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par Louis-Joseph Delanglade

« Mon adversaire, c’est le monde de la finance » avait lancé, non sans panache, M. Hollande, lors de sa campagne de 2012. Las ! Force est de constater qu’encore et toujours, la logique purement financière continue de primer. Témoin, la préférence accordée au « plus offrant », à savoir un consortium chinois, pour le rachat de près de la moitié du capital de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, consortium préféré à un éventuel pacte d’actionnaires nationaux. Certes, avec 49,99 %, les Chinois seront minoritaires, 40% appartenant toujours à des actionnaires locaux et 10,01% à l’Etat. Certes, M. Macron assure que ce dernier ne se désengagera pas. En fait, outre qu’elle reste une « option » dont les conditions mériteraient d’être éclaircies, la cession avant 2020 des derniers 10,01% a bel et bien été envisagée. Mais il y a pis : on pense déjà à reproduire « l’opération Blagnac » pour d’autres grands aéroports, par exemple ceux de Lyon, Marseille ou Nice… En attendant peut-être les ports, les gares, les voies ferrées, les boulevards et les jardins publics.
L’annonce de cette vente (même partielle) du site « stratégique » de Blagnac à un investisseur étranger a, et c’est heureux, soulevé un tollé. La critique de M. Philippot (« L’aéroport de Toulouse doit rester public et français. Le brader à un consortium chinois est une faute grave, dictée par l’absurde austérité ») est d’une grande pertinence car elle souligne l’aveuglement financiariste du gouvernement. Avant tout soucieuse, en effet, de se conformer le plus possible aux impératifs de l’Union, la France cherche désespérément à faire des économies plutôt qu’à profiter des conditions exceptionnelles de financement à taux très bas pour lancer un grand programme d’investissements « productifs ». C’est-à-dire que nous ne profitons même pas de la situation générée par l’euro fort et le « parapluie allemand ».
Dans ces conditions, sachant que la monnaie unique nous pénalise autant et plus sans doute qu’elle nous « protège », on pourrait peut-être envisager sérieusement une forme de sortie de l’euro. Les économistes sont divisés sur le sujet : si beaucoup prédisent l’apocalypse (dévaluations répétées, appauvrissement des ménages, baisse très importante des salaires et des retraites, etc.), quelques uns, et non des moindres, pensent que, l’harmonie fiscale et une politique économique commune restant impossibles, l’euro n’est de toute façon pas viable et qu’une solution de compromis relativement équilibrée consisterait à « passer de l’euro monnaie unique à l’euro monnaie commune » (M. Giraud).
Cette mesure aurait le grand mérite d’initier une restauration, au moins partielle, des attributions du politique : les taux de change en interne (entre l’euro-franc et les autres monnaies) relèveraient de décisions politiques communes et la B.C.E. devenue simple « bureau de change » serait privée de tout pouvoir de politique monétaire » (M. Gordon, Le Monde diplomatique). L’Etat reprenant la main, voilà qui vaudrait mieux que des incantations électoralistes et pourrait aussi nous épargner d’autres dérives façon Blagnac. •