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Parmi les plus concernés, trois profils-types bien distincts se dégagent.
Les pays qui comptent dans leur population résidente plus d’immigrés que de nationaux
Les pays comptant dans leur population résidente plus d’immigrés que de nationaux sont essentiellement ceux qui bénéficient de rentes d’hydrocarbures, et sont à fort besoin de main-d’œuvre. Ils font venir des populations des pays du Nord pour les métiers très qualifiés et des immigrants des pays du Sud pour leurs besoins en personnes non qualifiés ou à faible qualification, dans le bâtiments et les travaux publics, dans les services à domicile pour les familles, etc. Il s’agit par exemple de pays du Golfe (1), comme les Emirats arabes unis, dont 88,5% de la population est à la fois étrangère et en quasi-totalité immigrée, du Qatar (85,7%), du Koweït (69%) ou encore de Bahreïn (51%) (2). La plupart de ces immigrés n’ont guère de statut protecteur et peu de droits. Ils sont même parfois traités comme des esclaves par certaines familles. Leur passeport leur est enlevé à leur arrivée et, à la moindre incartade, ils sont renvoyés dans leur pays.
D’autres pays qui manquent de main-d’œuvre en raison de l’importance de leur essor ou de leur potentiel économique comptent une forte proportion d’immigrants, comme le Gabon en Afrique ou le Luxembourg en Europe. Plus de la moitié de la population active de ce pays est étrangère mais essentiellement venue d’Europe, les immigrants venant majoritairement du Portugal.
Les pays qui se sont construits sur l’immigration
Certains pays dont le peuplement s’est effectué essentiellement par des apports migratoires restent des pays d’immigration en raison de leur attraction économique, comme les Etats-Unis, le Canada et l’Australie. En revanche, le Brésil ou l’Argentine ne sont plus guère des pays d’immigration car leur développement économique n’est pas suffisamment intense pour être attractif.
Le Canada et l’Australie pratiquent systématiquement une immigration choisie. Leurs Parlements décident le nombre d’immigrés qu’ils souhaitent accueillir l’année suivante, donc un quota d’immigration : ils étudient les dossiers de candidature et ils font une sélection des personnes qu’ils souhaitent dans un rapport dont l’ordre de grandeur est de 5 à 1.
La situation aux Etats-Unis, bien que comparable, est souvent citée pour l’importance des immigrés en situation irrégulière, estimé à 12 millions. Mais le fédéralisme y existant invite à examiner les deux échelles, fédérale et des États (3). L’immigrant qui n’est pas en règle selon la réglementation fédérale a souvent toutes les possibilités, dans l’État où il réside, de créer une entreprise, de travailler, d’avoir un compte en banque, d’acheter un logement, etc.
Les migrations intra-africaines
L’immigration intra-africaine est, quant à elle, d’abord causée par des chocs géopolitiques. C’est par exemple la migration des Somaliens vers le Kenya ou du Mozambique vers l’Afrique du Sud pendant la guerre civile, ou encore du Zimbabwe vers l’Afrique du Sud en raison du régime autocratique de Mugabe. S’ajoute à l’immigration politique des migrations économiques variables selon les périodes en fonction des dynamiques des pays : le Gabon, pays très peu peuplé et au potentiel économique important, fait appel à la main-d’œuvre de nombreux autres pays africains. C’est aussi le cas de la Côte d’Ivoire pendant une quarantaine d’années et de l’Afrique du Sud, qui compte des ressortissants venus de toute l’Afrique sub-saharienne. Le Bénin profite de sa proximité avec le Nigéria, dont il attire des habitants pour des raisons économiques, tout particulièrement à Cotonou.
En Afrique, certains espaces ont des passeports communs, comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEA), ce qui facilite les migrations à l’exemple de Sénégalais que l’on retrouve dans différents pays de la CEDEAO. En revanche, d’autres régions n’ont pas d’organisations régionales intégrées, à à l’exemple de l’Union du Maghreb arabe qui est plutôt une coquille vide ; il y a donc très peu de flux migratoires entre les pays concernés, d’autant que la frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc est toujours fermée.
Dans tous les cas, la compréhension des migrations imposent de prendre en compte la diversité des facteurs (4).
(1) Dumont, Gérard-François, « La dynamique démographique et les quatre marchés du Conseil de Coopération du Golfe », Accomex, n° 103, février 2012
(2) Population & Avenir, n° 721, janvier-février 2015.
(3) Cf. par exemple KantéSeydou,Géopolitique de l’émigration sénégalaise en France et aux Etats-Unis, Paris,L’Harmattan, 2014.
(4) Dumont, Gérard-François, « Les logiques migratoires au XXIe siècle », Outre-Terre, revue française de géopolitique, n° 17, Éditions Eres, 2007.