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Bernard Cazeneuve en compagnie de son homologue marocain Mohamed Hassad, à Rabat, le 14 février.

Abdellatif Hammouchi pouvait-il rêver plus belle réhabilitation ? Visé en France par plusieurs plaintes pour torture, le patron du contre-espionnage marocain sera bientôt décoré par les autorités françaises de la Légion d’honneur. Le ministre français de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, l’a annoncé, samedi 14 février, lors d’une visite à Rabat.

La venue de M. Cazeneuve dans la capitale marocaine était hautement symbolique : il s’agissait du premier déplacement d’un haut responsable français depuis la fin de la crise diplomatique entre les deux pays. En février 2014, le dépôt d’une convocation délivrée par la justice française à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Neuilly et visant M. Hammouchi avait provoqué l’ire de Rabat et la suspension de la coopération judiciaire entre les deux pays. Un an plus tard, presque jour pour jour, l’affront est lavé.

Aux côtés de son homologue marocain, Mohamed Hassad, samedi, Bernard Cazeneuve n’a pas tari d’éloges. Il a loué « l’expertise » et « l’efficacité » du Maroc « dans l’échange de renseignements », évoquant « un partenaire-clé » et saluant « l’action menée » par la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), dont le « rôle est déterminant dans la coopération contre le terrorisme ».

« Enquêtes judiciaires »

L’hommage a été particulièrement appuyé pour son patron, Abdellatif Hammouchi. « La France avait déjà eu l’occasion de distinguer M. Hammouchi en 2011 en lui attribuant le titre de chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur. Elle saura prochainement lui témoigner à nouveau son estime en lui remettant cette fois les insignes d’officier », a expliqué le ministre.

Si la nouvelle sonne comme une victoire pour le Maroc, qui avait dénoncé un manque d’égards de la part de Paris et exigé une refonte des règles de coopération judiciaire, les ONG de défense des droits de l’homme, qui soutiennent les plaignants marocains à l’origine des plaintes, ne cachent pas leur amertume. « Nous nous étonnons que la France puisse décorer une personne visée par plusieurs plaintes pour torture faisant l’objet d’enquêtes judiciaires en France », souligne Hélène Legeay, chargée du programme Maghreb à l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT).

Les ONG s’inquiètent du contenu du nouvel accord de coopération judiciaire franco-marocain signé le 31 janvier et des concessions qui pourraient avoir été faites à Rabat. « Il semble que cette décoration soit l’une des contreparties de la reprise de la coopération, un geste destiné à laver le soi-disant affront de la justice française qui a osé faire son travail en convoquant M. Hammouchi le 20 février 2014 », poursuit Hélène Legeay. Samedi, l’avocat Patrick Baudouin, président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), avait dénoncé un « véritable scandale, une honte pour la France », l’accusant de « perdre son âme ».

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