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Alban Dignat

La gauche au pouvoir s’inquiète de la résurgence de l’antisémitisme en multipliant les références fallacieuses à l’extrême-droite des années 1930, voire au nazisme.

Illusion, le nouvel antisémitisme n’a rien à voir avec le passé. Il traduit le mal de vivre d’une certaine jeunesse et sa haine de la modernité occidentale, à laquelle elle n’arrive pas à s’identifier, à la différence, précisément, des juifs…

Le juif et la France, exposition antisémite du palais Berlitz (Paris, 5 septembre 1941 - 15 janvier 1942)Dans les années 1970, l’opinion publique paraissait vaccinée contre l’antisémitisme en France et dans le reste du monde, même si des illuminés, tel le « négationniste » Faurisson, contestaient la réalité de la Shoah et si quelques nostalgiques de l’Occupation ressassaient les préjugés antisémites habituels…

Mais peu à peu a émergé un nouvel antisémitisme qui a pris prétexte de la défense des Palestiniens pour condamner non seulement les Israéliens mais aussi un « lobby juif » auquel sont assimilés tous les juifs de France et des États-Unis.

Il a recueilli un écho favorable chez les jeunes musulmans maghrébins de France avant de devenir dans les années 2000 le facteur de ralliement de la jeunesse pauvre et inculte, en grande partie issue de l’immigration.

L’un de ses porte-parole est l’humoriste Dieudonné, métis franco-camérounais pourvu d’un réel talent de scène. Il a d’abord donné le change en revendiquant plus de place en France pour les minorités ethniques, dans un discours propre à séduire la gauche « morale ».

Puis, il a jeté le masque en faisant des juifs l’obstacle à l’émancipation de ces minorités et en se rapprochant d’Alain Soral, un transfuge du parti communiste devenu le théoricien de l’antisémitisme. Il a même repris à son compte des inepties historiques comme d’attribuer aux juifs la responsabilité de la traite atlantique.

Cultivant le trouble, Dieudonné a fait mine de se rapprocher des antisémites traditionnels de l’extrême-droite, lesquels cultivent de vieux préjugés sur les rapports prétendus des juifs à l’argent et à la patrie sans partager pour autant le racisme criminel des nazis, fondé sur le culte d’une race supérieure de grands blonds aux yeux bleus.

Mais son public, ce sont les jeunes générations en rupture avec l’idée nationale, qui votent à gauche (du moins quand elles daignent voter). La sympathie que lui vouent quelques vedettes du showbiz comme Nicolas Anelka, footballeur antillais converti à l’islam, ajoute au trouble.

La gauche ne trouve à lui opposer que la censure a priori de ses spectacles – contestée à juste titre par Jack Lang, ancien ministre et professeur de droit – et les outrances d’un autre humoriste, Nicolas Bedos, grimé en mollah-Hitler, lequel a eu les honneurs du quotidien Le Monde (21 janvier 2014).

Haine des juifs, haine de l’Occident

La haine des juifs est en passe de devenir en France le préjugé le mieux partagé par les minorités ethniques des quartiers pauvres. Elle tient au fait que les juifs français, dont la majorité viennent d’Afrique du Nord, ont mieux réussi que ces autres minorités à s’intégrer à la communauté nationale.

Cette haine ne se cantonne pas à des insultes mais débouche sur des crimes. On en a de tragiques illustrations avec le calvaire du jeune israélite Ilan Halimi, torturé à mort en janvier 2006 par le « gang des barbares », et celui d’une famille juive de Créteil, en décembre 2014, violentée par « deux Blacks et un Nord-Africain » (Libération, 12 décembre 2014).

Cette haine exprime aussi le rejet de la société blanche et occidentale par le fait que les juifs, à tort ou à raison, en représentent la partie la plus accomplie. À l’inverse des anciens antisémites qui reprochaient aux juifs de n’être pas assez intégrés, les nouveaux leur reprochent de l’être trop !

Aujourd’hui, s’attaquer aux juifs va de pair avec la haine de l’Occident. C’est, sans en avoir l’air, se dresser contre les moeurs occidentales et la modernité… Faut-il y voir un signe des temps ? La justice admet que le racisme n’est pas à sens unique et la Cour d’appel de Paris a retenu pour la première fois le 21 janvier 2014 l’injure « Sale Blanc » comme circonstance aggravante de racisme dans un acte de violence.

Sauver l’intégration « à la française »

Dans un pays, la France, qui compte la communauté israélite la plus nombreuse d’Europe et a accueilli plus de personnes des autres continents que tout autre pays européen, le nouvel antisémitisme consacre la faillite du « multiculturalisme » prôné par quelques grands esprits.

Il met en lumière la faillite de la gauche « morale », qui nourrit le mal-être de son électorat à force de gloser sur les supposées discriminations à l’égard des populations d’outre-mer : comment les enfants d’immigrants ne finissent-ils pas par perdre le nord à force de s’entendre dire que toutes leurs difficultés viennent de la malfaisance des Français (colonisation, esclavage, discriminations…) ?

Il signe l’échec des socialistes qui, à l’instigation des penseurs de Terra Nova, ont parié sur l’alliance de la bourgeoisie mondialisée et du prolétariat immigré contre les classes moyennes, les ouvriers et les employés.

Ce pari a assuré l’élection de François Hollande en 2012 mais il se retourne aujourd’hui contre ses instigateurs en enterrant le traditionnel clivage gauche/droite. On voit ainsi une ancienne égérie de la gauche « morale », Farida Belghoul, ex-figure de la Marche des beurs de 1983, rejoindre Dieudonné au nom de la défense des valeurs familiales et traditionnelles contre l’« homophilie » de la bourgeoisie.

Le nouvel antisémitisme est l’expression des « communautarismes » qui se substituent à l’appartenance nationale. Mais qui sommes-nous pour en faire reproche à quiconque ?…

Pouvons-nous demander à de jeunes immigrés d’origine africaine ou musulmane d’aimer la France davantage que les rejetons des vieilles familles françaises qui la fuient par opportunisme fiscal et la dénigrent par pure bêtise ? Pouvons-nous leur demander d’aimer la langue française alors que l’enseignement supérieur et les jeunes diplômés la rejettent au profit d’un anglais d’aéroport ?

Le nouvel antisémitisme annonce une société éclatée et fait planer de lourdes menaces sur la génération à venir. Nous y échapperons si nous inculquons à chacun, d’où qu’il vienne, à quelque classe qu’il appartienne, l’amour de la France, de son Histoire et de sa culture. Puissions-nous en avoir la volonté, la force et le courage.