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Cette chaîne pour le moins croquignolette vient de renouer, pieds joints dans le plat, avec son sport de prédilection : le « French Bashing ».
Nicolas Gauthier
Connaissez-vous Fox News ? Si, si, la chaîne de Rupert Murdoch, cet Australien naturalisé anglais, républicain invétéré et adversaire déclaré de la Couronne d’Angleterre qui, un temps, porta les valises de Maggie Thatcher avant de la trahir au profit de Tony Blair. L’homme est si sympathique qu’il servit même de modèle à un super-méchant, dans Demain ne meurt jamais, l’un des meilleurs James Bond du siècle dernier.

Fox News est donc sa chose. Une sorte d’Aljazeera à la sauce protestante et anglo-saxonne. De son vivant, François Mitterrand, à qui on ne la faisait pas, mit tout en œuvre pour éviter que le Murdoch en question ne lance chez nous La Cinq. À ceux de ses ministres qui s’étonnaient qu’il préfère laisser ce bidule nauséabond à Silvio Berlusconi, Tonton aurait répondu en substance : « Je préfère encore un voyou vaguement catholique à un puritain protestant, doublé d’un prédicateur douteux. »

Aujourd’hui, car telle est la spécificité de Fox News, cette chaîne pour le moins croquignolette vient de renouer, pieds joints dans le plat, avec son sport de prédilection : le « French Bashing ». Comprenez, une sorte de haine atavique de tout ce que peut incarner le Vieux Continent par rapport à la légendaire délicatesse « étazunienne », pays directement passé de la barbarie à la décadence sans avoir jamais connu la civilisation, pour reprendre un mot célèbre du non moins fameux Mark Twain.

Ainsi donc, à en croire une sorte d’identitaire local de l’espèce exaltée, un certain Nolan Peterson, autoproclamé « reporter de guerre et ancien combattant » – vu sa barbe et son jeune âge, tout au plus se sera-t-il battu contre son coiffeur et sa nourrice –, assure-t-il qu’en France, et surtout à Paris, il y aurait des zones interdites aux « non-musulmans », dans lesquelles mêmes les policiers n’oseraient plus faire régner l’ordre public. La preuve, c’est vrai, puisque « vu à la télé », « à quelques minutes de taxi de la tour Eiffel, certaines rues de Paris “ressemblent à celles de Bagdad” en Irak avec des hommes qui se promènent dans la rue avec des T-shirts d’Oussama Ben Laden. » Le tout illustré de photos de voitures en flammes, prises lors de ces désormais traditionnels réveillons de banlieue, à quelques autres minutes de taxi.

Pour que le téléspectateur en quête d’un temps de cerveau disponible ne soit pas trop rétif à la comprenette, une carte de la Ville Lumière. Sur laquelle les zones du Paris de l’État islamique débordent jusque vers le Sentier, arrondissement qui, l’affaire est bien connue, est de longue date vassalisé par l’islamisme radical ; la vérité si je t’enfume ?

Ce Nolan Peterson, sorte de Jean-Yves Lafesse d’outre-Atlantique, n’en est pas à son coup d’essai, ayant déjà joué il y a peu le même sketch à propos de l’Angleterre, assurant pareillement qu’à Birmingham, les non-musulmans étaient tout aussi interdits de séjour, ce qui lui avait valu d’être traité de « parfait idiot » par le Premier ministre David Cameron.

À ce propos, si cet homme a manifestement assez peu voyagé en France, peut-être l’aura-t-il au moins fait un peu plus en son propre pays. Il est vrai qu’au vu de sa peu aimable tronche – il est plus aisé de repérer les cons que les musulmans, les critères étant objectivement plus évidents –, il n’aurait sûrement pas fait long feu dans les quartiers noirs de Washington, par exemple. Quartiers que j’ai longuement arpentés, à la recherche de quelques disques rares ; une ou deux bricoles de funk/soul réputées introuvables, mais que la gentillesse des autochtones m’ont aidé à dénicher.

Nolan Peterson ? En cas de chômage, sa place peut lui être chauffée d’avance à Paris-Turf ou à Libération. Il n’y déparera pas.

Boulevard Voltaire – La liberté guide nos pas