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François Vidal 

Le gouvernement ne doit pas hésiter. Il doit ramener le taux du Livret A de 1 % à 0,25 %. La formule mathématique censée fixer la rémunération de ce placement l’y invite. La logique aussi. Alors, bien sûr, la portée symbolique de cette décision n’échappe à personne. Réduire la rémunération du placement préféré des Français à sa plus simple expression n’est pas sans risque politique, a priori. Mais un rapide calcul permet de prendre la mesure du sujet. En fait, cette baisse n’aurait qu’un impact limité sur les épargnants. A peine 2 euros par mois en moins pour un livret moyen ! Pas de quoi relancer un débat de fond sur le pouvoir d’achat dans le pays. D’autant que la vision romantique d’un Livret A, placement préféré des Français les plus modestes, ne correspond à aucune réalité. Aujourd’hui, 8 % seulement des livrets concentrent près de la moitié des montants déposés.

Nous avons en fait tous intérêt à ce que la main du ministre de l’Economie ne tremble pas. Car, dans un monde où l’inflation est à zéro et les taux d’intérêt des banques centrales à peu près au même niveau, continuer à garantir 1 % de revenus pour un placement liquide et sans risque est une aberration économique. Cette surrémunération transforme le Livret A en une formidable machine à stériliser l’épargne des Français. Un trou noir ! Destinés à financer en particulier la construction de logements sociaux, les fonds qui y sont déposés sont prêtés aux organismes HLM à un taux conditionné par celui versé aux épargnants. Résultat, cet argent est aujourd’hui trop cher pour que les bailleurs sociaux aient envie de l’emprunter. Il dort donc dans les coffres bien remplis (+ 60 milliards d’euros ces trois dernières années) de la Caisse des Dépôts et Consignations au lieu d’aller financer l’économie du pays.

Il est donc urgent de réorienter cette épargne dormante vers l’économie productive. La baisse du taux du Livret A y contribuera. Mais dans un pays où les ménages sont obsédés par la protection de leur bas de laine, il faudra faire plus pour que cette opération-vérité sur les taux ne profite pas aux seuls contrats d’assurance-vie. La solution est connue. Elle passe par le lancement de produits d’épargne longue seuls à même de soutenir le financement en fonds propres de nos entreprises et de l’économie réelle, tout en dopant la rémunération offerte aux épargnants. Le grand retour des fonds de pension ? Pourquoi pas ? Mais pour que ces derniers puissent prospérer, il ne faudra pas oublier de supprimer une autre préférence, celle de l’Etat cette fois, pour la surtaxation des revenus du capital

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