Par Vincent Tremolet de Villers

Deux mois après les attentats qui ont frappé Paris et le sursaut du 11 janvier, Vincent Tremolet de Villers regrette que le débat public verse de nouveau dans le manichéisme et les polémiques politiciennes.
Reste cette source infinie d’indignations et de déclamations avantageuses: l’antiracisme. Et son corollaire: l’autoflagellation. Quel rapport entre les frères Kouachi et les actions de groupes contre les discriminations? Qui peut croire, une seule seconde, que le recrutement du djihad va cesser parce que nous serons impitoyables avec les sélections arbitraires à l’entrée des boîtes de nuit, implacables avec les pâtisseries de mauvais goût?
Il y a deux mois, il y a un siècle, nous pensions être les victimes innocentes d’une agression inouïe. Depuis, une petite musique obsédante nous siffle que nous sommes peut-être aussi coupables.
Un mot prononcé par le premier ministre cristallise ce renversement, celui «d’apartheid». En voulant nommer une réalité: les fractures françaises, Manuel Valls a mis l’État et le peuple en accusation. Si les mots ont un sens, ils ont, selon lui, organisé ou accepté, sans résistance, une ségrégation administrée des populations. Pour se faire pardonner, comme ce fut le cas après les émeutes de 2005, la politique de la ville et ses wagons de subventions vont entrer dans les gares de nos banlieues. Les départements les plus pauvres de notre pays (Creuse, Lozère) n’en bénéficieront pas faute d’avoir été «injustement stigmatisés» (que fait l’observatoire de la Lozerophobie?). Enfin, hormis quelques voix courageuses, le débat sur la laïcité s’est transformé en attaque frontale et indifférenciée contre «toutes les religions» parce qu’il y a «un problème» entre elles et la République. Souci d’équivalence qui a entraîné le Quai d’Orsay à omettre le mot copte dans le communiqué déplorant la décapitation de 22 ressortissants «égyptiens». Pour achever de renvoyer les attentats des 7, 8 et 9 janvier au rang des catastrophes climatiques contre lesquelles on ne peut rien, le Front national envahit la sphère politique et médiatique au point de la saturer. Chaque sondage provoque un nouvel état de panique. On s’envoie à la tête des initiales UMPS, FNPS, FNFG comme des boules puantes. Le premier ministre en appelle aux foules du 11 janvier et pousse des cris d’Onfray. Et le plus fascinant est qu’on continue de se demander pourquoi le parti de Marine Le Pen ne cesse de grimper.