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La zone euro ne remplit pas ses promesses, et ne permet pas à l’Europe de s’imposer sur la scène économique mondiale. Même si des pays sont accusés de ne pas jouer le jeu, le problème est plus profond, à la source même de l’idée européenne, et menace tout espoir de voire un jour des résultats émerger.

Pourquoi la zone euro ne parvient-elle pas à être un atout pour que l’Europe puisse s’imposer économiquement ? La monnaie unique n’a en effet pas tenu ses promesses, quand elle n’a pas été le détonateur d’une crise économique comme en Grèce. Dani Rodrik, professeur d’économie à l’université d’Harvard, propose une réponse intéressante. Une comparaison toute simple qui illustre parfaitement le dilemme dans lequel se trouve aujourd’hui empêtrée l’Europe : choisir entre une intégration économique poussée, symbolisée par la monnaie unique, des Etats-nations souverains et la démocratie.
L’absence d’union politique rend l’Europe plus vulnérable à la crise
Comme le résume le Washington Post, « le paradoxe, selon Rodrik, c’est que la mondialisation ne peut fonctionner pour tout le monde que si tous les pays obéissent aux mêmes règles, appliquées par un gouvernement technocratique mondial. Mais en réalité, la plupart des pays ne sont pas prêts à abandonner leur souveraineté, leurs institutions et leur liberté de contrôler leur économie selon leurs intérêts propres ». En d’autres termes, concilier intégration économique, démocratie et souveraineté nationale est impossible.
Prenons par exemple une comparaison entre la Grèce et la Californie. Comme la Grèce et le reste de la zone euro, les Etats-Unis sont un Etat démocratique. Comme la Grèce et le reste de la zone euro, la Californie partage la même monnaie que les autres Etats américains. Pourquoi alors ses difficultés ne mettent pas les Etats-Unis dans la même situation que la zone euro ?
L’argument de Rodrik est simple : la Californie a abandonné une grande partie de sa souveraineté à l’Etat fédéral américain. Le reste du pays, la Fed en tête, est donc prêt à voler au secours de la Californie menacée de la faillite. A l’inverse, « l’inachèvement des institutions européennes laisse l’Europe particulièrement vulnérable face à la crise ». Car si tous les Etats poursuivent leur propre intérêt économique, aucun n’est prêt à consentir aux efforts nécessaires pour sauver la Grèce… et l’euro.
L’Europe devra choisir entre intégration économique, souveraineté nationale et démocratie
La zone euro se trouve donc face à un dilemme que résume bien l’économiste Alexandre Delaigue pour Libération : « Amplifier [l’intégration économique européenne] pour passer à la monnaie unique exige de soit renoncer à la souveraineté nationale, soit à la démocratie. Et l’Europe a choisi de ne pas choisir. La politique monétaire a été transférée à une instance technocratique, la Banque centrale européenne, sur laquelle ne s’exerce aucun contrôle démocratique. La politique budgétaire est, elle, restée le lieu de la souveraineté étatique et des choix démocratiques. La crise actuelle est l’expression de cette absence de choix ».
Une plus grande intégration économique demande des structures politiques plus développées et donc moins de marge de manœuvre pour les politiques nationales. Au contraire, le maintien de la souveraineté condamne à terme la monnaie unique. Si elle veut conserver l’euro, l’Europe n’a d’autre choix que celui du fédéralisme.