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Guillaume de Calignon 
  • La vraie reprise attendra trimestres

    La vraie reprise attendra encore plusieurs trimestres

Le PIB a progressé de 0,3 % au troisième trimestre, selon l’Insee.
Si la baisse de l’euro et des prix du pétrole entretiennent l’espoir, les freins à un redémarrage durable restent nombreux.

La France est-elle en passe de sortir de l’ornière ? Son PIB a enregistré au troisième trimestre une hausse de 0,3 %, après un recul de 0,1 % au deuxième. Un résultat plus important qu’attendu par la plupart des experts et supérieur à la performance de l’Allemagne (lire page 6). Mais « avec un climat des affaires qui reste très morose, il ne faut pas en déduire tout de suite que la reprise est là », prévient Vladimir Passeron, chef du département de la conjoncture de l’Insee. « Ce n’est pas parce que le chiffre de la croissance a surpris en bien, le trimestre dernier, que cela se renouvellera au cours des prochains mois », insiste-t-il.

Cette prudence s’est d’ailleurs ressentie dans les commentaires du gouvernement, qui n’a pas fait dans le triomphalisme après l’annonce de ces chiffres par l’Insee vendredi. L’activité « reste trop faible pour assurer les créations d’emplois nécessaires », a reconnu Michel Sapin, le ministre des Finances. Manuel Valls a jugé que c’était «  un encouragement à poursuivre, à approfondir la politique économique et budgétaire qui est la nôtre ».

Il faut dire aussi qu’il aurait été difficile de s’autocongratuler alors que la France demande un nouveau délai à Bruxelles pour réduire son déficit public… D’autant que l’activité a notamment été soutenue par la consommation des administrations publiques, plus dynamique que prévu. « Cela ne va pas durer puisque le France doit réaliser un ajustement budgétaire important au cours des prochaines années », estime François Cabau, économiste chez Barclays pour qui « les chiffres de l’Insee ne prouvent pas que le modèle de croissance de l’Hexagone soit pérenne. La croissance au troisième trimestre est une bouffée d’oxygène pour le gouvernement, mais il ne faut pas y voir une rupture de tendance. L’investissement reste déprimé, la consommation atone et la contribution du commerce extérieur est négative. » Les économistes tablent toujours sur une croissance de seulement 0,1 à 0,2 % au quatrième trimestre.

Cependant, plusieurs facteurs entretiennent l’espoir d’un rebond de l’activité en France dans les prochains trimestres. D’abord, l’euro s’est déprécié de 10 % par rapport au dollar depuis le début de l’été. Si Bercy estime qu’une baisse de la monnaie unique de 10 % par rapport aux autres devises entraîne une hausse du PIB de 0,6 %, les économistes sont plus prudents, d’autant que l’euro n’a pas reculé face au yen par exemple. Ainsi, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime qu’une dépréciation de 10 % de l’euro a un impact positif de 0,2 % sur le PIB la première année et de 0,5 % l’année suivante. Ensuite, le prix du baril de pétrole a lui aussi baissé, d’environ 20 dollars depuis juin. C’est un autre facteur positif pour la balance commerciale et la compétitivité des entreprises utilisant cette matière première. Puis, la politique monétaire de la BCE est désormais accommodante. Et commence à porter ses fruits. « En France, les conditions d’accès au financement se sont améliorées pour les entreprises au cours de 2014 », confirme Denis Ferrand, directeur général de Coe-Rexecode.

Politique fiscale pas claire

Autre facteur intéressant, la politique budgétaire des pays européens devient moins restrictive. Selon la Commission européenne, l’ajustement structurel serait même nul l’an prochain (le déficit structurel de la zone euro, c’est-à-dire ajusté du cycle économique, stagnerait à 1,1 % de PIB). Et le plan d’investissement de Jean-Claude Juncker, de 300 milliards d’euros, pourrait avoir des traductions concrètes dès l’an prochain.

Bref, «  il y a des raisons de ne pas tomber dans la sinistrose, estime Bruno Cavalier, économiste chez Oddo. Mais il existe une spécificité française en matière budgétaire qui a tout lieu d’entretenir la morosité. La politique fiscale du gouvernement n’est toujours pas claire. Il est difficile de tabler sur un rebond de l’investissement des entreprises et de la consommation des ménages avant fin 2015 », avance-t-il, tablant sur une croissance de 0,8 % l’an prochain, contre 1 % pour le gouvernement. Les freins restent nombreux : le taux de chômage élevé pèse sur la consommation, la compétitivité dégradée des entreprises ne les incite pas à investir. La reprise risque fort d’attendre encore un peu.

http://www.lesechos.fr