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Le 9 novembre 1989 a été un jour extraordinaire pour l’Allemagne. Il aurait pu l’être pour l’Europe si celle-ci avait poursuivi dans la voie du réalisme gaulliste.
C’était un 9 novembre… En 1970, le Général ne « manquait » pas de mourir comme il l’avait dit avec humour en répondant à une question sur sa santé lors d’une conférence de presse. En 1989, « le mur de la honte » s’ouvrait et allait bientôt s’effondrer sous les coups d’Allemands enfin libres et réunifiés. Ces deux événements se télescopent aujourd’hui dans nos mémoires.
Une lecture optimiste de notre histoire récente pourrait nous faire voir la chute du mur de Berlin comme une victoire posthume du Général. L’Homme du 18 juin qui avait refusé l’asservissement à une Europe totalitaire et restauré la liberté en France, celui qui avait contenu les communistes à la Libération, celui qui avait joué un rôle décisif dans la réconciliation franco-allemande et fait de celle-ci le moteur de l’Europe aurait ainsi atteint ses objectifs… Une lecture plus lucide et donc plus pessimiste de l’histoire conduirait au contraire à dire que le 9 novembre 1989, le Général est mort pour la deuxième fois. En effet, si le sentiment nous appelle à partager la joie des Allemands qui ont retrouvé leur unité nationale et à nous féliciter de l’effondrement du totalitarisme communiste, la raison nous appelle à plus de réalisme.
La France n’a joué un rôle prédominant en Europe que tant que l’Allemagne a été divisée. C’est le sens de la phrase prêtée à François Mauriac : « J’aime tellement l’Allemagne que je préfère qu’il y en ait deux ». Elle est aujourd’hui unie et puissante. Dans un monde où les préoccupations économiques l’emportent sur les autres, son poids dans ce domaine en fait la tête de file européenne. (…) La politique suicidaire de notre pays depuis 1981 a accentué notre faiblesse, et limite évidemment nos marges de manœuvre face à cette domination.
Les eurolâtres cosmopolites se réjouissent de cette situation où les deux nations se trouvent obligées de renoncer à tout nationalisme, l’une sous le poids de sa culpabilité historique, l’autre en raison de son affaiblissement économique. Ils y voient la possibilité de compenser ce double recul par une avancée de l’ambition européenne, par la naissance d’une sorte de patriotisme, très pacifique, lié à une Europe souveraine. C’est cette illusion qui se dissipe aujourd’hui en donnant raison au Général de Gaulle. La disparition du « rideau de fer » a accéléré l’élargissement de l’Union Européenne vers l’Est et suscité une euphorie qui a facilité son approfondissement sans qu’on se rende compte que les deux mouvements étaient contradictoires. L’Europe ouverte à tous les vents de la circulation des capitaux, des produits et des personnes, une zone euro déséquilibrée et anesthésiée par sa monnaie se sont éloignées de la démocratie pour se soumettre à une oligarchie technocratique.
La démocratie exige, comme son étymologie le suggère, qu’il y ait un « demos », un peuple, conscient de son identité et qui, directement ou par le biais de représentants qu’il connaît, exprime sa volonté générale, pour défendre son Bien Commun, ses intérêts supérieurs. Il n’y a pas de démocratie sans patriotisme. (…) Le 9 novembre 1989 a été un jour extraordinaire pour l’Allemagne. Il aurait pu l’être pour l’Europe si celle-ci avait poursuivi dans la voie du réalisme gaulliste. Malheureusement, tel n’a pas été le cas.
Christian Vanneste