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Notre République continue d’afficher le principe intangible qui l’a portée sur les fonts baptismaux : liberté, égalité, fraternité. Or, la liberté est de plus en plus encadrée ; la fraternité (du moins du côté des « élites ») a disparu avec les leçons de morale inscrites au tableau noir ; quant à l’égalité, c’est sans doute la plus grande fumisterie du temps.
Prenons l’égalité scolaire. Pas celle qui prétend qu’on a tous le même cerveau, non, mais celle qui prétend que nous disposons tous des mêmes moyens. Celle-là – un pipeau intégral – obéit aux mêmes critères que la justice : « Selon que vous serez puissants ou misérables… »
C’est si vrai qu’un collectif de parents de Saint-Denis, capitale de l’affreux 9-3 qui fait trembler la populace à l’heure du JT, vient de créer un « Ministère des Bonnets d’âne » pour protester contre le sort inique fait à leurs enfants. Ils ont réquisitionné un terrain, ont entrepris d’y monter baraquement et chapiteau pour organiser rencontres, débats et ateliers. Peut-être même pour y faire la classe puisqu’on ne trouve pas de maîtres pour leurs enfants.
Les Dyonisiens (c’est leur nom) ont pourtant voté Front de gauche aux dernières élections, mais ce n’est pas un électorat à soigner. Il sent le pâté. Ou le couscous. Madame Belkacem préfère les socialistes de Saint-Germain-des-Prés qui mettent leurs enfants à l’École alsacienne. Les petits Dyonisiens, eux, ramassent les miettes. Comme l’écrit l’iconoclaste Jean-Paul Brighelli sur lepoint.fr : « Le caractère « national » de l’Éducation s’arrête, semble-t-il, au seuil des alliances électorales. »
Le ministère des Bonnets d’âne publie un dossier qui mérite d’être lu [PDF], mais Mme Belkacem est sûrement comme sa collègue Fleur Pellerin : elle n’a pas le temps de lire. C’est plein d’humour mais on rit jaune. On apprend qu’à la rentrée dernière, 20 classes n’avaient pas d’enseignant affecté, et parfois pas de local non plus. Devant la fronde des parents, le ministère a envoyé « un adulte devant chaque classe », parfois recruté à Pôle emploi. Un enseignant ? Ben non, pour quoi faire ? Un adulte, on vous dit. De pauvres gosses n’ont parfois que 2 jours de classe par semaine parce que la maîtresse n’exerce qu’à mi-temps, d’autres 5 ou 6 maîtres dans l’année. Les malades ne sont évidemment pas remplacés. Quant à la réforme du temps scolaire, c’est une joyeuse rigolade.
Notez bien, les habitants de Seine-Saint-Denis ne sont pas les seuls concernés. Je connais un petit Réunionnais cher à mon cœur qui, depuis que son temps scolaire est réformé, sort chaque jour de l’école à… 14 h 45. Vous avez bien lu. Et personne pour le prendre en charge. Sur les 16 écoles que compte sa commune, 5 seulement ont réussi à mettre en place une garderie. Sans tripotage de pâte à sel. Pas de budget.
Pendant ce temps, le ministère dépense des sommes astronomiques en projets fumeux mais auréolés du label « TICE » (technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement). Hélas, comme l’écrivait Emmanuel Davidenkoff (patron de L’Étudiant) dans L’Express du 24 octobre : « Le plan pour le numérique à l’école annoncé par François Hollande est erroné. Il y a fort à parier que les tablettes dont on aura submergé les collèges resteront au fond des cartables. » Pourquoi ? Parce que, comme tout ce que fait ce gouvernement, ça n’est que de la com’. Rien de plus.
Les petits enfants, eux, voudraient seulement qu’on leur apprenne à lire et à écrire. À l’évidence, c’est trop demander.
Source: http://www.bvoltaire.fr