP du Sénat tacle sévèrement les propositions de la maire de Lille. Gérard Larcher y voit «une conception d’il y a 15 ans». Et d’ajouter : «Elle a des rengaines du passé. Mme Aubry indique les recettes du passé, celles qui n’ont pas marché. (…) Le mot « statue » est tout à fait adapté à Martine Aubry. Elle est pétrifiée !» En revanche, s’il se situe «clairement dans l’opposition nationale», le Sénat sera prêt à travailler avec le gouvernement sur certains sujets économiques et sociaux, assure-t-il. «S’il y a des choses qui vont dans le bon sens, j’inciterai mes collègues à la convergence», ajoute-t-il, faisant référence au futur projet de loi sur l’activité du ministre de l’Economie, Emmanuel Macron.