Étiquettes
AMF, Budget, dotations, François Baroin, Maires, Rytmes scolaires
INTERVIEW – Le maire de Troyes et sénateur de l’Aube a été élu ce mercredi après-midi président de l’Association des maires de France. Il tire la sonnette d’alarme et réclame « une conférence d’urgence sur l’investissement des communes».
Pourquoi avez-vous choisi de prendre la présidence de l’AMF ?
Je suis maire de Troyes depuis 1995 et président de l’Association des maires de l’Aube depuis la même année, je n’avais pas encore 30 ans. J’ai une passion pour cette responsabilité de maire, le développement des territoires, la reconquête de l’activité économique, le vivre ensemble, la cohésion sociale, la proximité qui sont, de loin, pour moi, dans les politiques publique que j’ai pu exercer les plus importantes.
Quelles seront vos premières mesures ?Le début de mandat est compliqué pour les maires qui se retrouvent à préparer un budget dans un univers extrêmement préoccupant. L’enjeu majeur des mois qui viennent est la relation avec l’Etat et les 28 milliards de baisse des dotations programmés en cumulé jusqu’en 2017. De l’argent que l’Etat doit en réalité aux collectivités qui sert à financer des compétences déléguées par l’Etat, ou des normes imposées. 28 milliards, c’est en 2017 30 % de dotation en moins pour le budget d’équipement et le fonctionnement des communes. L’impact sera très fort sur l’économie
Pourquoi les collectivités devraient être épargnées par la réduction des déficits ?
Personne de sérieux ne conteste la nécessité de faire des efforts et de réduire le déficit public, mais c’est une question de proportion. Moi même, ministre du Budget, j’avais été le premier à proposer un gel des dotations qui, avec une inflation plus élevée, représentait 1,5 milliard. Nous parlons aujourd’hui de 20 fois plus ! Or la part des collectivités dans la dette publique est de 9,7 %. On nous demande de faire 25 % de l’effort global, c’est disproportionné. Nos études estiment que l’effet de la baisse des investissements par les collectivités provoquerait une baisse de 0,6 point de croissance à l’horizon 2017. J’ajoute que l’investissement public local est aujourd’hui le seul moteur économique sur lequel on peut directement jouer.
Manuel Valls s’exprime jeudi matin devant les maires. Que lui demanderez-vous ?
Nous allons lui présenter officiellement une demande de conférence d’urgence sur l’investissement des communes. Car il y a une réelle mise en danger des comptes de nos collectivités. Différentes études montrent qu’à l’horizon 2017 il existe un risque pour beaucoup de nos collectivités de ne plus pouvoir s’autofinancer.
D’ailleurs, avec un sourire, nous lui avons présenté, Jacques Pelissard, André Laignel et moi-même, une étude concernant la ville d’Evry.
De nombreux membres de l’AMF demandent une action forte au salon contre la décision du gouvernement. Vous semblez temporiser.
Nous sommes, à ce stade, dans une logique de dialogue profondément républicaine mais très ferme, confortés par plus de 13.200 pétitions votées par les communes et les intercommunalités qui nous sont déjà parvenus. Les élus connaissent la force de la symbolique de signer une pétition. C’est du jamais vu dans l’histoire de l’AMF. C’est l’alerte rouge.
Beaucoup de maires se prépareraient à un mouvement fort pour janvier ou février. Vous espérez aboutir à un accord d’ici là ?
Nous sommes dans l’attente de l’expression du Premier ministre. Le volume des économies mais aussi son calendrier est contesté. La conférence d’urgence doit se tenir dans les meilleurs délais. D’ici là, on devrait y voir un peu plus clair, les instances de l’AMF prendront leur décisions.
Demandez-vous, comme Nicolas Sarkozy, l’abrogation des rythmes scolaires ?
A Troyes, j’avais mis en place de nouveaux rythmes scolaires que nous avons expérimentés pendant trois ans dans 4 ou 5 écoles mais il y avait un financement partagé. C’était acceptable financièrement, mais la raréfaction des financements de l’Etat nous avait conduit à cesser l’expérience. Je n’ai pas de problème de doctrine sur les nouveaux rythmes scolaires, mais la nouvelle organisation a été très perturbante pour les enfants, les maires et les parents. A l’AMF, nous ne sommes pas pour une remise en question des rythmes. La priorité immédiate, c’est la pérennisation du fonds d’amorçage.
Sur la réforme des régions, vous avez soutenu la grande région Champagne-Ardenne-Lorraine-AlsaceJ’ai défendu l’intérêt de Troyes, car il y a une logique géographique et économique. Nous nous voyons comme des gens du Grand Est. La très grande majorité des parlementaires de ma région était sur cette ligne. Je me félicite du point d’arrivée de cette réforme et nous allons devoir apprendre à travailler ensemble.
On parle d’un rapprochement avec l’Association des communautés de France.Je prendrai rapidement une initiative pour rassembler les associations d’élus autour de la table. Ils sont assez demandeurs. L’AMF est la représentante la plus importante. Dans la perspective d’un rendez-vous annuel avec l’Etat pour chaque loi de Finances l’union fait la force.
Cette union des associations d’élus est-elle possible dans la négociation avec le gouvernement ?J’imagine une première rencontre pour tout mettre à plat au début de l’année prochaine. D’ici là, on devrait y voir un peu plus clair. Le découpage régional sera acté. Les positions du Premier ministre sur le sort des départements seront clarifiées. Les compétences des collectivités devraient vite être précisées en vue des élections départementales et régionales.
Les maires sont particulièrement inquiets de l’obligation prévue par la réforme de constituer des intercommunalités de 20.000 habitants au moins
Il est certain qu’étant donné la géographie du pays, un mouvement du gouvernement pour assouplir ce seuil est nécessaire. Il a fallu 15 ans pour faire accepter le fait intercommunal ! Le seuil à 5.000 habitants est en train d’être accepté mais le passage à 20.000 est un saut énorme. C’est une préoccupation majeure qui s’ajoute à celle des dotations.
Les responsables de l’AMF, soucieux de la neutralité de l’association, sont inquiets de votre ralliement à Nicolas Sarkozy
C’est la singularité de cette association. On met de côté nos points de désaccord. Chacun connaît mon engagement et il se poursuivra. Et je rappelle que certains de mes prédécesseurs à l’AMF étaient aussi des hommes politiques engagés. Je ne prendrai aucune responsabilité dans la direction de l’UMP, j’ai décliné à plusieurs reprises les propositions qui m’ont été faites. Au nom de l’AMF, j’exprimerai des positions que nous arrêterons collectivement au sein de nos instances.