Valls et Hollande ne cessent de répéter désormais que nous sommes en guerre et d’annoncer une série de mesures. Un domaine, pourtant essentiel, semble oublié: celui de notre politique étrangère. Notre pays est en effet engagé dans une lutte qui sera longue et sanglante, une lutte qui dépasse le cadre de nos frontières, ce qui justifie qu’on s’interroge sur notre diplomatie. C’est au fond ce que M. Fillon vient de faire lorsqu’il suggère tout à la fois un rapprochement avec la Russie de M. Poutine et une sorte de rééquilibrage de notre politique au Proche-Orient.
A l’évidence, la Russie ne peut qu’être un allié de poids dans la guerre contre l’islamo-terrorisme, dans la mesure où, pour avoir été plusieurs fois ensanglantée par la terreur verte (les Tchétchènes musulmans faisant systématiquement preuve d’une rare violence), cette guerre fait partie de ses priorités. Anathématiser la Russie au nom de la religion des « Droits de l’Homme » constitue une faute d’autant plus impardonnable qu’en fait il s’agit simplement de justifier un alignement pur et simple sur les Etats-Unis d’Amérique, lesquels, pour des raisons qui leur sont propres, font de la Russie un ennemi stratégique. Ce qu’elle n’est pas pour nous. Aussi ferions-nous mieux de refuser l’alternative Russie~Etats-Unis et d’entretenir, dans notre propre intérêt, des liens solides avec les deux.
Quant au Proche-Orient, la France s’est embourbée dans une démarche qui la réduit à n’être, là aussi, qu’un supplétif des errements de la politique américaine. S’il est légitime d’entretenir avec le Qatar et l’Arabie Saoudite des rapports permettant de défendre certains intérêts commerciaux, les liens pour le moins « suspects » de ces deux pays avec notre ennemi avéré, l’islamo-terrorisme et son substrat salafiste, devraient nous inciter à retrouver le chemin d’une politique étrangère plus raisonnable. Une politique prenant en compte le fait que désormais, et sans doute pour longtemps, le sentiment d’appartenir à une islamité sunnite transfrontalière domine et soulève les masses musulmanes, tournant ainsi la page des nationalismes arabes post-coloniaux.
Or, il existe dans la région au moins deux pays sans lesquels on ne pourra rien faire et avec lesquels on pourrait faire beaucoup : l’Iran chiite, contrepoids idéal à l’internationalisme sunnite – volontiers terroriste (Al-Qaïda et sa filiale Aqmi, Daesh, Hamas, etc.) -, et la Syrie de M. Assad dont, on le voit bien, la déstabilisation constitue une catastrophe géopolitique et un drame humain pour toutes les « minorités » livrées à tous les excès du fanatisme religieux islamique. Il s’agirait moins de s’allier avec Damas et Téhéran que de favoriser leur (ré)intégration dans le jeu politique régional. Ce rééquilibrage nous permettrait par ailleurs d’envisager à terme de nous désengager militairement d’un théâtre d’opérations où nous sommes probablement dans une situation sans issue.
La voie peut paraître étroite, mais une chose est sûre : avoir nommé l’ennemi risque de ne pas suffire si on refuse tout rapprochement avec ceux qui ont aussi d’excellentes raisons de le combattre. •