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L’affaire est passée un peu inaperçue, noyée dans les suites du LuxLeaks et les révélations sur les privilèges fiscaux exorbitants octroyés par le grand-duché de Luxembourg aux multinationales. L’éviction d’Anne Glover, 57 ans, biologiste moléculaire et conseillère scientifique en chef du président de la Commission européenne, est pourtant un événement de taille.

En août, une vingtaine d’organisations non gouvernementales (ONG) – Greenpeace, l’Alliance pour la prévention du cancer britannique ou, en France, le Réseau environnement santé, etc. – avait demandé la suppression du poste de conseiller scientifique en chef. Dans une lettre adressée à Jean-Claude Juncker, les ONG estimaient que ce poste posait « un problème fondamental car il est trop dépendant d’une seule et même personne ». Or, ajoutaient-elles, « les lobbyistes de l’industrie ont compris depuis longtemps que plus l’avis scientifique est concentré dans les mains d’une seule personne et plus il est facile de le contrôler ».

Dans leur lettre, les ONG indiquent qu’il devrait supprimer cette fonction, car l’objectivité et les avis nécessitent des sources diversifiées et une réponse cohérente par rapport aux preuves scientifiques, comme celles présentées par le Centre commun de recherche (CCR), qui est aussi un organe de la Commission.

Mais les contributions du CCR au débat politique sont souvent assorties d’études d’impact qui sont externalisées vers des cabinets de conseils. Selon Anne Glover, ces organisations ont leur propre « impératif politique » et peuvent ainsi déformer les faits.

Elle propose la mise sur pied d’un portail pour rassembler les preuves, en toute indépendance vis-à-vis des dirigeants politiques. Ces derniers pourraient toujours décider de faire primer les considérations sociales ou économiques sur les résultats scientifiques.

Anne Glover a obtenu le soutien de certains scientifiques et de lobbys industriels pour ses avis. BusinessEurope, le représentant des patrons européens, a salué il y a peu Anne Glover dans une lettre à José Manuel Barroso. Il lui a demandé d’« institutionnaliser davantage » le poste de conseiller scientifique en chef. Les ONG semblent d’avis contraire.

Intérêts particuliers

Les intérêts particuliers sont en partie responsables des problèmes.  « En raison des intérêts particuliers, plus vous laissez une seule personne prendre des avis scientifiques, plus il est facile de les contrôler », ont-elles écrit. « Les responsables politiques privilégient une voix qui semble autoritaire pour obtenir le soutien en faveur de politiques spécifiques. »

Trois États membres de l’UE avaient mis en place le poste de conseiller scientifique en chef à temps plein au sein du gouvernement : l’Irlande, le Royaume-Uni et la République tchèque. Parmi eux, seul le Royaume-Uni a conservé le poste. Or il fait l’objet de critiques car des avis délivrés seraient biaisés et proches des intérêts commerciaux et politiques.

« Le conseiller scientifique en chef de la Commission européenne n’a pas l’obligation de publier le conseil envoyé au président, ce qui permet de renforcer l’influence des lobbyistes d’entreprise », indiquent les ONG.

La professeure Glover est actuellement en vacances et n’est pas en mesure de répondre à la nouvelle attaque des ONG. Son entourage précise qu’elle préfére de toute façon rester au-dessus de la mêlée.

« La question relève du domaine public, c’est aux dirigeants politiques ainsi qu’aux scientifiques de prendre position », assure à EurActiv un membre du cabinet. « Il est préférable que les autres parlent, pas nous. »

Source: lemonde.fr-http://www.euractiv.fr