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Long de 1.500 pages, le rapport de la Cour des Comptes épingle une série de dysfonctionnements et gâchis d’argent public.
Une concurrence insuffisante dans l’électricité
Près de vingt ans après la première directive européenne, l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence reste très partielle en France, critique la Cour des comptes : moins de 6,7 % de la consommation des ménages et des petits professionnels était couverte par des offres de marché et non par les tarifs réglementés d’EDF mi-2014. En cause, notamment, des écarts de prix faibles entre offres de marché et tarif réglementé et des « résultats décevants » en matière d’information des consommateurs. Pour y remédier, la Cour table sur la fin programmée des tarifs réglementés pour les professionnels et sur le développement du compteur communicant Linky, qui pourrait dynamiser les offres commerciales des concurrents d’EDF. Pour accroître la concurrence dans la production d’électricité et ainsi donner des marges de manoeuvre aux fournisseurs alternatifs, la Cour rappelle aussi le chantier du renouvellement des concessions hydroélectriques et évoque un partage des investissements dans les centrales nucléaires, sans toutefois le recommander. Elle propose aussi une « meilleure coopération » entre l’Autorité de la concurrence et la Commission de régulation de l’énergie, à qui elle suggère d’appliquer désormais « la plénitude de ses pouvoirs de sanction ».
Agences de l’eau : les pollueurs ne paient pas assez
La Cour revient à la charge : le principe pollueur payeur n’est pas assez respecté au niveau des agences de l’eau. Elle pointe, sans surprise, l’insuffisante contribution des agriculteurs. « En 2013, 87 % des redevances perçues par les agences étaient supportées par les usagers domestiques et assimilés, 6 % par les agriculteurs et 7 % par l’industrie », rappellent les magistrats. Industriels et agriculteurs sont sur-représentés dans les agences de l’eau, biaisant la fixation des aides et des redevances, déplorent-ils. Enfin, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 a constitué un recul. « Depuis, l es élevages qui ont fait l’effort de réduire leurs effluents acquittent autant de redevances que les autres (…) alors que l’ancienne redevance, en les avantageant, encourageait les comportements vertueux », dénonce la Cour.
Les trains Intercités de la SNCF hors d’âge
Le diagnostic est connu, mais la Cour enfonce le clou : les trains Intercités de la SNCF, qui assurent les liaisons nationales hors TGV et transportent chaque jour 100.000 passagers, sont minées par des années d’indécision de la part de l’Etat. Celui-ci, en tant qu’autorité organisatrice, renvoie sans cesse à plus tard la suppression des lignes les plus déficitaires, et surtout l’achat d’un nouveau matériel roulant : l’âge moyen du parc était de 33,5 ans en 2012. « Le retard pris en ce domaine confronte donc à court terme l’Etat et la SNCF à des décisions urgences et à un véritable mur d’investissement », écrit la Cour. Ce qui menace la pérennité de certaines lignes, notamment les trains de nuit, dont le maintien nécessiterait la rénovation de 300 voitures d’ici à 2018.
Les bourses aux étudiants trop peu contrôlées
Le contrôle d’assiduité sur les bourses étudiantes est jugé « très insuffisant ». Le gouvernement consacre 1,78 milliard d’euros aux bourses sur critères sociaux, véritable « priorité budgétaire ». Or, l’obligation d’assiduité est la contrepartie du bénéfice des bourses, rappelle la Cour en citant un décret de 1951. En théorie, les établissements doivent contrôler l’assiduité des étudiants. En pratique, « la définition de l’assiduité varie entre les établissements d’enseignement supérieur et au sein même de chaque établissement », regrettent les juges qui parlent d’une « inégalité de traitement entre les boursiers » et d’une situation qui « encourage les fraudes ». « Le ministère ne peut pas évaluer la proportion d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur dans le seul but de bénéficier d’une bourse », concluent-ils. La ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem, admet « l’inefficacité de certains contrôles », et indique avoir sensibilisé les recteurs au problème.
Des stations de ski des Pyrénées doivent fermer
Erosion de la clientèle et situation financière précaire : la Cour appelle les élus des Pyrénées françaises à restructurer voire à fermer certaines de leurs stations. Sur les 26 stations dont les montées réalisent au total un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros en moyenne, seules 8 tirent leur épingle du jeu. Dix-huit réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 5 millions, insuffisant pour assurer une exploitation. Puyvalador (Pyrénées-Orientales) a fermé et Luz-Ardiden va mal. Neuf ont même un revenu inférieur à 1 million ! Le nombre de journées skieurs a baissé de 15 % entre 2004 et 2013, passant de 6 à 5 millions par an. Les communes se sont endettées, souvent à hauteur de 300% à 400 % du chiffre d’affaires. La commune des Angles (Pyrénées-Orientales) a une dette de 30 millions pour 600 habitants ; Font-Romeu et Peyragudes dépassent les 20 millions. Tout en reconnaissant que cette activité génère 10.000 emplois et des emplois de saisonniers aux agriculteurs, les experts demandent que les investissement soient concentrés sur les stations de taille suffisantes et accessibles.
