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cours de philosophie, esprit critique, respect des idées de l’autre, valeurs pour tous, vivre-ensemble
Quel avenir pour les cours de religion et de morale ? En prélude au débat de ce mercredi, donnez votre avis et posez vos questions.
De nos jours, dès qu’on parle d’un attentat, ce sont nécessairement des djihadistes. Mais le sens du djihad, ce n’est pas ça : c’est le combat de chacun en son cœur ! » Ce cri, c’est Ismaël, jeune élève de l’Athénée royal Gatti de Gamond, qui le lance, lorsqu’une de nos journalistes se rend dans cette école du centre de Bruxelles pour tenter de comprendre comment, entre professeurs et élèves, on parle des attentats de Charlie Hebdo.
Les enseignants que nous y rencontrons semblent démunis face à cette question d’actualité brûlante, par sa violence et les multiples questions de société qu’elle soulève. Et pour cause : à l’école, il n’existe pas de cours à proprement parler pour échanger sur ces questions de société, de vivre ensemble, de citoyenneté. Les religions sont cloisonnées dans leurs cours respectifs.
Mais les choses pourraient en partie changer dans les prochains mois. Mais les changements ne concerneraient que l’enseignement officiel, pas le libre. Dans sa déclaration de politique générale, le gouvernement de la Communauté française prévoit de progressivement remplacer une des deux heures de cours convictionnel par un cours de philo.
Cela fait des années que Richard Miller (MR), aujourd’hui député fédéral, plaide pour l’introduction d’un cours de philosophie dans l’enseignement officiel. Il a formulé dès 2003 une proposition de décret en ce sens. « Il faut enseigner le vivre-ensemble, nous explique-t-il. L’objectif essentiel c’est donner à tous les enfants – sans les mettre dans des classes séparées ! – les éléments de connaissance de base des différentes religions, philosophies, croyances. L’objectif, c’est l’apprentissage du respect des idées de l’autre et de l’esprit critique. »

>> Richard Miller (MR) : « Il faut enseigner le vivre ensemble »
De quoi pourrait parler ce cours ? « De valeurs humaines et de démocratie bien entendu, mais aussi de tolérance par rapport aux convictions, par rapport à la religion de l’autre », expliquait récemment la ministre de l’Enseignement, Joëlle Milquet. « Il est prévu une heure par semaine pendant 12 ans (les six années du primaire et les six années du secondaire). C’est un momentum rare, nous sommes vraiment dans les conditions pour créer quelque chose d’intéressant » Mais, précise d’emblée la ministre CDH, pas question de supprimer les cours de religion, et ce changement ne concernera que les élèves de l’enseignement officiel parce que, dit-elle, « dans le libre, le référentiel du cours de religion prévoit explicitement un apprentissage aux options philosophiques et religieuses des autres. »
« Il nous semble que Joëlle Milquet néglige ainsi une dimension importante de la problématique. Aujourd’hui, le choix d’une école libre catholique ne correspond plus automatiquement à un choix philosophique. Dans la plupart des écoles, la population scolaire est extrêmement diversifiée, et compte souvent de nombreux musulmans. », répondent dans une carte blanche Patrick Loobuyck (UA) et Caroline Sägesser (ULB). « Il est donc impératif que le réseau libre où, rappelons-le, sont scolarisés plus de 50 % des élèves, soit inclus dans la réforme », écrivent-ils.
>> Carte blanche : Au-delà du Pacte scolaire : un cours d’éducation aux valeurs pour tous
Notre système actuel est-il mauvais ? En France, ou la laïcité est de mise, la religion n’a pas sa place à l’école. Tandis que des cours de philosophie sont dispensés dans l’enseignement secondaire. Cela n’a pas empêché des Merah, des Kouachi ou des Coulibaly.
Pour Patrick Loobuyck et Caroline Sägesser, pas question d’évacuer la religion des programmes scolaires. Ils proposent de lui adjoindre, dans tous les réseaux, un cours d’éducation aux valeurs « afin de leur donner les clés pour mieux comprendre leur propre culture et celles des autres, et les préparer au mieux à s’insérer en tant que citoyens dans notre société multiculturelle et multicultuelle. »
« L’école ne devrait pas enseigner la religion »
Invité d’un chat par la rédaction, Nico Hirtt, membre fondateur de l’Appel pour une école démocratique (Aped), martèle : selon lui, « l’école ne devrait pas enseigner la religion ». Un cours de civisme, alors ? « Civisme ? J’ai peur de l’endoctrinement. En revanche esprit critique ? Oui ! Et l’esprit critique se nourrit d’abord de connaissance. Face à l’ignorance, à la bêtise, l’école doit construire de l’intelligence et de la compréhension du monde. C’est sa mission essentielle. Elle doit aussi socialiser : apprendre à vivre ensemble. Malheureusement l’école ne peut pas réellement remplir sa mission de socialisation, parce qu’elle maintient les enfants et les jeunes, pendant 18 ans, à l’écart de toute participation active à la vie sociale. L’école doit devenir un lieu où, à côté de l’instruction, on apprenne à vivre ensemble… en vivant réellement, en collectivité, avec des responsabilités partagées. »
Dans les écoles, certains n’attendent pas que le monde politique bouge pour prendre l’initiative. Comme à l’Athénée royal d’Ans, où les professeurs des matières dites philosophiques, à savoir de morale laïque et des différentes religions enseignées, donneront cours communs dès ce lundi et pendant une quinzaine de jours. Ou à l’Athénée Charles Rogier à Liège, où les professeurs de morale et des religions enseignées se mobilisent pour définir une méthode commune.
> Cours de religion : échanger plutôt que supprimer
Selon un sondage réalisé par la Fédération des associations de parents de l’enseignement officiel (Fapeo), plus de 8 directeurs d’établissement sur 10 seraient favorables à la suppression des cours philosophiques au profit d’un cours de citoyenneté. Du côté des parents (55 % favorables) et des enseignants (50 % favorables, 46 % contre), on est plus mitigé.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
