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Déjà en pointe dans les manifestations de colère survenues après la décision récente d’un grand jury de Ferguson (Missourri) d’absoudre le policier ayant tué un jeune Noir cet été, le révérend Al Sharpton ne pouvait manquer de se trouver au premier rang des protestataires alors que l’histoire s’est répétée dans sa bonne ville de New York. Omniprésent aux côtés de la famille d’Eric Garner, un quadragénaire asthmatique décédé à la suite d’une arrestation musclée pour avoir vendu des cigarettes à la sauvette, c’est le grand organisateur de la marche de protestation de ce samedi à Washington. Proche de Barack Obama, l’activiste qui avait été reçu à la Maison Blanche lundi en compagnie de Bill de Blasio, le maire de New York, pour évoquer les questions raciales parle aujourd’hui de «crise nationale».
La vie d’Al Sharpton est un roman. Né à Brooklyn en 1954, il commence comme choriste de la chanteuse de gospel Mahalia Jackson avant d’accompagner James Brown dans ses tournées. De ce passé, il a longtemps gardé le look du milieu ainsi que de nombreuses relations: c’est lui qui a été chargé de l’éloge funèbre de Michael Jackson. Il ressuscite par la suite comme ministre du culte protestant d’obédience pentecôtiste avant de passer à l’église d’en face, baptiste. Son modèle est Jesse Jackson. Le révérend se fait ainsi un nom comme combattant inlassable des droits civiques et de la cause noire.
C’est un spécialiste des marches protestataires. Tom Wolfe s’en est inspiré dans son livre best-seller «Le bûcher des vanités» qui conte la chute d’un trader vedette de Wall Street, dont l’univers s’écroule après avoir renversé un jeune Noir dans le Bronx. Ce qui n’est pas pour déplaire à l’ego du personnage dont les mauvaises langues disent qu’il ne vaut mieux pas se trouver entre lui et une caméra. Bill de Blasio peut sans doute en parler longuement, tant celui que la presse locale surnomme le «co-maire de New York» a l’habitude de lui voler la vedette.
Faute d’avoir réussi sur la scène politique après des échecs électoraux répétés pour le Sénat en 1988,1992 et 1994, pour la mairie de New York en 1992 et pour l’investiture démocrate pour la présidence des Etats-Unis en 2004, Al Sharpton se contente d’être un homme d’influence. Animateur d’un talk-show sur la chaîne MSNBC, il est ainsi devenu un intime du couple Obama, faisant partie des quelques «happy few» invités cette année à la Maison Blanche à fêter les cinquante ans de Michelle Obama. Sa voix porte en tout cas. Le ministre américain de la justice a annoncé mercredi l’ouverture d’une enquête fédérale sur les circonstances de la mort d’Eric Garner.
L’intéressé, qui n’a pas manqué de convoquer le ban et l’arrière ban à sa conférence de presse pour minimiser l’information, a expliqué qu’il n’avait fait que collaborer à la lutte contre le trafic de drogue dans la communauté noire. Dans un tweet plus explicite, il s’enflammera : «Je ne suis pas un rat. Je suis un chat qui chasse de notre communauté les rats voyous, les gangsters, les fanatiques, les trafiquants de drogue, les flics pourris quels qu’ils soient».