La viabilité des aéroports de Dijon et de Dole épinglée
« A ce jour, la viabilité économique d’un aéroport unique n’est pas démontrée, et celle de deux aéroports l’est encore moins ». Les aéroports de Dijon et de Dole, distants de moins de cinquante kilomètres, agacent la Cour « au regard de la faiblesse du bassin de chalandise ». Elle réclame la fin des subventions et la mise en place d’« un scénario alternatif de desserte aérienne ». Entre 2010 et 2013, toutes aides confondues, quelque 21,9 millions d’euros ont été injectés dans le développement de l’aéroport de Dijon et 9,9 millions d’euros pour l’essor de la plate-forme de Dole. Au total, en comptant les aides promises à Dole d’ici fin 2016, 42 millions auront donc été versés par les pouvoirs publics aux deux aéroports.
Le MuCem, « objet culturel mal identifié »
C’est surtout l’Etat qui est pointé du doigt à propos du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCem) de Marseille. Les magistrats évoquent « une gestation laborieuse » et un « objet culturel mal identifié ». Si l’addition a dérapé jusqu’à 350 millions d’euros, c’est parce que le projet a évolué, que les travaux ont pris du retard, mais surtout en raison de « la lenteur des décisions » . La Cour remet aussi en cause le choix d’un partenariat public privé pour la construction des réserves du musée. Et alors que le déménagement de près d’un million de pièces de Paris à Marseille a coûté 22,8 millions, les collections restent insuffisamment visibles.La Cour déplore que le contenant, avec cette architecture reconnue signée Ricciotti, ait été privilégié au détriment du contenu, même si elle salue le rôle de locomotive urbaine du musée. Résultat : sur les 3,4 millions de visiteurs enregistrés entre juin 2013 et septembre 2014, 70% n’ont pas été voir les collections. Victime collatérale du MuCem, l’ancien bâtiment abritant les Arts et Traditions Populaires, qui détenait ces collections à Paris, se dégrade, sans qu’aucune réaffectation ne soit à l’ordre du jour.
Le grand flou du quartier d’affaires de la Défense
En progrès mais peut mieux faire. La Loi dite « Maptam » clarifie l’environnement institutionnel du quartier d’affaires de la Défense déjà en pleine réforme. Les infrastructures, notamment, doivent être remises en état mais il subsiste une incertitude sur l’ampleur et la répartition du coût des travaux ente l’Epadesa, l’aménageur du quartier, et Defacto, l’établissement qui l’entretient. L’Epadesa les a évalués à 351 millions sur la période 2012-2020 mais ne pourrait en payer que quelque 150 millions. L’ensemble des autres acteurs, Defacto, l’Etat et les collectivités locales doivent donc « arrêter rapidement les modalités de répartition » des coûts. Enfin, la Cour préconise l’élaboration d’un document stratégique à dix ou quinze ans pour le quartier d’affaires dont l’avenir reste soumis à deux fortes incertitudes sur les transports en commun et le marché immobilier.
Des primes et des congés généreux au Cese
Indemnité de séance, 54 jours de vacances par an, prime de départ à la retraite, de naissance, de mariage, de vacances ou de fin d’année : le Conseil économique, social et environnemental (Cese) est un peu trop généreux avec ses 140 agents, estime la Cour. Ces libéralités ont été accordées au fil des ans par les présidents de cette institution qui représente les acteurs économiques et sociaux, à travers 233 conseillers. La Cour recommande de leur donner « une assise réglementaire », et de réformer le temps de travail des agents. Elle insiste pour que le budget du Cese soit plus contrôlé, à l’instar de celui des administrations publiques.
Le « maquis » des sur-rémunarations outre-mer
Un « inextricable maquis législatif et réglementaire ». C’est la formule utilisée par les magistrats de la rue Cambon pour pointer du doigt les sur-rémunérations (pouvant atteindre, selon le rapport, jusqu’à 108 % du traitement brut de base dans les collectivités d’outre-mer les plus reculées) des fonctionnaires de l’Etat en poste outremer. Quelque 91.000 fonctionnaires civils bénéficient de ce régime qui a coûté, en 2012, 1,18 milliard d’euros au contribuable. La Cour préconise « une réforme d’envergure » : « simplifier » l’ensemble du système avec « un décret unique » ; réserver les indemnités spécifiques à la compensation des frais d’installation et de l’affectation dans des zones vraiment difficiles ; prévoir « des dispositifs d’incitation non financiers ».