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débat sur la laicité, François Hollande, Islam, malaise des maires
François Hollande a exclu toute remise à plat de la très libérale loi de 1905. La vision de la laïcité qu’elle portait se trouve pourtant bousculée par certaines pratiques de l’islam, ce qui pose la question de son actualisation.
Le premier est le « renforcement » de la représentativité du Conseil français du culte musulman, le CFCM n’ayant « pas la capacité suffisante de faire prévaloir un certain nombre de règles, de principes, partout sur le territoire ». Le deuxième axe de travail est « la formation des imams », autrement dit le contrôle de cette formation. Le troisième est la présence accrue d’aumôniers musulmans dans les armées et les prisons (François Hollande aurait pu citer aussi les hôpitaux), la loi de 1905 garantissant déjà aux autres religions le libre exercice de la foi partout et en toute circonstance. Ces chantiers sont confiés à Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, ministre des Cultes.
Des retouches légales viendront donc peut-être, mais on est bien loin d’une refondation du pacte conclu, voici plus d’un siècle, entre l’Etat et les trois seules religions alors présentes en France (catholique, juive et protestante). Pourquoi reste-t-elle un totem, cette loi de 1905 dont François Hollande, candidat en 2012, voulait graver les deux premiers articles dans la Constitution ? Parce qu’elle est considérée, par beaucoup, comme un point d’équilibre, subtil et fragile, entre la neutralité de l’espace public et la liberté d’une expression religieuse non confinée à la sphère privée. Comme le résume Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, « la loi de 1905 garantit la liberté de croire ou de ne pas croire ».
Et si François Hollande ne veut pas toucher à la loi de 1905, c’est parce que, à ses yeux, elle offre « aujourd’hui au culte musulman toutes les façons de pouvoir pleinement assurer la liberté de conscience ». Ce n’est pas vraiment l’avis des 5 à 6 millions de musulmans, manquant trop souvent de lieux de culte, faute de financement public. Ce qui n’était pas un problème en 1905 en est un en 2015. Pragmatiques, les maires, pour répondre à la demande légitime de leurs administrés de confession musulmane, sont de plus en plus nombreux à contourner l’obstacle. Faute de pouvoir céder des terrains aux associations religieuses, ils leur concèdent des baux emphytéotiques ou garantissent des emprunts pour l’acquisition de terrains privés et la construction de mosquées. Mais le malaise des maires est de plus en plus patent : 10 % d’entre eux sont désormais favorables à un financement public. A Drancy, le maire, Jean-Christophe Lagarde a dû biaiser au point de faire construire une salle polyvalente, ensuite dédiée au culte. Cela n’empêche pas François Baroin, président de l’Association des maires de France, de juger « parfaite » cette loi de 1905.
L’argument laïc invoqué à l’appui d’une révision de la loi de 1905 est qu’un financement public du culte musulman permettrait de mieux contrôler la formation des imams, afin de prévenir les dérives radicales – ce qui n’est pas un sujet pour les trois autres religions. Tel est l’avis de l’ancien Premier ministre, François Fillon, pour lequel « la loi de 1905 est clairement un obstacle à l’intégration de l’islam, à la création d’un islam de France ».
Si l’on accepte, avec Alain Finkielkraut, de voir dans le voile non pas « le vêtement de la pudeur » mais « l’affiche d’une foi qui se veut au-dessus du savoir », alors, oui, il est certainement essentiel à la nature de notre République d’ouvrir un grand débat avec l’islam sur les places respectives de la religion et de la laïcité. « Cette grande discussion que l’Etat a eue avec les religions, en 1801 avec le Concordat, en 1807 avec le Consistoire, en 1905 avec la loi de séparation, il doit l’avoir aujourd’hui avec l’islam, estime le député de la Marne Benoist Apparu. Et cette discussion doit aboutir à ce que la République réaffirme une position d’autorité face aux religions. » Dans le climat de tension entre communautés, ouvrir ce débat, c’est ouvrir une boîte de Pandore. Mais il est des moments dans l’histoire d’un pays où le courage n’est plus une option.