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Benjamin Dormann publie une version enrichie de son enquête sur la proximité entre la presse et le pouvoir politique et financier. Depuis l’élection de François Hollande, l’auteur a recensé un nombre « criant » de collusions. Extrait de « Ils ont acheté la presse », nouvelle édition, aux éditions Jean Picollec (1/2).
Pour Benjamin Dormann, la presse « a beaucoup trop de proximité avec le pouvoir et pas assez avec les lecteurs, qu’elle méprise les faits, quoi qu’elle en dise ». Crédit Flickr/NS Newsflash
Et puis, prouver qu’elle est scandaleusement subventionnée, qu’elle est conformiste, qu’elle n’enquête pas assez, qu’elle se laisse aller à faire du « people », qu’elle raconte des « histoires » à longueur de colonnes (ou plutôt des « portraits », comme elle les appelle pudiquement pour masquer son manque d’investigation), qu’elle a beaucoup trop de proximité avec le pouvoir et pas assez avec les lecteurs, qu’elle méprise les faits, quoi qu’elle en dise… bref, tout cela n’est visiblement pas acceptable pour elle.
Or, c’est elle qui décide de ce dont on parle, ou ne parle pas ; ou tout du moins, c’est à elle qu’appartiennent les hautparleurs nécessaires à pouvoir se faire entendre du plus grand nombre. Comme, par-dessus le marché, un journaliste n’a plus le temps de lire tous les essais politiques qu’il reçoit, il ne prête aucune attention à ceux critiques, et préfère se concentrer en priorité sur ceux écrits par ses confrères, qui parleront à leur tour de son propre livre, à sa sortie, sur des plateaux de télévision et des studios de radio où ils se retrouveront en toute complicité, en famille.
Au moment de rééditer, une demande a été faite par les libraires : avoir une version actualisée, complétée. François Hollande a été élu, et depuis les collusions et conflits d’intérêts entre pouvoir/médias/finance n’ont jamais été aussi criants et contestables. L’exaspération populaire va grandissant. Pour le moment, le couvercle médiatique tient bon. Mais est-ce vraiment la meilleure solution ? Ne doit-on pas donner une voix à cette exaspération, au sein de débats contradictoires, au lieu de continuer à l’étouffer, la poussant à ne s’exprimer que dans l’isoloir ? Puisse cette nouvelle édition passer de mains en mains, comme meilleure réponse à ceux qui verrouillent la parole pour que ce type de livre n’existe pas, n’existe plus.