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Christian Vanneste

Que le président de la République, une fois encore en déplacement, lance une de ses petites plaisanteries aussi déplacées que lui, disant qu’il est le père Noël à des enfants de Miquelon, n’est pas seulement grotesque, c’est insupportable. Cinq points de gagnés dans un sondage et le Président massivement rejeté par les Français ne se sent déjà plus. On ne peut, certes, lui reprocher de croire au père Noël, pour lui-même. Celui-ci a déposé devant la cheminée de l’Élysée trois présents inespérés, qui en l’occurrence ne récompensent pas la bonne conduite des dirigeants français : la baisse du prix du pétrole, le recul de l’euro, la faiblesse des taux d’intérêt.

Le premier cadeau est dû au jeu compliqué des deux vieux alliés que sont les États-Unis et l’Arabie saoudite. Entre la grande démocratie brandissant ses valeurs humanistes à travers les discours d’Obama, et le royaume wahhabite, fondé sur l’absolutisme, l’inégalité et la charia la plus implacable, aucune pensée commune, mais des intérêts géopolitiques et économiques beaucoup plus puissants que les idées philosophiques : le pétrole, la protection des approvisionnements en échange de celle du régime, l’hostilité à la Russie et à ses alliés chiites. Les chrétiens chassés de Karakosh par l’État islamique fêteront Noël, pour ceux qui ont survécu, chez les Kurdes. Ces derniers ont du pétrole et, depuis longtemps, l’Amérique s’intéresse à leur sort. Elle semble moins pressée d’en finir avec les islamistes dont elle pourrait ne faire qu’une bouchée. Mais, chut ! Cela aiderait Bachar el-Assad en Syrie, l’allié des Russes, et perturberait sans doute le jeu pervers de la Turquie et de plusieurs États sunnites du Golfe, eux aussi alliés de l’Oncle Sam.

Le second cadeau, le recul de l’euro, est un cadeau empoisonné. Il redonne du crédit à une monnaie qui, mécaniquement, va renforcer les centres économiques les plus puissants de l’Union européenne et affaiblir la périphérie. Les produits allemands se vendront encore mieux. Non seulement cette embellie n’inversera pas le processus de déclin économique du continent européen dans le monde, mais encore ses causes sont lourdes de menaces. La Grèce est à la veille d’une crise majeure. L’Italie peine à se rétablir. L’Espagne rétablit ses comptes mais au prix d’un délabrement social insupportable. La France continue de jouer les enfants gâtés : dépense et emploi publics démesurés, déficits en tous genres, chômage et assistance en croissance continue. Un rebond industriel peut être engendré par une dévaluation monétaire, à condition d’avoir sauvegardé un outil industriel capable de rebondir. Or, le catalogue de mesurettes de M. Macron n’est pas à la hauteur de cet enjeu.

Le troisième présent contient un poison plus virulent encore. L’endettement du pays vient de dépasser les 2.000 milliards. Il est de cinq points supérieur aux 90 % dont une économie ne revient pas. Il n’est pas, comme le japonais ou même l’italien, fondé sur l’épargne intérieure, mais sur l’appel au marché. L’afflux des liquidités, la libération des planches à billets créent une bulle qui peut à tout moment éclater. Les taux peuvent augmenter, et l’euphorie addictive laisser la place aux souffrances du manque. Si encore la France avait profité de la situation pour réformer et investir, les perspectives seraient dégagées, mais elle a fait tout le contraire. Cinquième puissance économique, administration fiscale solide et efficace, image historique et touristique positive, la France suscite encore la confiance. Mais elle ressemble de plus en plus à un village Potemkine. La façade pimpante cache mal la montée du chômage et de la pauvreté, la multiplication des inégalités et des fractures sociales, les risques de dislocation du corps social et d’affrontements entre « communautés » et territoires.

Trois cadeaux ? On pense aux Rois mages et à la crèche. Ils avaient, selon saint Matthieu, suivi l’étoile pour déposer l’or, la myrrhe et l’encens aux pieds de Jésus. Mais ils l’avaient fait en se cachant du roi Hérode. En effet, les responsables politiques ne méritent jamais les cadeaux du ciel. Les seules récompenses auxquelles ils on droit sont celles dues à leur clairvoyance et à leurs efforts en vue du bien commun.

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