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par GEVIGNEY de Hubert
« Quand s’est effondré le mur de Berlin…» est sans doute la phrase d’introduction qui détient le record d’occurrence dans les innombrables considérations géopolitiques qui ont été produites depuis le dit effondrement, le plus généralement pour nous annoncer que le monde avait changé, que plus rien désormais ne serait comme avant… Pourtant, si à n’en pas douter elle n’est plus l’URSS, depuis un peu plus d’une décennie l’Occident, à bien des égards, a repris une posture vis-à-vis de la Russie, qui parfois résonne comme une nostalgie du « bon vieux temps » de la Guerre froide.
Au fond, la Russie n’a eu grâce aux yeux de nos faiseurs d’opinion que durant la période 1991-2000, lorsqu’elle était en proie au pillage de ses richesses par des aventuriers de toutes natures, gouvernée par un président intempérant et manipulé, dépouillée d’une partie de son territoire, en résumé donnant l’impression qu’elle ne serait plus jamais une grande nation. Ceux qui rêvaient de leur revanche depuis que l’exploitation du gisement de Bakou leur avait échappée, du temps du Tsar puis de l’URSS, reprenaient leur visée sur les richesses de l’Eurasie réputées gigantesques… C’était compter sans l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir.
C’est bien parce qu’il a fait réagir son peuple à la gabegie et à la dépression post-soviétiques qui menaçaient tout simplement la survie de son pays, que le Président de la Russie est l’objet d’anathèmes constants dans le camp occidental, qui n’ont d’égal que la popularité dont il jouit de la part de ses compatriotes. Vladimir Poutine garde en mémoire la promesse non tenue de l’Amérique en 1990 (James Baker à Mikhaïl Gorbatchev) de ne pas étendre l’Alliance atlantique vers l’Est si la Russie consentait à laisser l’Allemagne réunifiée rejoindre l’OTAN. Vu ce qui s’est passé depuis, on peut comprendre que la confiance ne règne pas vraiment du côté du Kremlin et que cela ait pu renforcer sa conviction de rassembler et protéger tout ce qui est russe dans son pré carré. Cela relève d’un impérialisme, somme toute, mesuré et on n’a pas entendu dire que la Russie d’aujourd’hui s’occupait de Cuba ni du Mexique. Mesuré dans ses prétentions, mais pas dans sa détermination ! Aussi Vladimir Poutine use-t-il d’une diplomatie traditionnelle que l’Occident tendance VRP trouve un peu brutale, d’autant plus qu’il semble proposer une alternative au modèle ultra-consumériste américain auquel pourrait adhérer une bonne partie du monde raisonnable. Ce côté « messianique » que dénoncent et dont se moquent nos médias…
Que l’on aime ou pas Vladimir Poutine, cette Russie qu’il est en train de reconstruire est historiquement notre allié naturel. Géographiquement, l’Europe – a fortiori la France, n’est qu’une modeste péninsule de l’immense Eurasie, et a tout intérêt à faire pencher la Russie de son côté, alors que cette dernière lui tend la main depuis quelque vingt ans. Dans les années qui viennent, nous serons confrontés durement à l’islamisme qui s’infiltre à la faveur des faiblesses de notre post-démocratie. Ce défi, le président russe l’a relevé dans les tout premiers temps de sa carrière politique. C’est d’ailleurs de cette manière qu’il a réalisé opportunément le rassemblement d’une grande majorité de son peuple derrière lui. C’est en Russie que se trouve une partie des clefs d’un règlement politique de la situation au Moyen-Orient. Il serait temps que l’on se range dans le camp des futurs gagnants. A l’Ouest gageons que les peuples sont prêts, mais pas leurs dirigeants…