Les profs face à l’éruption des actes inciviques

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«Ces attaques, c’est bien fait», «Je ne suis pas Charlie». Ou «Tout ça, c’est la faute aux musulmans». Depuis les attentats de la semaine passée, dans certaines classes, des professeurs se retrouvent à gérer des situations compliquées et sont parfois désemparés face aux remarques et attitudes de leurs élèves. Quelle est l’ampleur réelle des problèmes, est-ce possible de le savoir, et comment y répond-t-on ?

De quoi les professeurs se sont-ils fait l’écho ?

Quand ils se sont retrouvés devant leurs classes, les jours suivants les attaques des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly, beaucoup de professeurs se sont sentis seuls. Comment parler des événements ? Que dire ? Avec quels mots ? Comment faire comprendre ce que représente Charlie Hebdo dans notre société et pour la démocratie ?«Il y a eu une certaine improvisation dans les classes au lendemain des attentats, reconnaît Eric Debarbieux, délégué interministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire. Ce n’est pas une critique : comment aurait-il pu en être autrement ? Qui aurait pu penser que se produirait une chose pareille ?» Chaque enseignant, avec son bagage culturel et sa sensibilité, a essayé de répondre aux demandes des élèves. Beaucoup ont géré. Parfois en organisant des débats dans leur classe, où l’on a parlé – et parle encore – liberté d’expression, laïcité, démocratie, religion et caricatures. Mais d’autres rencontrent plus de difficultés, surtout dans les établissements les plus sensibles. Des élèves se recroquevillant sur eux, refusant de participer à tout échange, d’autres tenant des propos déplacés sinon contraires à la loi.

A-t-on une idée de l’ampleur des incidents ?

Une semaine après l’attentat, 200 «incidents» dans les 64 000 établissements scolaires (12 millions d’élèves) étaient remontés aux rectorats, dont la moitié au moment de la minute de silence, jeudi 8 janvier. Najat Vallaud-Belkacem a ajouté que 40 incidents ont été signalés aux services de police et de justice. «Parce que, pour certains, il s’agissait même d’apologie du terrorisme. Nous ne pouvons pas laisser passer cela», a martelé la ministre de l’Education dans l’hémicycle, applaudie par les députés de gauche comme de droite. Ce chiffre de 200 «incidents» reflète-t-il la réalité ? Le terme lui-même est assez flou. «Personne ne met la même chose derrière ce mot», pointe Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes-FSU, principal syndicat du secondaire, qui regrette qu’une telle donnée ait été publiée. «On focalise l’attention sur les cas qui se passent mal, et on oublie toutes les expériences positives.» Le ministère précise qu’il ne s’agit que des situations qui n’ont pas pu être réglées en classe. Rien d’exhaustif, donc. D’autant, comme le souligne Eric Debarbieux, qu’«il y a forcément un décalage entre l’état de connaissance de l’institution et la réalité. Il existe toujours un chiffre noir». Mais selon lui, le rendre public a ses vertus : «C’est important d’avoir une connaissance des tendances générales, pour ne pas les nier, ni à l’inverse les exagérer.»

Quelles sont les réponses du ministère ?

Najat Vallaud-Belkacem a lancé une «grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République». Elle a fait venir rue de Grenelle syndicats, associations de lutte contre le racisme, et même ses prédécesseurs. Il ne faut pas «considérer l’école comme la seule responsable de tout, mais l’école peut être une solution majeure. Nous sommes en train de penser le sursaut collectif que nous devons avoir», a dit la ministre, promettant des mesures concrètes. Elles seront annoncées jeudi prochain.

Parmi les axes de travail figure notamment «la réduction des inégalités scolaires pour renforcer le sentiment d’appartenance à la République», avec des mesures en faveur de la mixité. Dès à présent, des inspecteurs pédagogiques et les «référents laïcité» sont à disposition «dans chaque établissement qui en exprime le besoin». Ces référents sont une petite trentaine sur le territoire, répartis entre académies. Nommés l’année dernière au moment de la publication de la Charte de la laïcité, ils ont pour mission d’«apporter des réponses appropriées aux contestations du principe de laïcité quand elles se produisent». Comme en ce moment.

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