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contribuer à propager, Dénoncer, le hashtag, tri sélectif du Web

On pourrait gloser à l’infini sur la manif de dimanche. On pourrait dire par exemple – si le sujet n’était pas aussi grave, si tant de braves gens sincères n’y avaient pas participé – qu’elle procédait à la fois d’Eugène Ionesco et de Louis de Funès (un gouvernement qui manifeste contre… il ne faut pas dire le mot, sa racine lexicale est contrariante. Pour réclamer des mesures… à lui-même puisqu’il est au pouvoir. Pour faire fléchir… des terroristes sûrement très affectés de se découvrir ainsi une cote de popularité au plus bas. En compagnie… de chefs d’État complices, un peu comme une manif en Grèce contre l’austérité dont Angela Merkel aurait porté la banderole de tête). Mais c’est déjà du passé. Après l’émotion, place à l’action. Bon, par où on commence ?
Tiens, Strasbourg. Strasbourg, magnifique capitale alsacienne. Strasbourg, où le sujet religieux, eu égard sans doute au Concordat, n’a jamais été tabou. Strasbourg, où habitent, historiquement, de nombreuses familles juives. Strasbourg, qui depuis quelques mois fait régulièrement parler d’elle : multiplication des candidats au départ en Syrie, irruption dans les locaux de la CAF au cri d’« Allah Akbar », entraînement au djihad dans un parc public… et puis, lundi, comparution d’un trentenaire (plus tout à fait, donc, un gamin « tout fou »), interpellé dans un quartier sensible de la ville. Sur Facebook, il avait posté une photo de Kalachnikov assortie de mots de réjouissance après l’attentat contre Charlie Hebdo. En dépit du pseudo, la police l’a retrouvé et il est donc jugé. On s’en réjouit.
Sauf que le hashtag #JeSuisKouachi, apparu vendredi, a été tweeté 28.000 fois, autant dire que le Strasbourgeois est une goutte d’eau dans un océan. Combien de temps, d’efforts pour retrouver et arrêter (dans une cité sensible où un policier ne va pas seul, quand il ose y aller) un seul des cyber-épigones de Kouachi ?
Sauf que personne n’a jamais douté que la police, même si elle manque de moyens, fasse efficacement son travail, le dysfonctionnement – pour dire cela pudiquement – se situant au-delà, à l’échelon de la justice. Et à voir l’assurance souriante de Christiane Taubira à la marche de dimanche, rien ne laisse supposer qu’elle ait un remords, un scrupule, un doute soudain quant à l’adéquation de sa politique carcérale au contexte actuel. À quand le selfie dans le grand « djihadland » que sont certains quartiers de maison d’arrêt ? À quand la sortie anticipée comme Coulibaly ?
Sauf que l’idée de censurer davantage le Web, comme le suggèrent certains à l’occasion de cette affaire, laisse circonspect… d’abord parce que le Web, en faisant sortir du bois, permet aussi – et ce n’est pas négligeable – de repérer. Ensuite parce qu’on sent bien – le glissement de discours pour la manif l’a montré – qu’eu égard au climat kafkaïen dans lequel vit la France, la cible, comme une girouette prise dans une tornade folle, peut vite tourner à 180 degrés.
Ainsi lit-on en conclusion d’un article du parisien.fr : « Mais des messages dénonçant le hashtag [#JeSuisKouachi] ont également contribué à sa propagation. Ainsi, un message de Florian Philippot se plaignant de son existence a, à lui seul, été repris plus d’un millier de fois. » C’est vrai. Parmi les 28.000 tweets « suspects », ceux-là sont à décompter. Mais la phrase est troublante : « Dénoncer », c’est aussi « contribuer à propager ». C’est l’idée que l’on distille peu ou prou à gauche. Pour mieux, un jour, instaurer le tri sélectif du Web.