Étiquettes

, , ,

 par Louis-Joseph Delanglade

Le 8 décembre, prenant comme prétexte les événements d’Ukraine, le Congrès des Etats-Unis a adopté à une écrasante majorité une résolution invitant à déclarer la guerre à la Russie. Au-delà de la violence du propos, il s’agit là d’un signe irrécusable de l’hostilité foncière des Américains vis-à-vis de Moscou, toujours considéré comme un ennemi à abattre définitivement et, de toute façon, comme un obstacle dans la perspective de la féroce rivalité sino-américaine qui s’annonce.

On peut sans doute reprocher beaucoup de choses à la Russie, on peut sans doute porter sur elle des jugements de valeur – aller jusqu’à la discréditer en ne voulant voir en elle, derrière une façade parfois brillante, qu’un pays intrinsèquement « barbare ». Mais il est une chose qu’on ne peut contester, c’est qu’elle est depuis deux ou trois siècles un élément essentiel du rapport de force en Europe. Par conséquent, toute ambition européenne passe forcément aussi par elle et, si on veut bien admettre que l’intérêt de la France passe, lui, par une entente, voire une véritable construction européenne, la Russie est un partenaire naturel et nécessaire. Plutôt que de songer à lui déclarer la guerre, il faut donc, de toute évidence la ré-intégrer dans le concert des nations d’Europe.

Certes, la situation du pays s’est dégradée : depuis un an, la conjonction des « sanctions occidentales » et de la baisse des cours du pétrole cause à la Russie de grandes difficultés financières et commerciales. Le rouble s’est déprécié de 40% par rapport au dollar et à l’euro et M. Medvedev parle de « dizaines de milliards de dollars » perdus. C’est sans doute le prix à payer pour avoir fort légitimement recouvré la Crimée. Mais le pays en a vu d’autres (invasions française et allemande, dictature communiste, etc.) et, comme le dit M. Poutine, il a l’habitude de souffrir et s’en est toujours remis. L’accabler, alors même que la situation peut le pousser à une certaine conciliation, constituerait une faute politique grave.

Dans cette perspective, on doit considérer comme une bonne chose l’entrevue, même rapide, que M. Hollande, au retour du Kazakhstan, a eue avec M. Poutine. On peut, on le doit de toute façon, s’entendre avec la Russie qui y semble d’ailleurs disposée – y compris sur l’Ukraine. Allons plus loin : l’intérêt de la France et d’une véritable Europe ne saurait résider dans un alignement inconditionnel (c’est-à-dire une sujétion de fait), sur les directives de l’OTAN (c’est-à-dire des Etats-Unis d’Amérique).

Un signe politique fort dans ce sens serait donné par la livraison des deux navires porte-hélicoptères « Mistral », commandés et payés par la Russie avec laquelle, que l’on sache, nous ne sommes décidément pas en guerre.

lafautearousseau.hautetfort.com