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Nous nous sommes habitués, au fil du temps, à ce que l’Europe, je veux dire l’Union européenne, après instruction, rapport et conclusion de ses diverses institutions et commissions, décide de la longueur, de la forme et du diamètre des concombres, de la largeur et de l’épaisseur de nos rouleaux de papier hygiénique, du débit de nos chasses d’eau, ou encore de l’altitude des escabeaux que seraient autorisés à gravir les apprentis cueilleurs de pommes. Nous avons pris l’habitude de nous plier, bon gré mal gré, à des directives et des exigences bureaucratiques, exaspérantes, tatillonnes, risibles mais contraignantes. Et c’est à peine si la semaine passée, nous avons réagi en apprenant que si la France persistait à ne pas mettre hors la loi, par une loi, la fessée, elle s’exposerait, au nom de la noble cause qu’est la lutte contre les châtiments corporels, à y être obligée par la Cour européenne des droits de l’Homme.
Le bon peuple, dans son grossier bon sens, aurait plutôt été enclin à croire que l’urgence était d’unir les efforts de tous contre les fous criminels qui égorgent, qui décapitent, qui assassinent les vivants et les morts. Les eurocrates, dans leur grande sagesse, en jugent autrement. A leurs yeux, ce n’est pas à Paris, mais à Bruxelles ou à Luxembourg que l’on a atteint le niveau de civilisation et que réside la légitimité qui permettent de régler ce problème capital.
Sans désemparer, aussitôt après s’être maternellement penchés sur les petites fesses rondes et roses de nos enfants, les gnomes de Bruxelles sommaient le gouvernement français de porter de 5,5% à 20% la taxe sur le livre numérique. Qu’importe qu’ils interfèrent ainsi dans une politique pour une fois judicieuse d’aide à la diffusion de la culture. L’ordre est parti, il n’y a plus qu’à s’incliner.
Dans la foulée, Pierre Moscovici, le même qui, en tant que ministre français des Finances, se contorsionnait pour éluder et différer les engagements pris par Paris en vertu des traités inégaux qui nous ligotent, a daigné accorder au pays dont il est originaire mais dont il a cessé moralement d’être citoyen, un ultime délai pour ramener d’ici 2017 à 3% du P.I.B. son déficit sous peine de subir les sanctions financières prévues par les textes que nos gouvernements successifs ont signés sans notre accord, en notre nom.
Ainsi l’Union européenne dispose-t-elle de nos mœurs, de nos lois et de notre destin dans les petites, les moyennes et les grandes choses. Ainsi est-elle présente dans nos toilettes, nos assiettes, notre portefeuille, notre vie quotidienne, Ainsi fait-elle la loi dans nos jardins, nos vergers, nos champs, nos usines, nos Assemblées, au Conseil des ministres et jusqu’à l’Élysée. Était-ce bien cela qu’avaient en tête les pères fondateurs qui voulaient enterrer à jamais la hache de guerre entre les pays du Vieux continent et faire, sous le signe de la coopération, de l’amitié, de l’entente, de la solidarité, d’une utopie vieille de deux siècles une réalité exaltante ? Imagine-t-on le général de Gaulle s’inclinant devant une directive sur la fessée, Georges Pompidou se laissant dicter sa politique économique, et même François Mitterrand soumettant son budget à l’approbation de M. Delors et du chancelier Kohl ? C’est pourtant ce que leurs successeurs ont accepté, c’est pourtant ce que nous subissons. Pauvre France !