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Jacques Besnard

Que se passe-t-il lorsque les chefs d’Etat se rencontrent ? Au-delà du serrage de mains obligatoire et des sourires de circonstance, beaucoup de choses qui ne sont pas forcément connues du grand public s’y déroulent. Le livre de l’ancien député socialiste français Jean-Marie Cambacérès, « Dans les coulisses des voyages présidentiels », aux éditions du Cherche midi, retrace les pérégrinations des chefs d’Etat français à l’étranger. Petit florilège des meilleures anecdotes.

Les cadeaux

C’est une tradition. Lors de chaque rencontre entre deux chefs d’Etat, il est d’usage que ces derniers s’offrent des cadeaux. Pour ce faire, l’Elysée dispose d’un budget compris entre 1.500 et 2.000 euros. Un agent de l’Elysée est également chargé de transporter ces présents et une voiture est spécialement réservée à cet usage. En général, les cadeaux sont plutôt classiques. On peut par exemple citer la reproduction de la calligraphie d’une poésie de Mao Zedong offerte par le Premier ministre chinois Zhou Enlai à Georges Pompidou, ou encore l’exemplaire original des Mémoires d’outre-tombe donné par Nicolas Sarkozy à Benoît XVI.

D’autres offrandes sont, en revanche, plus loufoques, et notamment en ce qui concerne les animaux. Ainsi,ValéryGiscardd’Estaing reçut un labrador (qui ne comprenait que l’anglais) lors d’un déplacement en Grande-Bretagne. De son côté, JacquesChirac offrit  deux vaches normandes au roi de Thaïlande. Hollande reçut un chameau sur letarmac deTombouctou. Animal qui fut finalement offert à une famille d’accueil et dégusté par cette dernière.

Les accidents


Lorsqu’on voyage à l’étranger, il y a toujours des imprévus. Les chefsd’Etat ne sont bien évidemment pas en reste. Plusieurs scènes narrées dans l’ouvrage de Jean-Marie Cambacérès le prouvent. Parmi les président français, c’est sans doute FrançoisMitterrand qui eut le plus chaud lors d’un voyage en Guyane en septembre 1985. Ce « voyage de la poisse », comme le nomme M.Cambacérès, tourne mal dès le départ: le Concorde n’arrive pas à décoller àRoissy, le pilote freine d’urgence, le président et toute la délégation doivent changer d’appareil.

En escale à Dakar, M.Mitterrand se prend ensuite une porte de verre dans la figure. « À l’arrivée à Dakar, deux ravissantes hôtesses sénégalaises attendent la délégation au pied de l’avion avec les autorités pour amener le président français dans le salon VIP. Le chef du protocole qui les suit pour ouvrir la marche est si subjugué par le balancement de leurs hanches qu’au moment d’entrer dans le hall climatisé il en oublie que le président est derrière lui ». Ce n’est pas fini…

Arrivé en Guyane, le président doit assister au lancement de la fusée Ariane 3 qui se crache… dès le décollage. L’un des hélicoptères du cortège tombera ensuite en panne, tout comme les deux réacteurs de la Caravelle qui devait l’emmener sur un atoll. « Heureusement, l’atoll de Hao n’était pas loin, et la Caravelle était l’aéronef qui avait la plus grande capacité de planement. C’est donc en mode planeur que l’avion présidentiel occasionnel termina son trajet et effectua son atterrissage. Cela aurait pu être dramatique si les deux pannes étaient arrivées plus tôt ».

D’autres incidents ont émané ces voyages politiques comme en Arabie Saoudite lors du mandat de Jacques Chirac au cours duquel le bus des journalistes français s’égara dans le désert ou encore la fois où une balle perdue d’un policier traversa accidentellement le plancher de l’avion présidentiel…

Une autre anecdote concerne Jacques Chirac qui avait laissé son discours dans une voiture fermée (automatiquement) avec les clefs à l’intérieur. L’un de ses gardes du corps put finalement récupérer la feuille en brisant une vitre qui, heureusement pour lui, n’était pas blindée.

Les « polémiques »


Les voyages présidentiels comportent également leur lot de polémiques. « La Belle Province » se souvient bien évidemment du discours du général de Gaulle et de son fameux « Vive le Québec Libre » qui fit polémique chez les anglophones. De Gaulle avait ensuite ainsi dû écourter son séjour outre-Atlantique…

Le Premier ministre socialisteLionelJospin avait quant à luiété pris à partie àRamallah en Cisjordanie après des propos tenus sur leHezbollah libanais en 1998. Il reçut des pierres et des graviers mais sans être gravement touché comme le précise l’auteur dans son ouvrage.

Les habitudes alimentaires peuvent également devenir « un casse-tête diplomatique ». Ainsi, la visite du président iranien Mohammad Katami avait été annulée dans la mesure où les Iraniens ne voulaient pas que soit servi de vin à table et qu’il n’y ait pas de femmes durant le dîner… Un souhait que l’Elysée ne pouvaient bien évidemment pas accepter…

Dans le même genre, mais moins grave, les asperges servies par Berlin pour le premier voyage de François Hollande. Un met que ne supporte pas le président français. « Le président et son entourage n’avaient pas encore communiqué les goûts du nouvel hôte de l’Élysée au protocole et à l’intendance », est-il précisé dans l’ouvrage.

Les personnalités invitées


Lors de leurs voyages à l’étranger il est coutume que les chefsd’Etats invitent des proches ou des personnalités.« Il peut s’agir d’un écrivain, d’un ou d’une artiste connue en France et dans le pays où se rend le président, d’un grand scientifique (prix Nobel par exemple) ou d’un sportif (médaille d’or aux jeux Olympiques ou champion du monde), d’un ancien ou actuel responsable politique français que le président veut honorer, d’un camarade d’école du président, d’un soutien du président pendant sa campagne, d’un spécialiste du pays dans lequel il se rend, d’un « grand élu » de province ou encore d’un journaliste proche du président qui ne sera pas dans le quota des journalistes ».

Si De Gaulle et Giscard n’ont jamais convié d’amis personnels à de tels voyages, ce fut le cas de leurs successeurs. François Hollande invita Kad Merad à un déplacement en Algérie, Sarkozy emmena Sylvie Vartan dans ses valises en Bulgarie, Jacques Chirac demanda à l’anthropologue Jean Malaurie de le suivre dans le Grand Nord canadien.

Celui qui invita le plus d’invités fut semble-t-il François Mitterrand. En 1985, l’ancien président socialiste décida d’envoyer Françoise Sagan en Colombie. Mauvaise idée…

Durant le séjour, elle est victime d’un malaise et tombe dans le coma. A l’époque ministre de la Culture, Jack Lang parle du « mal de l’altitude ». La romancière a pourtant « certainement » fait une overdose.« François Mitterrand avait eu peur qu’elle meure sur place et avait pressé Roland Dumas de s’occuper d’elle, écrit Jean-Marie Cambacérès. [Roland, arrangez-vous pour qu’elle ne meure pas ici], lui dira-t-il. Le médecin du président avait diagnostiqué que son pronostic vital serait engagé si on ne la rapatriait pas d’urgence. Pendant que Jack Lang « amusait la galerie », Roland Dumas fit venir un avion médicalisé de France 2. Françoise Sagan est hospitalisée sur place en attendant d’être rapatriée en France. On découvre que, contrairement aux accompagnateurs officiels, les invités du président ne sont pas assurés. »

Françoise Sagan s’en sortira finalement. La même année, elle sera inculpée pour « usage et transport de stupéfiants ».

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