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Une étude révèle que ces cinq dernières années près de 200 000 jeunes ont quitté le pays. Des diplômés en majorité.

Par Effy Tselikas

Stavroula Diamantaki aurait tant voulu rester à Athènes. Mais depuis deux ans, cette femme médecin exerce comme spécialiste ORL dans la banlieue de Düsseldorf: «Dans l’hôpital où j’étais, je me sentais piégée: je gagnais seulement 1100 euros par mois, les heures de garde n’étant pas payées. En plus, je n’avais aucune perspective de promotion, car avec les mesures d’austérité, les salaires et les embauches ont été gelées. Sans parler de toute la corruption ambiante, dans un système sans dignité ni pour les médecins ni pour les malades.»

La fuite des meilleurs éléments

Selon une étude américaine, ils sont près de 200 000 à être partis depuis le début de la récession en Grèce: les meilleurs éléments, des étudiants qui ne rentrent pas après leurs études à l’étranger, des professionnels lassés de n’avoir aucune perspective ni reconnaissance, mais aussi des scientifiques bien installés. Destination l’Allemagne pour les médecins (plus de 35 000 s’y sont installés), le Royaume-Uni pour les universitaires, les Etats-Unis pour les jeunes entrepreneurs. La Suisse, Genève et Zurich en tête, est leur quatrième destination. Souvent avec l’appui logistique de sociétés de chasseurs de têtes étrangères. Ces structures, sous prétexte de participer activement à l’intégration européenne, drainent vers l’Europe du Nord les meilleurs éléments du Sud.

Les Grecs fournissent le plus gros contingent, à cause d’un taux de chômage de plus de 60% chez les jeunes (majoritairement diplômés) et du manque de dynamisme de l’économie du pays. Libres de circuler et de travailler dans l’espace Schengen, ils s’adaptent sans trop de difficultés, si ce n’est l’apprentissage de la langue et l’accoutumance au froid. Ils apprécient surtout d’exercer leur métier, avec un bon salaire et dans de meilleures conditions.

Rien à espérer en Grèce

Evangelos Kazoulakis, ingénieur informaticien de l’Université de Crête, a longtemps été serveur dans un bar, faute de mieux. Il ne regrette pas son départ pour l’Angleterre l’an dernier. «Mes collègues m’ont accueilli avec chaleur et j’apprécie beaucoup le degré de responsabilité que l’on acquiert ici très rapidement. Cela a été difficile de quitter mon pays, ma famille, mes amis, le soleil, la mer. Mais il n’y avait plus rien à espérer en Grèce.» Il aide les siens restés au pays, comme l’avait fait son grand-père émigré dans les années 60.

Cette hémorragie est une autre facette de la crise humanitaire que vit le pays et que doit affronter le nouveau gouvernement. Le responsable de l’étude, le professeur Lois Lambrianidis, s’insurge: «Cette fuite de cerveaux est une véritable tragédie. A un moment où l’Europe dit vouloir le rétablissement de la Grèce, la matière grise qui est nécessaire pour cette transformation continue à s’en aller du pays. C’est un cercle vicieux.» (TDG)

http://www.tdg.ch