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Par Caroline Beyer

Leçon de français en primaire dans une classe connectée.

François Hollande a annoncé qu’en 2016 tous les élèves de 5e en seraient équipés.

Du numérique «partout» à l’Éducation nationale «à l’horizon 2017». Telle est la promesse de François Hollande, le 6 novembre, lors de son émission télévisée sur TF1. À mi-mandat, le président de la République brandit la baguette magique du numérique, précisant quelque peu les contours du plan qu’il avait déjà annoncé en septembre dernier. Mieux, dès la rentrée 2016, «tous les élèves de classe de cinquième seront équipés d’une tablette». Avec quelque 800.000 collégiens concernés, ce projet devrait faire la joie des entreprises du secteur. Avec quel financement? «On dégagera l’argent nécessaire», a affirmé le chef de l’État, évoquant le budget éducation nationale ainsi que les investissements d’avenir. Une annonce qui provoque le scepticisme de la communauté éducative. Elle perçoit cet énième plan d’équipement comme un leurre permettant de ne pas aborder les vraies problématiques éducatives. Tandis que, dans le même temps, seuls 49 % des enseignants se disent convaincus de l’intérêt des nouveaux outils numériques*.

«Mais qu’est-ce qu’on va faire de toutes ces tablettes?», ironise Jean-Rémi Girard au Snalc, décrivant des professeurs qui «courent désespérément après un vidéoprojecteur» et un parc informatique «insuffisamment entretenu». «Comme les tableaux numériques interactifs – du reste peu présents dans les classes -, les tablettes peuvent avoir des applications intéressantes, mais elles ne peuvent être un levier d’action sur l’école», poursuit-il, avant d’évoquer la formation des enseignants ou les programmes scolaires. «Notre société est numérique. La pédagogie est réinterrogée, mais les projets dans le domaine ne doivent pas se résumer à un “plan tablettes”», s’inquiète Stéphanie de Vanssay, spécialiste de ces questions à l’Unsa.

Gadget ou objet pédagogique?

Pour les enseignants, ces annonces paraissent bien déconnectées. Et ce, depuis de longues années. En 1985, Laurent Fabius lançait le plan informatique pour tous, décrit aujourd’hui comme un échec avec des ordinateurs inadaptés, voire restés dans les cartons, et une insuffisante formation des enseignants. Une quinzaine de plans plus tard, la révolution pédagogique promise n’a pas encore eu lieu. Comme en témoignait, en octobre, sur son blog, Ghislain Dominé, un professeur d’histoire-géographie détaché comme chef de projet numérique au rectorat de Lille, auteur notamment d’un Guide de l’iPad pour les enseignants.

Dans un billet intitulé «De l’incertitude 2.0», il décrivait, à propos de la stratégie numérique, «l’inertie de notre système éducatif, l’échec d’un évangélisme digital» et illustrait son propos avec un ordinateur des années 1980… avant de devoir fermer son blog, après une menace de blâme venue de l’académie… «L’illusion (est) de croire que l’objet puisse être performatif par lui-même. “Distribuons des tablettes et vous verrez, plus rien ne sera comme avant!” Mais c’est justement l’inverse qui se produit!», écrivait l’enseignant.

Les tablettes tactiles, gadget ou objet pédagogique? Seuls 2 % des enseignants mentionnent leur utilisation, selon une enquête publiée en septembre par Savoir livre, une association de six éditeurs scolaires. Pour certains, ces outils, dépourvus de claviers physiques, présentent de nombreuses contraintes techniques, plaçant davantage l’utilisateur en situation de consommation que de production. «Les tablettes numériques, ces instruments bridés, ne changeront rien», tranche clairement Bernard Stiegler, philosophe et membre du Conseil national du numérique. La question est ailleurs. Il faut mener un véritable travail de recherche autour de l’impact du numérique sur les disciplines», poursuit-il, prenant pour exemple «des mathématiques ou des langues vivantes transformées par ces ordinateurs devenus de grands démonstrateurs et traducteurs».

En guise de réflexion, François Hollande a annoncé pour janvier une grande concertation – un classique dans le monde éducatif – autour du numérique, qui réunira enseignants, parents d’élèves, éditeurs de livres et industriels.

* Enquête Profetic 2014, Éducation nationale

Source:lefigaro.fr